Que peut apporter l'IA générative à la digital workplace ?

Que peut apporter l'IA générative à la digital workplace ? L'IA générative apporte un grand nombre de cas d'usage. Permet-elle pour autant d'augmenter la productivité ? La réponse n'est pas si évidente.

Comme son nom l'indique, une digital workplace réunit, dans un espace unique, toutes les briques technologiques pour travailler en mode collaboratif : agenda partagé, chat, visioconférence, partage de fichiers, gestion de projet.... Elle tient la promesse de centraliser, au sein d'une même interface, l'ensemble des flux de travail afin que le collaborateur n'ait plus à jongler d'une application à l'autre.

Se focalisant sur l'échange de messages et des documents, la digital workplace a, sur le papier, tout à gagner de l'essor de l'IA générative dont le but premier consiste à générer des textes, les optimiser ou les résumer. Dans son dernier référentiel, le cabinet de conseil Lecko note que, pour l'heure, les grands modèles de langage (LLM) mettent davantage l'accent sur la productivité individuelle que sur la productivité collective (collaboration, co-construction, pilotage).

Intégré nativement à la digital workplace, un agent intelligent, de type Copilot de Microsoft, facilite le quotidien d'un collaborateur en l'assistant dans des tâches simples comme caler un créneau pour une réunion. Il l'aide à rédiger un e-mail, à analyser un document, à traduire un article à la volée, à synthétiser un fil de conversations, à interroger en langage naturel une base de connaissances.

A défaut, pour l'instant, de faciliter la circulation de l'information au sein d'une organisation, "l'IA générative offre une aide à la rédaction pour les contributeurs métiers qui ne sont pas des professionnels de la communication, constate Arnaud Rayrole, directeur général du cabinet Lecko. En suggérant la base d'un article, l'expert évite le syndrome de la page blanche. En revanche, la capacité de l'IA à respecter le style ou le ton de l'entreprise n'est pas encore démontrée. "

Un autre cas d'usage important porte, selon lui, sur la recherche de connaissances. "L'utilisateur n'a plus à cliquer sur l'URL pour accéder à un document. L'IA va remonter directement le point précis du document qu'il soulevait dans sa question. Même si les résultats restent perfectibles, c'est un vrai gain de temps. " Dans le même esprit, l'IA peut suggérer des tags afin de mieux classer les documents.

Enjeux de souveraineté et de confidentialité

Le marché s'est emparé de ces apports. Cela fait maintenant quelques mois que les éditeurs spécialisés Whaller et Jalios ont intégré des LLM dans leur digital workplace. Avec des approches très voisines. Parmi les fonctionnalités mises en avant, beaucoup sont déjà exploitées par les plateformes de visioconférence de Google, Microsoft, Zoom ou Cisco Webex.

L'IA de Whaller, baptisé " (IA)ssistant " propose, à l'issue d'une réunion en visio, sa transcription complète, un résumé, une liste des décisions prises et des actions à réaliser ainsi que la vidéo en replay. "Avec ce mode asynchrone, les personnes absentes lors de la réunion peuvent raccrocher les wagons", se réjouit Thomas Fauré, président fondateur de Whaller. Le module JNLP de Jalios propose également le sous-titrage des vidéos.

Comme Copilot, l'assistant personnel va aider à la création de contenus, en générant des messages ou en améliorant des messages déjà rédigés. Whaller propose également l'option Facile A Lire et à Comprendre (FALC) pour transformer un langage classique en langage compréhensible par tous et donc plus inclusif. LIA peut aussi contracter de gros fichiers Word ou PDF et en produire la substantifique moelle.

Autre cas d'usage plus spécifique à une digital workplace, l'IA va synthétiser les fils de conversations des différentes communautés auxquelles appartient le collaborateur. De retour de congés, il s'informe ainsi rapidement sur ce qui s'est dit en son absence. " L'IA va également transformer une discussion en actions concrète en générant automatiquement une tâche, avec son libellé, la personne à qui elle est assignée et la date butoir ", complète Thomas Fauré.

Editeurs français, Whaller et Jalios misent sur l'enjeu de souveraineté pour se différencier de leurs grands rivaux américains. L'un comme l'autre ont choisi de retenir les modèles de la pépite tricolore Mistral et du provider national OVHcloud pour l'héberger. Whaller utilise aussi Aristote, IA développée par CentraleSupélec, pour générer automatiquement des comptes rendus de réunions. Pour autant, les deux éditeur laissent la possibilité à leurs clients de recourir à d'autres modèles s'ils le souhaitent, à commencer par ceux d'OpenAI.

Thomas Fauré, dont la plateforme est qualifiée SecNumCloud par l'Anssi, insiste sur le volet de la confidentialité des données et de la conformité au cadre réglementaire. " Via des cookies et des services tiers, chaque utilisateur doit pouvoir accepter et refuser de partager des données avec l'IA, conformément au droit au consentement prévu par le RGPD. "

Des gains de productivité encore à démontrer

Quel est le gain de productivité apporté par l'IA générative dans la digital workplace ? 5, 10, 15 ou 20% ? " Nous sommes dans l'expectative, estime Arnaud Rayrole. Synthétiser un document de 30 pages ou les échanges d'un fil de conversation fait a priori gagner du temps. De même, le résumé automatique de réunion décharge la personne qui devait avant le rédiger. Pour autant, nous avons du mal à traduire ces apports en gains de productivité. Lecko travaille actuellement à objectiver ces gains par la data. "

Car, dans le même temps, l'IA crée automatiquement du contenu et participe donc à la surinformation. Au lieu de soulager les collaborateurs, et plus particulièrement les cadres, exposés à des situations de surcharge cognitive, les LLM pourraient, à leur corps défendant, alimenter le phénomène d'hyperconnexion qui se traduit par une accumulation de messages et de notifications, en générant toujours plus de bruit.

L'IA générative pourrait aussi avoir des impacts négatifs sur le plan social et environnemental. Arnaud Rayrole s'inquiète du risque que prendrait une organisation à historiser toutes les transcriptions de ses réunions. " Si tout ce qui se dit à l'oral est transformé en écrit, il devient possible de rappeler, à tout moment, ce qui s'est dit tel jour à telle réunion. " Et pourquoi pas extraire un verbatim pour en faire un élément à charge dans une procédure de licenciement ?

Enfin, Arnaud Rayrole plaide pour utilisation raisonnée de l'IA générative, particulièrement consommatrice en ressources énergétiques. Or, conserver toutes les transcriptions de réunions irait à l'encontre des stratégies de décarbonation des entreprises.