En quête de rentabilité, Uber vise le "UberALL"

En quête de rentabilité, Uber vise le "UberALL" UberEATS, UberRUSH, UberFREIGHT… Après avoir accumulé plus de 1,2 milliard de dollars de pertes au premier semestre, le géant américain du VTC accélère sa diversification.

Rares sont les secteurs qu'Uber n'a pas encore explorés. Et pour cause, la firme de San Francisco s'est fixée un objectif qu'elle n'a encore jamais atteint : la rentabilité, avec en toile de fond une possible IPO, dont le PDG de l'entreprise Travis Kalanick a avoué à demi-mot qu'elle pourrait arriver prochainement. Après avoir perdu 4 milliards de dollars depuis sa création en 2009, dont plus de 1,2 milliard rien qu'au premier semestre 2016, le géant de l'on-demand economy passe d'une stratégie d'expansion géographique à une multiplication de services additionnels. Forte d'une levée de 3,5 milliards de dollars bouclée auprès du fonds souverain saoudien en juin dernier et d'une valorisation estimée à près de 70 milliards de dollars, l'entreprise fait feu de tout bois.

De multiples services à la demande

Grâce à sa présence dans plus de 450 villes du monde, et 40 millions de courses enregistrées chaque mois, Uber entend profiter de son importante base client en lui offrant de nouveaux services à la demande. Dernier fait d'armes en date : UberEATS. Déjà disponible dans une cinquantaine de villes de la planète, dont 8 en Europe, l'app est arrivée à Paris en mars dernier et début décembre à Lyon. Contre 2,50 euros de frais elle offre la possibilité de se faire apporter dans un délai compris entre 15 et 30 minutes des plats dont les prix varient de 9 à 12 euros.

Uber enregistre chaque mois 40 millions de courses dans le monde

Pour les livreurs, le principe est le même que pour les chauffeurs Uber, à l'exception du mode de transport : ils peuvent se déplacer à vélo ou à scooter. Uber se rémunère en récupérant une commission d'environ 30% sur le montant de la commande. L'entreprise a abandonné l'option "Livraison Instantanée" qui, moyennant quelques euros de plus, proposait un choix de quatre repas livrables en 10 petites minutes, mais promet une livraison en moins de 30 minutes pour les quelques 1000 restaurants référencés à Paris et proche banlieue et les 200 restaurants à Lyon.

Uber veut aussi devenir un acteur majeur de la livraison dite "du dernier kilomètre" avec UberRUSH. Lancé en octobre 2015 et aujourd'hui disponible à San Francisco, Chicago et New York, ce service permet par exemple, dans la grosse pomme, de se faire livrer n'importe quel objet ou lettre pour 5,5 dollars pour une course sur une distance pouvant aller jusqu'à 1 mile. Désormais concurrent direct d'Amazon Prime Now et des géants de la livraison FedEx et UPS, Uber a décidé en juin dernier d'ouvrir les API d'UberRUSH pour permettre à des clients BtoB d'intégrer un bouton de réservation directe sur leurs sites de e-commerce.

UberEATS se rémunère en récupérant une commission d'environ 30% sur le montant de la commande

Mais la firme de Travis Kalanick voit encore plus grand : elle a racheté en août dernier la start-up américaine Otto, qui s'est spécialisée dans les camions autonomes. Le montant de l'acquisition n'a pas été rendu public, mais le Silicon Valley Business Journal parle de 680 millions de dollars.

Fin octobre dernier, Uber a organisé une grande opération marketing pour montrer les bienfaits de la technologie. La firme de San Francisco a acheminé 51 000 canettes de bière sur 200 kilomètres entre Fort Collins et Colorado Springs (Colorado) dans un poids lourd signé Otto. Outre les camions sans chauffeur, Uber a créé un service global de transport de marchandises baptisé UberFREIGHT, auquel peuvent s'inscrire les entreprises intéressées à participer aux expérimentations de la marque.

Un service de VTC omniprésent et omnipotent

Pour conquérir le marché du transport, Uber veut être présent partout et faciliter au maximum l'accès à ses services. Son offre est intégrée depuis mai dernier aux itinéraires multimodaux proposés par Moovit dans 131 villes aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en France (à Bordeaux, Lille et Lens, Lyon, Marseille métropole, Nice, Paris, Strasbourg et Toulouse). Un partenariat gagnant-gagnant : l'app israélienne récupère une petite commission sur chaque course Uber commandée via son calculateur de trajets.

Uber est intégré depuis mai dernier aux itinéraires multimodaux proposés par Moovit dans 131 villes

En septembre dernier, Uber a obtenu d'Apple d'être intégré à l'application Plans de la marque à la pomme, dans l'onglet "Services". Si les utilisateurs d'iPhone ou d'iPad activent cette option, ils pourront aussi commander un Uber en le demandant à l'intelligence artificielle Siri.

La firme de San Francisco mise aussi sur l'IoT et vient de s'associer au bouton connecté français Concierge, qui sera bientôt commercialisé à 179 euros. Il permettra de commander son VTC en appuyant deux fois dessus. Un système de notifications lumineuses et sonores permet d'être prévenu de l'arrivée du chauffeur.

Plus de visibilité mais aussi plus d'opportunités : Uber entend toucher une nouvelle clientèle grâce à des offres très segmentées comme UberHOP. Proposée à Toronto, Seattle et Manille depuis février dernier, elle met en relation, aux heures de pointes, les "commuters", c'est-à-dire les travailleurs qui font tous les jours le même trajet matin et soir pour aller au travail. Le tout avec un prix fixé à l'avance et qu'Uber promet moins cher que ses services classiques de VTC.

La firme de San Francisco mise aussi sur l'IoT et vient de s'associer au bouton connecté français Concierge

L'app de VTC lorgne aussi sur le marché du transport sanitaire. Elle a annoncé début 2016 avoir décroché un partenariat avec MedStar, un réseau américain regroupant la communauté hospitalière. Les patients peuvent commander un Uber sur le site de MedStar pour aller ou revenir de leur rendez-vous chez le médecin, au lieu de prendre une ambulance. S'il venait à arriver en France, ce service pourrait rapporter gros : selon la fondation IFRAP, les dépenses pour le transport sanitaire de l'assurance maladie sont passées de 2,3 milliards d'euros en 2003 à 4 milliards en 2013. Et Uber n'en est pas à son coût d'essai sur l'e-santé. L'entreprise avait déjà lancé en novembre 2015 le projet pilote UberHEALTH, qui permettait notamment de faire venir une infirmière pour se faire vacciner contre la grippe en période d'épidémie dans 35 villes américaines.

Enfin, Uber expérimente en France depuis juin dernier UberGREEN, une offre de VTC hybrides ou électriques au même tarif qu'une course en berline, pour séduire de nouveaux clients à la fibre verte.

Une nouvelle stratégie prix

Uber veut enfin travailler sur ses prix pour se rendre plus accessible mais aussi fidéliser ses utilisateurs. La marque a lancé cet été l'abonnement UberPLUS, qui permet aux usagers de plusieurs grandes villes américaines comme Miami, San Francisco, Seattle ou Washington de payer à l'avance un lot de 20 ou 30 courses à un prix beaucoup plus bas que celui qui pourrait être facturé lors d'une course classique.

La marque a lancé aux Etats-Unis UberPLUS, qui permet de payer à l'avance un lot de 20 ou 30 courses

En France, les tarifs sont désormais fixés à l'avance, avec un calcul effectué en fonction des conditions de circulation, de la distance ou encore de l'éventuelle majoration due au niveau de la demande. Et ce, en contrepartie d'une légère augmentation générale des tarifs lancée début décembre. Le prix minimum pour une course UberX vient de passer de 5 à 6 euros et le prix à la minute de 0,25 centime à 0,3 centime. Le prix au démarrage grimpe lui à 1,20 euro, contre 1 euro auparavant, et le prix au kilomètre à 1,05 euro au lieu de 1 euro. A l'automne dernier, les réductions de parrainage ont également été passées de 10 à 5 euros offerts pour chaque nouvel utilisateur qui effectue sa première course.

La firme de Travis Kalanick pourrait aussi bientôt se délester de l'un de ses principaux postes de dépense : ses chauffeurs. Elle lance 100 VTC autonomes sur les routes Pittsburgh. Une technologie que l'entreprise va déployer massivement : elle veut y investir rapidement 300 millions de dollars, notamment grâce à un partenariat avec le constructeur automobile suédois Volvo. Elle vient aussi, dans ce cadre, d'annoncer la création d'un laboratoire dédié à l'intelligence artificielle. Uber pourrait ainsi, d'ici quelques années, passer du statut de géant du transport à celui de géant de l'IT.