Sébastien Chevrel (Devoteam) "Avec ChatGPT, l'IA n'est plus un sujet d'innovation, mais entre dans l'usage courant"

Le directeur général de l'entreprise de services du numérique détaille sa stratégie et ses objectifs pour 2023 et 2024. En ligne de mire : le cloud, la data, la cybersécurité et le développement durable.

JDN. Devoteam vient d'annoncer avoir dépassé le milliard de dollars de chiffre d'affaires en 2022 grâce à une croissance globale de 20% et une croissance organique de 16%. Quel est le moteur de cette progression ?

Sébastien Chevrel est directeur général de Devoteam. © Devoteam

Sébastien Chevrel. Nous sommes à mi-course de notre plan stratégique Infinite, notre objectif étant d'atteindre un chiffre d'affaires d'environ 1,5 milliard d'euros en 2024. Le cloud pousse indéniablement notre croissance, mais également la cybersécurité. Une activité qui monte très fortement en puissance depuis deux ans.

Sur le front de la migration vers le cloud, où en sont vos clients ?

Environ 28% des applications ont été migrées vers le cloud. Ce qui donne une bonne idée des enjeux d'accompagnement qui existent en amont sur le choix et la priorisation des applications à basculer. Et ce, que ce soit vers le cloud public, vers le cloud souverain, ou encore vers le cloud privé.

Suite à l'avènement de ChatGPT, avez-vous des discussions sur l'IA générative avec vos clients ?

ChatGPT est une preuve de concept qui contribue à démocratiser et rendre la notion d'intelligence artificielle vulgarisable. Il met en évidence jusqu'où peut aller une IA aux yeux de tous. Du coup, il pousse les directions IT et métier à s'y intéresser nettement plus fortement. Avec ChatGPT, l'IA n'est plus un sujet d'innovation, mais entre dans l'usage courant.

De notre côté, notre activité de services opère dans des environnements business. Ce qui implique de mettre l'IA à l'échelle et de la sanctuariser en appliquant des règles de sécurité et de mise en conformité. Nous sortons par conséquent du proof of concept. A l'instar du cloud il y a quelques années, nous sommes en train de vivre la plateformisation de l'IA.

ChatGPT vous amène-t-il à revoir vos priorités dans la data et l'IA ?

Nous avons prévu d'augmenter notre capacité à être certifié sur le front de l'intelligence artificielle. Dans le même temps, l'objectif est aussi de mieux travailler avec nos partenaires sur les produits et services d'IA que nous développons en portefeuille depuis déjà quatre à cinq ans.

Plus globalement, quels sont vos domaines de croissances stratégiques pour les mois à venir ?

Nous mettons l'accent sur certains segments qui poussent l'adoption du cloud. C'est notamment le cas de la cybersécurité. Mais également de la data en vue d'accompagner la montée en puissance des cas d'usage. Enfin, nous souhaitons nous renforcer dans le développement cloud natif. L'objectif est d'amener nos clients à repenser, reconcevoir, reprogrammer leurs applications pour profiter pleinement des nouvelles expériences permises par le cloud.

"Avec l'explosion du coût des data centers, nous sommes confrontés à une problématique d'efficience du modèle opérationnel"

Cette démarche s'appuie sur nos cinq partenaires stratégiques que sont Amazon Web Services, Google Cloud, Microsoft, Salesforce et ServiceNow. Nous les avons retenus car il s'agit des principaux acteurs (BtoB, ndlr) qui tirent l'innovation technologique. Nous accompagnons nos clients dans l'analyse de leur feuille de route pour leur permettre de se positionner au mieux en vue de leur projet à 6-18 mois.

Vous mettez le développement durable au cœur de vos préconisations en matière de cloud…

Alors que les organisations prennent de plus en plus des engagements de neutralité carbone, voire de net zéro carbone, les DSI ont tendance à voir leur empreinte fortement augmenter dans ce domaine. Ce constat nous met en responsabilité de proposer à nos clients des clouds plus orientés développement durable. Mais aussi de leur conseiller de redévelopper leurs applications pour les rendre plus efficientes en consommation d'énergie.

Avec l'explosion du coût des data centers, nous sommes confrontés par ailleurs à une problématique d'efficience du modèle opérationnel. Un enjeu qui va, de facto, au-delà de la sobriété associée à l'enjeu fondamental de la transition vers un modèle plus durable. Du coup, cette question qui était presque absente du débat il y a un an est désormais inscrite au cœur de la politique de conception globale des produits et services numériques.

Vous avez comme ambition de doubler de taille d'ici cinq ans. Comment cet objectif va-t-il se traduire en termes de stratégie ?

Cet objectif passera à la fois par une croissance organique et par des acquisitions. Des opérations qui visent à enrichir notre expertise en cohérence avec nos positionnements (le cloud, la cybersécurité, l'automation... ndlr) ou nos géographies (EMEA, ndlr). Parmi les derniers rachats que nous avons réalisés figurent ceux de Cloudeon et d'Integrity, tous deux spécialisés dans les services managés, le premier orienté Microsoft Azure, et le second en cybersécurité.

"Sur l'année, nous visons entre trois et cinq rachats"

La mise en œuvre de ce nouveau cap sera précisée lors de l'annonce de notre prochain plan stratégique qui sera dévoilé d'ici début 2025. Cette année, nous tablons sur une croissance organique de 10 à 12%. Sur l'année, nous avons prévu de recruter 1 500 nouveaux collaborateurs au niveau du groupe hors acquisitions dont 750 en France (Devoteam compte 10 000 salariés dans 18 pays en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, ndlr).

Quels sont vos objectifs d'acquisitions pour 2023 ?

Nous avons quelques discussions en cours. Sur l'année, nous visons entre trois et cinq rachats du type de ceux que nous avons déjà pu boucler. Nous sommes très à l'écoute des opportunités, à la fois sur les créneaux de la data, de la cybersécurité et du développement cloud natif.

Qu'en est-il de vos partenariats signés en France sur le segment du cloud de confiance ?

Nous avons conclu dans ce domaine des accords avec OVHCloud et Google-Thales. Nous annoncerons de nouveaux partenariats en France dans la souveraineté d'ici la fin de l'année. Pourquoi ? Parce que les offres de cloud souverain ne ciblent pas toutes les typologies d'entreprise et tous les secteurs avec les mêmes critères.

Sébastien Chevrel est directeur général groupe de l'entreprise de services du numérique (ESN) Devoteam. Il rejoint le groupe de Godefroy et Stanislas de Bentzmann en 2012 comme vice-président exécutif France et Benelux. Il devient directeur opérationnel en 2014 avant d'être promu directeur général mi-2020. Précédemment, Sébastien Chevrel a occupé des postes à responsabilité chez Altran, ainsi qu'un poste de vice-président pour le consortium d'écoles d'ingénieurs Yncréa.