Faut-il interdire ChatGPT en entreprise ?
Après avoir été accueillie comme la plus grande révolution depuis les années 1980, ChatGPT semble désormais répudiée. Si chaque progrès a toujours suscité son lot d'inquiétudes, comment l'expliquer ?
Après avoir été accueillie comme la plus grande révolution depuis les années 1980, ChatGPT semble désormais répudiée. Si chaque progrès a toujours suscité son lot d’inquiétudes, comment expliquer que, cette fois-ci, la méfiance provienne d’entreprises telles que JP Morgan, Walmart et Amazon qui ont restreint ou interdit l’accès de leurs employés à ChatGPT ? Certainement pas par leur aversion au risque ou à la technologie alors que leur nom rime avec success story. Deux pistes se dégagent qui doivent nous interpeller.
La première tient au flou qui persiste autour d’OpenAI. Fondée en 2015 comme association à but non lucratif, Elon Musk, l’un des fondateurs du projet philanthropique, s’est depuis retiré de l’aventure et ne cache plus son hostilité, étant cosignataire d’une tribune réclamant une pause dans la recherche consacrée aux intelligences artificielles (IA).
Si ChatGPT laisse entrevoir des progrès faramineux, il soulève aussi de nombreuses questions. Dans quelle mesure l’information générée par l’IA est-elle fiable ? Quels sont les biais d’analyse et de création ? Et surtout : quelle confidentialité ChatGPT garantit-il aux données collectées ?
La présentation de ChatGPT en novembre dernier a autant révélé qu’accéléré une course mondiale à l’IA. Pour OpenAI, le monopole ne sera qu’éphémère. Des projets concurrents ne tarderont pas à apparaître et pourront se différencier par un engagement accru en termes de sécurité et de confidentialité des données afin de renforcer la confiance dans cette innovation.
La seconde piste découle de la première et tient également à la confiance, celle que les entrepreneurs ont en leurs propres équipes. De même que le développement du télétravail, hier contraint par la crise sanitaire, aujourd’hui demandé par les collaborateurs, oblige chaque dirigeant à repenser l’organisation du travail, le développement de l’IA générative donne des sueurs froides à tous les control freaks du management.
Et pour cause : l’utilisation de ChatGPT permet à des millions de cols blancs de s’exonérer de produire eux-mêmes certains documents. D’où le malaise des dirigeants, pris en étau entre le devoir d’encadrer leurs équipes et l’espoir de dépasser leurs objectifs. Faut-il s’attacher aux tâches effectuées par les collaborateurs plutôt qu’à leurs réalisations ? C’est l’éternelle tension entre obligation de moyens et obligation de résultats. Et même si l’entrepreneur incline plus naturellement à la seconde, il voit parfois dans la première une saine exigence pour garantir l’efficacité des process.
Il ne faut toutefois pas s’attendre à innover en soumettant une requête à une IA générative. Innover, c’est réfléchir autrement. C’est rompre avec les habitudes. C’est précisément faire ce que ne fait pas ChatGPT dont la performance réside dans sa capacité à synthétiser et reformuler ce qui a été déjà dit et fait sur un sujet. Pour innover, il faut penser en humain plus qu’en machine.
D’où son importance : en automatisant certaines tâches répétitives et fastidieuses, ChatGPT permettra une montée en compétences des équipes pour se concentrer sur les missions à plus haute valeur ajoutée.
Les robots conversationnels sont suffisamment mûrs pour que les organisations s’en emparent. Quand Goldman Sachs ne voit ce déploiement que sous le prisme du risque de destructions d’emplois, j’y vois au contraire un potentiel immense. En s’appropriant ces outils, les entreprises peuvent libérer du temps utile à la production, à l’innovation, à la création, permettant aux dirigeants d’augmenter massivement leur volume d’activité par un surcroît de création de valeur.
Mon message est clair : pour toute nouvelle innovation pionnière, il y a une prime aux premiers arrivés qui font le pari de l’inconnu. Les indiscutables opportunités ouvertes par ChatGPT laissent peu de doute quant à la pertinence de se l’approprier. Mais intégrer les IA génératives ne doit pas mettre en cause la confidentialité de nos données. Nous devons impérativement défendre ce principe et trouver une voie permettant de concilier ces deux ambitions. La bonne nouvelle, c’est que ChatGPT nous libère du temps pour en tracer les contours.