Face à l'IA, les consultants contraints de passer en mode augmenté

Face à l'IA, les consultants contraints de passer en mode augmenté L'existence des consultants à faible valeur ajoutée est menacée par l'essor de l'IA générative. Mais les cabinets, eux, préfèrent se focaliser sur les opportunités.

Une menace immense et une opportunité énorme, tel est l'impact de l'intelligence générative sur la plupart des métiers et des secteurs d'activité. Mais peut-être encore plus que les autres, la position des consultants sur le marché du travail est sous la menace d'une révolution qui au même moment leur offre l'opportunité de proposer davantage de valeur à leurs clients.

En ce qui concerne les menaces, celles-ci sont facilement identifiables. ChatGPT et ses semblables sont particulièrement efficaces pour la rédaction de synthèses, l'analyse et la recherche de données. Autant de tâches jusqu'ici confiées aux consultants. "Nos client peuvent utiliser l'intelligence artificielle pour réaliser une première couche de travail. Celle-ci leur sera utile pour la consultation de base de données, la collecte de données historiques ou encore les travaux de type data crunch", confirme Charlotte Vandeputte, membre du comité exécutif de Deloitte. "L'IA s'évère efficace pour la recherche documentaire, l'analyse SWOT, les synthèses de rapport, la traduction ou pour trouver des noms de programme", complète Benjamin Fallot, associé EY Fabernovel. "Si on alimente un modèle avec beaucoup de données, on peut lui poser des questions sur une stratégie et il sera capable de répondre à ces questions. Les consultants les plus menacés sont donc ceux qui interviennent en amont de la stratégie", résume Jérôme Martin, associé Bearing Point.

"Pour faire simple, le consultant qui n'a pas d'expertise particulière va être remplacé par l'intelligence artificielle"

De manière plus générale, les consultants les moins compétitifs sont inévitablement menacés. "Le marché des consultants va devenir très discriminant car les consultant qui n'apportent pas de plus-value vont s'avérer inutiles", anticipe Charlotte Vandeputte. Jérôme Malzac, chief innovation officer chez Micropole, ne dit pas autre chose : "Pour faire simple, le consultant qui n'a pas d'expertise particulière va être remplacé par l'intelligence artificielle".

Bonne nouvelle, selon nos interlocuteurs : les consultants qui à l'inverse apportent une plus-value et une expertise verront leur position se renforcer davantage. Délaissés des tâches automatisables, ils pourront se concentrer sur celles à forte valeur ajoutée. C'est en tout cas la prédiction de l'ensemble des cabinets de conseil interrogés. Benjamin Fallot résume : "L'IA va enrichir le secteur" car "les consultants auront plus de temps pour se focaliser sur ce qui a de la valeur pour le client". Un client qui a désormais "des attentes très élevées" à même de pousser les consultants à réaliser des "tâches plus complexes et plus sophistiquées", ajoute Eric Hazan, directeur associé senior chez McKinsey.

Pour aider les consultants à se concentrer sur ces tâches complexes et sophistiquées, certains cabinets de conseil ont développé leur propre outil d'intelligence artificielle. EY s'est associé avec IBM pour proposer une solution d'automatisation des processus RH tandis que McKinsey a développé Lilli, un assistant IA pour ses consultants. Pour l'instant, Lilli est seulement compétente pour assister les consultants maison dans leur travail. Mais qu'en sera-t-il le jour où elle pourra elle aussi réaliser des tâches à forte valeur ajoutée ? La menace pour les consultants pourrait-elle finalement venir de l'intérieur ? Une hypothèse évidemment rejetée par Eric Hazan : "Lilli n'est pas vouée à remplacer les consultants mais à les augmenter".

"Nos consultants ont autant de missions qu'avant mais la nature de leurs missions est en train de changer"

Outre "augmenter" les consultants, n'oublions pas que l'IA constitue pour le moment une opportunité de marché. "Nos clients sont en train de découvrir cette nouvelle technologie", rappelle Jérôme Malzac chez Micropole. "Mais c'est encore trop tôt pour qu'ils automatisent eux-mêmes certaines tâches, donc ils ont besoin de notre maîtrise de l'intelligence artificielle." Un savoir-faire que les cabinets doivent donc développer à vitesse grand V. Pour cela, Deloitte "recrute de nouveaux profils plus à l'aise avec l'intelligence artificielle" et a entamé "une refonte" de ses parcours de formation. "Nos consultants ont autant de missions qu'avant mais la nature de leurs missions est en train de changer", analyse Jérôme Martin chez Bearing Point.

Un poste en particulier permet d'illustrer ce changement : celui de développeur. Si Jérôme Martin souligne que "les entreprises peuvent générer grâce à l'IA des morceaux de code", Benjamin Fallot ne "s'inquiète pas pour ces professionnels". "Ce sont des artisans du numérique. Ils vont s'adapter et évoluer pour rester utiles". Preuve qu'eux aussi sont obligés de se transformer pour transformer la menace en opportunité.