Intelligence artificielle au sein des services publics : un premier bilan et une accélération

Intelligence artificielle au sein des services publics : un premier bilan et une accélération Quelques mois après le début de l'expérimentation de l'IA générative au sein de la fonction publique, le gouvernement apporte de premières conclusions et de nouvelles pistes.

L'IA, un second souffle pour les services publics. A l'occasion d'une nouvelle réunion de l'allIAnce mardi 12 décembre, l'incubateur de la Dinum (direction interministérielle du numérique), l'Exécutif a présenté les premiers résultats de l'expérimentation de l'IA au sein de l'administration et plusieurs pistes de réflexion pour les prochains mois.

Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques s'est félicité du succès de l'IA générative mise à disposition de certains agents du portail Services Publics+. "La stratégie, c'est l'intelligence artificielle au service de l'humain. Si on veut défendre le numérique, il faut un numérique accessible et l'IA peut nous y aider. Mon message est simple : il faut y aller ! On ne veut pas se réveiller dans quelques années avec une gueule de bois sans avoir anticipé. C'est pour cela que nous expérimentons cette technologie. Service Public+ est notre bac à sable. Nous sommes dans un moment propice pour la fonction publique, c'est l'opportunité de le faire", explique le ministre. 

Lancée en octobre dernier, l'IA permet à 1 000 fonctionnaires volontaires d'utiliser une IA générative basée sur le modèle Claude d'Anthropic pour rédiger les réponses aux doléances des usagers de Services Publics+. Le but était selon les mots de Stanislas Guerini de "fluidifier" les échanges, un pari qui semble aujourd'hui tenu. 50 % des réponses sont maintenant facilitées par la technologie avec pour effet immédiat de diviser par quatre le temps de réponse, passant de 13 à 3 jours. La qualité des réponses est également meilleure selon les retours des usagers, qui sont 74 % à trouver la réponse utile, une hausse de 7 points depuis la mise en place de l'IA.

"L'intelligence artificielle apporte de nouveaux outils pour améliorer le quotidien des agents publics et des usagers. On peut désormais accéder au service public en utilisant simplement le langage naturel. C'est vers cette promesse que nous devons tendre", explique Jean-Noël Barrot. Le ministre chargé du Numérique appelle toutefois à ne pas "injecter de l'IA partout" au risque de provoquer un scénario catastrophe. 

Albert, déployé prochainement dans les maisons France services

Parallèlement, Albert, l'IA développée par la Dinum avance à grand pas. L'outil est développé pour l'heure sur une base de Llama 2 de Meta mais la Dinum pourrait rapidement switcher sur un modèle français. Des discussions avec Mistral AI sont en cours. L'outil est maintenant capable de répondre de manière personnalisée en citant ses sources et d'être déployé facilement au sein de toutes les administrations. Dans les prochains mois, confirmant le calendrier initial, l'IA sera déployée au sein des maisons France services, auprès des agents volontaires. Implantées dans les zones rurales et dans les villes de taille moyenne, les maisons France services sont des guichets uniques destinés à faciliter l'accès aux services publics. Les conseillers offrent une aide et des conseils personnalisés pour diverses démarches administratives, telles que les questions de santé, d'emploi, de retraite, de famille, ou encore les formalités liées à la fiscalité et au logement.

Consciente que l'IA représente une révolution technologique majeure, la Dinum a lancé en juillet 2022 l'incubateur IA "allIAnce". Son objectif est de répondre à des problématiques concrètes des administrations en réunissant toutes les expertises, qu'elles soient privées, publiques, issues de la recherche ou de l'enseignement supérieur. Parmi les autres membres de l'allIAnce figurent plusieurs ministères, des entreprises comme OVH ou Google, et des instituts de recherche. Les projets sont financés via les fonds FTAP, PIA et France 2030. 

A ce jour, 6 projets sont accompagnés par le partenariat, comme le modèle de NLP (traitement du langage naturel) CamemBERT développé par l'Inria. Utilisé entre autres par Enedis, il a permis à l'entreprise d'optimiser le traitement des demandes clients et de réaliser 3 millions d'euros d'économies annuelles. Jean-Noël Barrot souhaite en même temps que l'alliance s'inspire des projets d'IA menés par d'autres nations. "J'ai remarqué que mes homologues étaient demandeurs de partager les initiatives qu'ils prennent en matière d'intelligence artificielle. Nous allons essayer de nourrir l'allIAnce avec les expériences que l'on peut trouver dans des pays semblables à la France", précise le ministre. 

Les acteurs de l'allIAnce réunis par l'Executif. © BP

Un hub de données francophones pour l'IA

GPT-4, Claude 2, Gemini, Grok… Les large language model (LLM) sont majoritairement entraînés sur des datasets de données composés en grande partie de textes anglophones. Pour tenter de contrer ce biais linguistique, l'Exécutif annonce le lancement prochain d'un hub de données francophones. Nommé Villers-Cotterêt du nom de la commune de résidence de la Cité internationale de la langue française, ce corpus de textes français vise à augmenter la part du français dans les modèles fondations d'IA. Le projet est mené par le ministère de la Culture en lien avec la Dinum, l'Inria, l'Ina et la BNF.

L'objectif est clair : faire de la richesse de la langue française et de son exception culturelle des atouts clés pour le développement éthique et souverain de l'IA dans l'espace francophone. "Nous avons une chance en France, c'est qu'à côté de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, parmi d'autres, le même François Ier a pris à Montpellier une autre ordonnance royale en 1537, celle qui a permis le dépôt légal. Et depuis, nous avons ainsi accumulé une forme de thésaurus en langue française. Eh bien, c'est cela qu'il nous faudra partager et réussir à faire vivre pour continuer de créer, y compris dans l'intelligence artificielle", expliquait déjà Emmanuel Macron le 30 octobre dernier lors de l'inauguration de la Cité internationale de la langue française.