Vinci se tourne vers l'IA générative à tous les étages de ses métiers

Vinci se tourne vers l'IA générative à tous les étages de ses métiers Le spécialiste français des concessions, de l'énergie et de la construction recourt à l'intelligence artificielle générative dans de nombreux métiers.

Energie, construction, concessions, autoroutes... Vinci est un groupe très décentralisé comptant plusieurs milliers d'entreprises. Pour fédérer ses chantiers de transformation numérique, l'entreprise a créé une plateforme de prospective et d'innovation : Leonard. En 2018, elle se saisit de l'intelligence artificielle en tant que sujet prospectif. Puis très vite, elle définit un parcours de développement de l'IA en vue d'améliorer et d'optimiser les process.

Dès 2020, Leonard initie en lien avec les équipes métier les premiers projets d'IA générative via le déploiement d'algorithmes d'apprentissage par renforcement. Des modèles dessinés notamment pour générer des plans. "Ils viennent aider à concevoir nombre de systèmes : réseaux de câblage, d'extinction d'incendie, de gaines de CVC (pour chauffage ventilation climatisation, ndlr)... "L'optimisation sous-contrainte nous permet de générer des plans pour minimiser la quantité de matériel, construire au plus vite ou encore minimiser l'impact de nos activités sur l'environnement", détaille Bruno Daunay, lead du programme IA chez Leonard.

Des projets dès 2020

En se basant sur la même technologie, Vinci conçoit des fondations. "En fonction du nombre de mètres carrés, du poids du bâtiment, de ses plans et de la topographie du terrain, nos algorithmes d'IA vont recommander des pieux de telle ou telle profondeur, avec telle ou telle largeur, telle ou telle densité de ferraillage à intégrer à l'intérieur, etc. Ils conseilleront également un espace entre chacun, ainsi que le béton pour les réaliser. Le tout en vue d'optimiser la rapidité d'exécution, le coût de l'infrastructure, mais aussi, là encore, l'impact environnemental", égraine Bruno Daunay. Au final, les plans seront évidemment contrôlés et validés par des ingénieurs en structure.

"Un humain réalise ce travail en trois semaines, un algorithme, lui, le fera en dix minutes", compare Bruno Daunay. "L'autre avantage d'utiliser l'IA est de dénicher la meilleure solution parmi des centaines."

"Seule l'IA peut nous permettre d'optimiser les plannings de maintenance en temps réel"

Pendant la phase de construction, Vinci fait aussi intervenir l'IA générative, en se basant de même sur des modèles d'apprentissage par renforcement. Historiquement, des ingénieurs méthodes définissaient le séquençage de l'assemblage du bâtiment. Pour 200 murs devant être érigés sur une surface donnée, le machine learning affine désormais l'échelonnement de la mise en œuvre pour réduire le temps d'utilisation des grues et des banches nécessaires pour couler le béton. En cas d'aléa, il va également pouvoir regénérer le séquençage à la volée.

En aval, les algorithmes viennent créer les plans de maintenance. "Quand on a 1000 interventions à réaliser par jour en Ile-de-France avec 200 salariés, la question est de savoir comment gérer la meilleure chronologie, en prenant en compte un maximum d'aléas", explique Bruno Daunay. "Dans un cas comme celui-là, seule l'IA peut nous permettre d'optimiser les plannings en temps réel. Ce qui permet à la fois de gagner du temps et de réduire le stress des équipes" Parmi les contraintes à prendre en compte figurent la compétence des employés, la conception des trajets, la prise en compte du trafic routier en temps réel... Sachant que si une personne ne peut pas venir travailler, le modèle pourra alors tout reconfigurer en quelques secondes.

ChatGPT relance les projets

En 2023 ; le buzz autour de ChatGPT remet Vinci dans la même situation qu'en 2019. Les LLM permettent désormais au groupe français d'automatiser la constitution des listes réglementaires d'éléments à vérifier pendant la phase de construction. Et ce, en se basant sur le CCTP (Cahier des clauses techniques particulières), document contractuel qui fixe les clauses techniques nécessaires à l'exécution des prestations d'un marché. Le LLM va par exemple dénicher immédiatement les tests à réaliser sur les tuyaux et joins. Il va ensuite automatiquement créer les schémas de test et la check list correspondante à fournir aux opérationnels. Ce travail stratégique et manuellement chronophage (dans la mesure où il implique d'aller glaner des informations dans un gros volume de corpus) va ainsi pouvoir être automatisé.

"Grâce à ce dispositif, on considère gagner en moyenne 10 jours par bâtiment. Ce qui correspond à 1000 jours-hommes par an", estime Bruno Daunay.

Vinci a également recours à des LLM pour synthétiser des appels d'offres et pré-chiffrer automatiquement les décompositions de prix correspondantes. Sur certains périmètres métier du groupe, Vinci répertorie plusieurs dizaine d'appels d'offres. Les équipes de Vinci n'ont pas le temps de tous les lire de A à Z. C'est là où les LLM entrent dans la danse. Ils vont venir décrypter l'ensemble des appels d'offres au niveau national sur un secteur d'activité donné. Pour chacun, ils fournissent ensuite une synthèse de 15 lignes, avec la clé une fourchette de prix et des ratios de construction. "Là où l'analyse d'un appel d'offres demandait 5 minutes à un humain, le LLM permet de réaliser ce travail de manière immédiate sur tout un secteur d'activité", souligne Bruno Daunay. "Il pré-estime les lignes de prix de l'appel d'offres. L'IA reposant sur des probabilités, nous laissons néanmoins l'humain finaliser le travail d'estimation en se basant sur ce premier jet."

Mais Vinci ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Le groupe entend s'adosser au LLM pour automatiquement répondre aux appels d'offres. Traduction : il s'agit ici de saisir les exigences du client puis d'aller glaner dans le corpus documentaire du groupe ce qui a déjà été réalisé dans le domaine ciblé... avant de générer un premier draft de réponse. "L'intérêt est de brancher le LLM sur des bases de données communes aux entreprises de Vinci. Ce qui permet de répondre aux appels d'offres de manière horizontale", indique Bruno Daunay.

GPT 3.5 en coulisse

Autre cas d'usage, les juristes ont recours aux LLM pour gérer les risques sur des contrats à plusieurs milliards d'euros. Des contrats qui impliquent de déchiffrer des corpus documentaire massif. Ce n'est pas tout. Le groupe étant très décentralisé, il compte aussi un grand nombre de petits contrats de 20 000 euros en moyenne. Des documents que les juristes n'ont pas forcément le temps de passer au crible. Objectif ici : systématiser leur lecture grâce au LLM afin de s'assurer que toutes les clauses sont correctes et qu'aucune n'est passée entre les mailles du filet. "L'idée est de fournir aux opérationnels un outil qui réalise une validation automatique et détecte les clauses posant potentiellement problème. Des clauses qui seront, elles, analyser ensuite par les services juridiques", explique Bruno Daunay.

En coulisse, Vinci a recours au modèle GPT 3.5. Mais le groupe étudie l'intérêt qu'il pourrait avoir à passer sur d'autres LLM, par exemple Llama, Bard, voire même Mistral. "Nous sommes encore en phase d'évaluation de l'impact de nos premières initiatives sur les métiers. Nous comptons optimiser le process et le choix du LLM dans un second temps", commente Bruno Daunay. Pour la génération de texte, Vinci utilise très souvent le RAG. Ce qui est loin d'être une surprise.