Safran déploie son ChatGPT auprès de 5000 salariés

Safran déploie son ChatGPT auprès de 5000 salariés Le groupe industriel français déroule plusieurs projets d'IA générative, depuis la gestion des ressources humaines jusqu'à la maintenance de ses avions en passant par la création de documentation technique.

Groupe industriel français expert en aéronautique, espace et défense, Safran compte plus de 80 000 collaborateurs répartis sur une vingtaine de filiales. En 2015, le groupe lance Safran Analytics, une entité interne chargée d'analyser les technologies de data et d'IA et de co-concevoir avec les équipes métier des développements dans ces domaines. En 2021, Safran créée sa direction digitale et des systèmes d'information en vue de négocier la transformation numérique du groupe. Du même coup, Safran Analytics devient de facto un axe stratégique pour l'entreprise.

"Historiquement, l'IA était perçue comme un sujet aride pour les équipes. Avec l'arrivée de l'IA générative, les métiers se sont rendu compte qu'ils pouvaient être directement concernés par ce domaine. Tout comme le comité exécutif. Ce qui s'est traduit par une phénomène d'accélération", commente Philippe Naïm, directeur de Safran Analytics. Dans la foulée, la société décide de ne pas restreindre l'accès à ChatGPT. A ceci près que le chatbot ne peut être utilisé que pour manipuler des données publiques. Les salariés du groupe peuvent ainsi interroger le modèle sur des informations générales. "Pour les données propriétaires, Safran a mis en place un ChatGPT sécurisé, dans un environnement contrôlé et maîtrisé. L'objectif étant d'éviter tout risque de perte d'informations sensibles", explique Philippe Naïm.

Microsoft Copilot utilisé par 300 employés

D'abord déployé auprès 1000 utilisateurs lors d'une première phase d'évaluation, le ChatGPT interne est désormais mis à la disposition de 5000 salariés. Faisant appel à l'API Azure OpenAI de GPT 4 et 3.5, il repose sur des instances internes. Les équipes y ont recours classiquement pour gérer de la mise en forme, de la traduction...

En parallèle, Safran commence à recourir à Microsoft Copilot, notamment pour réaliser des résumés de document ou encore des comptes rendus de réunion Teams. Pour l'heure, l'assistant de Microsoft a été déployé auprès de 300 personnes.

Quelle différence Safran fait-il entre ChatGPT et Copilot ? "Microsoft Copilot intervient dans un environnement contextualisé. Il indexe l'environnement de travail, ce qui lui permet de concevoir ses réponses en tenant en compte de ce dernier. Ce qui n'est pas le cas de ChatGPT. Par exemple Copilot peut informer un collaborateur sur le déroulé d'une réunion à laquelle il n'a pas assisté. Ce qui évidemment n'est pas le cas pour ChatGPT", constate Philippe Naïm. "Il n'en reste pas moins que le degré de maturité de ChatGPT en génération de texte est supérieur à celui de Copilot."

"Aujourd'hui, nous avons cinq projets d'IA générative verticaux qui ont été mis en œuvre"

En parallèle, Safran mène des projets d'IA générative verticaux. Des chantiers qui passent par la mise œuvre du Rag (pour retrieval-augmented generation) sur des modèles de fondation tels que GPT-4. Rappelons que le Rag permet d'injecter dans les résultats d'un modèle de fondation des informations issues de bases de documentaire tierces.

Au total, Safran a identifié une centaine de cas d'usage verticaux auxquels peut s'appliquer l'IA générative. "Aujourd'hui, nous en avons cinq qui ont été mis en œuvre sous forme de MVP (pour minimum viable product, ndlr)", commente Philippe Naïm. "Nous avons opté pour la méthode agile Safe. Les équipes projets sont présentes au niveau des filiales, le rôle de Safran Analytics étant de les incuber dans l'optique de les accompagner dans l'utilisation des outils et dans leur montée en compétences en data science"

Parmi les cas d'usage en production, on retrouve : un chatbot de support orienté gestion des ressources humaines, un assistant pour simplifier la création de la documentation technique industrielle ou encore un bot pour assurer le support aux opérations. "Derrière ce dernier projet, l'idée est d'interroger la base de données historisant les réparations ayant déjà eu lieu pour proposer la réparation la plus proche des cas équivalents déjà rencontrés", souligne Philippe Naïm. Quatrième cas d'usage : le recours aux LLM pour indexer les référentiels qualité, des volumes de données massifs dans l'aéronautique. En ligne de mire : en fonction d'une problématique de maintenance données, l'assistant va dénicher à la volée le référentiel qualité qui s'applique.

Dernier cas d'usage déployé : la gestion des demandes clients au moment de la livraison des produits. "Lors de la livraison d'un avion par exemple, le client passe en revue l'appareil et envoie des réclamations en cas de défaut. Ce process se traduit par un flux de questions-réponses qu'on gère là-encore par le Rag en se basant sur nos spécifications", précise Philippe Naïm.

Le Rag systématiquement utilisé

Pour l'heure, le Rag est systématiquement mis en œuvre pour l'ensemble des projets sur une infrastructure propre à Safran adossée à l'API GPT-4. Une technique qui permet au groupe d'éviter toute hallucination et d'assurer la qualité de la réponse. "Il est évidemment fondamental pour que ça fonctionne de bénéficier d'un fond documentaire performant", insiste Philippe Naïm. Pour la suite, Safran envisage de réduire la taille des modèles si les MVP se révèlent probants. Objectif : réduire les coûts en ressources machine ainsi que l'emprunte carbone associée. "Reste qu'un modèle de petite teille implique une phase d'entrainement avec une grande précision", reconnait Philippe Naïm, avant d'ajouter : "Nous testons en parallèle d'autres LLM, par exemple Claude 3. Notre architecture a été conçue pour être agnostique en termes de modèles de langage."

Safran Analytics a accompagné le déploiement de ces différents projets via l'organisation de formations et de webinaires hebdomadaires pour apprendre aux équipes à optimiser les prompts. Une communauté d'utilisateurs a été mise en place. "Le déploiement de l'IA générative chez Safran a créé une véritable émulation. Nous avons récemment organisé un événement regroupant 150 personnes sur le sujet. L'ambiance était très extravertie et collaborative. Ce qui n'est pas habituel au sein d'un groupe d'ingénierie comme le nôtre. De même lors de la tenue du PI planning sur les cinq cas d'usage évoqués s'est développé une bonne dynamique entre les équipes centrales de Safran Analytics et les équipes métier des différentes entités impliquées."