L'IA en éducation, entre blocages et perspectives prometteuses

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Le secteur de l’Education a tout à gagner des apports de l’intelligence artificielle. Pourtant, l’intelligence artificielle cristallise, autour du mysticisme du « Screen-free » en éducation, un certain nombre d’interrogations voire de peurs. L’amalgame est facile entre un écran et la montée du platisme ou encore des troubles de l’attention, alimentant l’idée que « l’école n’est plus ce qu’elle était » pour masquer une réticence à s’adapter aux changements. Pourquoi l’école devrait-elle être exclusivement considérée comme un « temple du savoir » avec un fonctionnement autarcique, isolé dans le temps, sur fond de tableau noir ? L’école est au cœur de notre société civile et joue un rôle primordial dans la formation des citoyens de demain. 

Est-il raisonnable d’envisager une France de 2050 dépourvue d’IA ?

L’IA, les écrans, tout comme il fut un temps les gazettes de Renaudot ne sont que des outils. De même que la presse n’est pas responsable de la crédulité face aux fake-news ou que nos smartphones ne sont pas coupables de faciliter l’accès à nos livres favoris, l’IA n’est pas à blâmer pour l’usage que nous en faisons. 

C’est l’ignorance, la paresse et la peur desdits outils qui conduisent à leur mauvais usage. La véritable question est donc de savoir quels seront les citoyens de demain : des utilisateurs non formés, dépendants du prêt-à-penser de l’IA, ou bien citoyens numériques éclairés, exploitant pleinement leurs compétences individuelles au service de la société ?

Pour assurer le plein développement de ces technologies, au service des élèves et enseignants, garants de la société à venir : tous les acteurs de la EdTech et du monde enseignant doivent partager des objectifs communs en levant les blocages existants, légaux, techniques ou culturels pour une utilisation alerte de l’IA. Autrement, notre pays sera pas apte à répondre à ses ambitions technologiques.

S’appuyer sur le P2IA pour favoriser l’acculturation à l’IA

Le partenariat d’innovation et d’intelligence artificielle(P2IA) est un dispositif innovant mis sur pieds par l’Education Nationale, pour initier l’imprégnation par le monde enseignant des potentialités de l’intelligence artificielle en conditions contrôlées. Il favorise des solutions d’apprentissage en français et mathématiques au cycle 2. En outre, le travail avec les laboratoires de recherche permet d’aider l’enseignant à identifier les besoins des élèves et de d’engager l’apprenant quant aux connaissances à acquérir.

Il est nécessaire de s’appuyer sur le P2IA, dont il convient de saluer tant sa participation aux ambitions du plan France 2030 que la fonctionnalité de ses applications. Cependant, il ne saurait répondre seul aux besoins de notre système éducatif. Pour une raison simple, l’innovation est ralentie par un faible taux d’investissements financiers de la part des Venture Capital dans le secteur K12, à juste titre. Bâtir la société de demain est une conquête collective de dimension nationale, et non uniquement la responsabilité des pouvoirs publics. Par conséquent, sur la base du plan P2IA, il est souhaitable de promouvoir les pratiques hybrides, qui favoriseront le travail autonome des élèves, dans et hors de la classe en fonction de leur niveau. Dans le cadre de son application, l’enjeu sera également de faire monter ses outils aux cycles supérieurs, et d’élargir la palette de matières traitées par les applications, notamment dans les langues étrangères afin de garantir un climat serein aux enseignants pour faire entrer ses outils dans les mœurs. L’objectif connexe sera de lever la crainte de l’utilisation de l’Ed-IA et d’insuffler une dynamique vertueuse pour garantir massivement les investissements à impact.

Renforcer le nombre et la qualité des formations

Dans le déploiement de l’IA, on constate l’existence de formations délivrées au sein de l’Education Nationale, et à l’extérieur. A destination des enseignants, elles servent les objectifs sus-cités : favoriser l’acculturation générale à l’existence de l’IA, informer sur le bouleversement qu’elle peut avoir sur le monde éducatif et comment elle est amenée à le faire très positivement. Ces formations, dont il faut renforcer le nombre et le contenu, partent d’un postulat simple : la plupart des enseignants ne savent pas ce qu’est concrètement une IA générative, ses forces et ses limites. Ainsi, peu sont habitués à utiliser convenablement un prompt pour permettre une génération efficace. Massivement, surtout en élémentaire, ils craignent son utilisation tant du point de vue de la gestion des données que de l’impact qu’elle pourrait avoir sur leur profession. 

Mais qu’en est-il de l’origine de ce postulat : est-ce une prudence technocritique éclairée face au technologies émergentes ou bien la peur sclérosante d’être dépassés tout simplement ? Dépassés par les révolutions technologiques accessibles à tous, dépassés par les élèves utilisateurs, dépassés par la charge de formation professionnelle auxdits outils alors que la charge hors classe ne cesse d’augmenter, dépassés par les implications légales et sociétales, etc. Et pourtant alors que le besoin d’une revalorisation du métier est plus que jamais nécessaire, l’IA est justement un moyen judicieux d’y parvenir. N’oublions pas que ceux que l’on nommait les hussards noirs de la République se battent avec ferveur chaque jour pour leurs élèves. 

C’est pourquoi les formations qui vont émerger devront être centrées à lever les blocages existants avec franchise : si l’IA peut garantir d’améliorer l’accompagnement des élèves tout en favorisant des conditions de travail optimales, alors l’IA aura toute sa place dans l’éducation. Qu’on se le dise : l’IA ne remplacera pas les enseignants, elle est une alliée en devenir. Elle n’est pas apte à traiter des interactions sociales, de l’empathie, du désir d’apprendre, des valeurs morales qui font la beauté de la fonction.

Il conviendra aussi d’insister sur l’usage de l’IA générative par les élèves notamment, crainte réelle des enseignants, qui demandent à savoir détecter l’usage de Chat GPT notamment avec les applications tierces qui émergent. Mais aussi du bon apprentissage qu’ils doivent apporter à leurs élèves sur la façon d’utiliser ces outils, à travers une pédagogie numérique fonctionnelle.

Régler les enjeux légaux, économiques et éthiques de l’IA 

Pour que le monde éducatif partage pleinement le potentiel de l’IA dans ses process, il est impératif de régler enfin les enjeux légaux, économiques et éthiques de son développement. L’IA Act européen qui doit réguler fortement l’usage et le développement de l’IA sur notre continent doit ainsi être adapté aux enjeux éducatifs, en les favorisant plutôt qu’en les bridant. Ainsi sa transposition en droit national devra faire preuve de l’ambition française à devenir un leader dans le domaine. Le suivi administratif, au niveau de la Rue de Grenelle particulièrement, devra favoriser la délivrance des autorisations d’exploitation et le développement des partenariats Ecole-solutions avec vélocité.

La mutation économique des organisations éducatives va être posée, mais la technologie peut revaloriser l’attractivité du métier d’enseignant à travers l’automatisation de certaines tâches hors classe répétitives et le focus qu’ils pourront redonner à l'individualisation de leur suivi des élèves. Cependant, il est nécessaire d’anticiper dès à présent les coûts induits pour l’Education Nationale, en acquisition et mise à jour de matériel, et abonnements aux solutions. 

Sans tarder, il nous faut aborder les enjeux éthiques, de tracing et d’hébergement des données notamment mais aussi de transparence, d’équité et de gouvernance des solutions IA. Le développement d’outils technologiques souverains s’en trouve d’autant plus impérieuse, et notre pays doit à ce titre valoriser ses champions comme Mistral AI ou Kyutai.