Thomas Dohmke (GitHub) "Les développeurs utilisant GitHub Copilot sont jusqu'à 55% plus rapides"
Thomas Dohmke est le CEO de GitHub. Il annonce la prise en charge de la résidence des données en Europe et revient sur les choix stratégiques de GitHub en matière d'IA.
JDN. Que propose la nouvelle offre de résidence des données de GitHub pour l'Union européenne, et quels avantages apporte-t-elle en termes de performance et de conformité pour les développeurs européens ?
Thomas Dohmke. L'introduction de la résidence des données dans l'Union européenne, que nous annonçons ce 24 septembre, permettra aux clients européens de stocker leur code source, leurs problèmes, leurs actions GitHub, leur intégration continue et leur déploiement dans la région, tout en bénéficiant d'un environnement privé sécurisé. La résidence des données dans l'UE, toutes les connexions - que vous ouvriez votre environnement GitHub dans le navigateur, effectuiez des opérations Git, ou exécutiez votre environnement de développement - seront hébergées sur des serveurs européens de Microsoft Azure. Cela permettra d'optimiser encore davantage les performances et de répondre aux exigences de localisation des données. La latence est un sujet crucial pour nous et depuis longtemps. GitHub a depuis longtemps mis en place des points d'accès dans différentes régions, y compris en Europe.
Vous avez lancé GitHub Copilot depuis maintenant trois ans. Quels sont les principaux retours des développeurs sur votre solution ? Auriez-vous des KPI à nous partager sur le taux d'adoption et les gains de productivité permis par cette solution ?
Nous mesurons les retours sur GitHub Copilot à travers trois axes principaux. Tout d'abord, nos études de cas comparatives montrent des gains de productivité impressionnants. En confrontant deux groupes de développeurs sur des tâches identiques, nous observons que ceux utilisant GitHub Copilot sont jusqu'à 55% plus rapides. Ensuite, nos statistiques d'utilisation révèlent que dans les fichiers où Copilot est activé, environ 46% du code provient de l'outil. Le taux d'acceptation des suggestions se situe entre 30 et 35%, ce qui est remarquable considérant que Copilot ne peut pas toujours prédire exactement l'intention du développeur. La précision des prédictions s'améliore au fur et à mesure que le développeur écrit du code, à l'instar de l'auto-complétion sur un smartphone.
Enfin, les enquêtes utilisateurs offrent peut-être l'indication la plus forte de l'impact de Copilot. Au-delà de l'augmentation de la productivité, nous constatons un effet positif sur la satisfaction et l'épanouissement des développeurs. Ils apprécient l'utilisation de Copilot au point de ne plus vouloir travailler sans, notant une réduction significative de l'effort mental nécessaire pour leurs tâches quotidiennes.
Vous avez commencé à explorer l'intégration de o1 dans GitHub Copilot. Quels sont vos premiers retours ? Quels sont les gains apportés au sein de GitHub Copilot ?
Le nouveau modèle o1, encore en preview, est particulièrement intéressant car c'est le premier grand modèle de fondation avec rétroaction qui intègre le concept de chain-of-thought. Contrairement aux modèles précédents qui fournissaient simplement une réponse à une question, o1 réfléchit à sa réponse en plusieurs étapes, en ajustant les valeurs d'entrée pour chaque nouveau processus de raisonnement. Le modèle prend plus de temps pour réfléchir. En contrepartie, il fournit une réponse plus complète, ce qui lui permet de résoudre des problèmes plus complexes.
o1 excelle notamment dans l'optimisation de code et le bootstrapping, c'est-à-dire la création d'un nouvel ensemble de fichiers ou de fonctionnalités pour une application. Cette capacité est particulièrement utile car le développement logiciel est souvent un processus en plusieurs étapes, à l'image du travail des développeurs humains. Un avantage significatif d'o1 est sa capacité d'édition multi-fichiers. Il peut modifier plusieurs fichiers simultanément, revenant sur un fichier précédent pour y apporter des modifications si nécessaire. C'était une limitation du modèle GPT-4o qui, une fois passé à un autre fichier, ne pouvait plus revenir en arrière pour modifier le premier. Copilot utilise plusieurs modèles pour différentes tâches et comportements. Par exemple, l'auto-complétion nécessite un modèle très rapide et à faible latence pour fournir des suggestions en temps réel. En revanche, la fonction de chat peut utiliser un modèle plus large comme GPT-4, car elle dispose de plus de temps pour générer une réponse.
A terme, avec l'IA, le code sera-t-il accessible à tous les métiers dans l'entreprise ?
Je suis convaincu que le code deviendra accessible à tous, pas seulement dans l'entreprise, mais pour chaque être humain sur la planète. Cependant, ce processus prendra du temps, à l'instar de l'évolution du taux d'alphabétisation au cours du siècle dernier. Copilot, qui fonctionne déjà dans de nombreuses langues majeures comme l'allemand, le français, le portugais brésilien, l'hindi et bien sûr l'anglais, facilitera grandement cet apprentissage. Il permettra non seulement de créer du code, mais aussi d'approfondir la compréhension des concepts sous-jacents. Je pense que nous ne sommes pas très loin d'un futur où n'importe qui pourra coder. Cependant, il faudra un peu plus de temps pour atteindre un stade où tout le monde aura appris à le faire.
Nous n'en sommes qu'au début de la révolution de l'IA générative. Quels sont vos prochaines pistes pour intégrer encore davantage l'IA dans le processus de développement et faire gagner encore un peu de temps aux développeurs ?
Nous explorons actuellement plusieurs pistes. Premièrement, nous travaillons sur l'intégration d'extensions dans Copilot. Cette fonctionnalité permettra à nos partenaires d'enrichir Copilot avec des informations spécifiques à leurs outils et services. Par exemple, l'extension JFrog fournira des renseignements sur les artefacts et les packages utilisés dans un projet. Les développeurs pourront ainsi facilement vérifier la dernière version d'une bibliothèque, savoir si elle est approuvée par leur équipe de sécurité, ou s'informer sur d'éventuelles vulnérabilités connues. De même, une extension Atlassian est en préparation pour intégrer les informations de JIRA et Confluence. L'objectif est de centraliser toutes les connaissances institutionnelles d'une entreprise - culture, processus, outils - au sein de Copilot. Cela permettra aux développeurs d'avoir l'ensemble de leur stack d'ingénierie à portée de main, accessible via de simples requêtes en langage naturel.
Deuxièmement, nous travaillons sur des comportements plus "agentiques" de l'IA. En août, nous avons annoncé Copilot AutoFix, qui non seulement détecte les vulnérabilités de sécurité mais propose également des corrections. Qu'il s'agisse d'une injection de code malveillant ou de failles de type cross-site scripting, notre vision est que "trouvé signifie corrigé". Cette approche vise à résoudre un défi majeur pour les développeurs : l'équilibre entre le backlog d'innovation (nouvelles fonctionnalités, retours clients) et le backlog de conformité et de sécurité. Actuellement, les outils de sécurité, bien qu'utiles, ajoutent souvent du travail au backlog. Avec l'IA, nous cherchons à automatiser la gestion de ce backlog de conformité et de sécurité, permettant ainsi aux développeurs de se concentrer davantage sur l'innovation.