L'Humanité à l'heure de l'IA : fin ou commencement dans l'Education
L'IA, entre crainte et espoir, questionne notre humanité. Elle nous pousse à redéfinir l'éducation et à équilibrer tradition et innovation pour préserver nos valeurs dans un monde algo-rythmé.
A la croisée des mondes de l’AI et de l’enseignement, existe-t’il un équilibre pour La République ?
Alors que l’horloge de la rupture technologique est à minuit moins une, le pays des Lumières fait le choix pour l’éducation de la souveraineté et du rayonnement pédagogique, éthique et technologique au services des élèves. Ce n’est pas nous qui le formulons : c’est le Sénat et EduCapital.
Mais comment cela est-il possible alors que l’IA reste encore pour beaucoup d’enseignants une notion au moins aussi abstraite, que la maîtrise pour leurs élèves de la langue de Molière ?
Pour les enseignants, lorsque l’on mentionne ChatGPT ou IA générative, tout à chacun choisit un camp entre technophiles compulsifs et technocritiques qui brandissent le spectre liberticide de l’algocratie. Sans choisir, nous observons l’émergence d’un catalyseur de grande ampleur à l’augmentation humaine, ou pour certain-e-s à son remplacement. Sous 3 ans, 44% des compétences professionnelles seront devenues obsolètes. Pour autant, pour la plupart d’entre nous il est facile de trouver au moins 44% de collègues déjà obsolètes non ? ( blague ou pas ? Une IA ne pourra pas répondre à cette question sans faire du politiquement ennuyeux, pardon, correct. )
Comme le mentionne Arhur Grimond-Pont, la société n’a jamais été autant interconnectée. Malgré l’interoporabilité et les flux de données extraordinaires, nous n’avons jamais été aussi prêt d’un culte de la pensée unique. Presque tous oscillent entre terreur non-dite, interrogations judicieuses et utilisations désinvoltes d’outils encore trop abscons, en cédant aux affres du mercantilisme et des ombres projetées sur les murs du salon par la lumière blafarde des réseaux sociaux de leurs smartphones. La question se pose donc de savoir « comment vivre à l’heure des algortithmes », voir simplement ce qui signifie être humain ? Nous questionnons l’IA et elle nous invite en retour à nous questionner sur notre propre nature. C’est un débat philosophique, métaphore même de la part d’humanité inhérente à insuffler dans la profession d’enseignant.
Loin de l’algocratie : ce que la philosophie révèle de l'intelligence artificielle et l’humanité
L'essor de l'intelligence artificielle provoque bien plus qu'un simple débat technique : il remet en question notre place dans le monde et notre compréhension de l'intelligence et de la conscience. Dans un monde où les machines peuvent imiter la parole humaine et analyser des données plus rapidement que nous, il devient essentiel de distinguer ce qui relève du calcul de ce qui appartient à la pensée consciente. La philosophie, en explorant des notions telles que l'esprit, l'émotion et la quête de sens, peut nous aider à répondre à ces questions. En réalité, l'intelligence artificielle n'est peut-être pas tant un miroir de notre esprit qu'un prisme, à travers lequel nous voyons de manière plus précise les qualités qui fondent l'essence humaine.
Nos conceptions traditionnelles de l'intelligence et du langage se trouvent bouleversées, suscitant des réflexions philosophiques profondes sur ce qui définit l'humain. Des machines capables de traiter des données et de produire un langage convaincant nous amènent à reconsidérer des notions jadis exclusives à l'homme, notamment le langage, la pensée rationnelle et même l'autonomie. Pour comprendre ce que représente l'IA, la philosophie interroge en premier lieu la notion même d'intelligence. Le terme "intelligence" vient du latin intellegere, signifiant « relier » ou « comprendre ». Dans cette optique, l'IA peut être perçue comme une forme d'intelligence, dans la mesure ou elle relie des données, identifie des schémas et produit des analyses complexes avec une rapidité qui nous dépasse. Selon Nick Bostrom dans Superintelligence, cette capacité d'analyse massive fait de l'IA une intelligence
"instrumentale" puissante, fondée sur la corrélation statistique et la résolution de problèmes spécifiques. Il aborde également les implications de cette « superintelligence » qui, bien qu'excellant dans des tâches cognitives spécifiques, manque des caractéristiques subjectives humaines, comme la conscience de soi et l'émotion. En ce sens, si l'IA s'avère puissante dans l'analyse pure, elle demeure fondamentalement différente de l'humain, car sans conscience, elle reste un calculateur sophistiqué.
La question du langage ajoute une dimension encore plus troublante au débat.
Historiquement, l'usage du langage était perçu comme un trait fondamentalement humain, signe de rationalité et de conscience. Cependant, l'IA conversationnelle contemporaine peut produire un langage humain fluide et apparemment autonome, offrant l'illusion d'un dialogue humain. Cette évolution soulève la question de notre exclusivité en matière de langage, un domaine autrefois sanctuarisé par la pensée philosophique. Selon Stephen Cave, l'IA pourrait constituer une « quatrième blessure narcissique » pour l'humanité. Freud avait déjà identifié trois de ces blessures : la découverte que la Terre n'est pas le centre de l'univers (Copernic), que l'homme n'est qu'une espèce parmi d'autres (Darwin), et que notre esprit conscient n'est pas maître de lui-même (Freud). Cave soutient que l'IA, en franchissant le seuil du langage, ébranle notre perception de l'humain en nous forçant à admettre que le langage, jusqu'ici considéré comme le reflet de la pensée humaine, pourrait être reproduit par des machines, sans nécessiter d'intention consciente.
Le débat est d'autant plus complexe que les avancées dans l'étude du comportement animal, notamment en éthologie, avaient déjà remis en question notre unicité. L'éthologie moderne a montré que les animaux possèdent des formes de conscience, d'altruisme et de rituels sociaux complexes, notamment des comportements de respect envers leurs défunts. Jane Goodall, observe que des chimpanzés présentent des comportements sociaux très élaborés, tels que le deuil et l'empathie. Ces observations suggèrent que l'intelligence émotionnelle et les comportements altruistes ne sont pas propres aux humains, remettant ainsi en question la frontière entre notre espèce et le reste du règne animal. Avec le langage également en passe d'être concurrencé par les intelligences artificielles, la question de la spécificité humaine devient pressante.
L'humain doit désormais se positionner non seulement face aux autres espèces, mais aussi face à des machines qui remettent en question son propre monopole sur l'intelligence et le langage.
Face à cette perte progressive des attributs censés définir notre humanité, la question philosophique devient : qu'est-ce qui distingue encore l'homme, dans sa manière d'être et de penser, de la machine et de l'animal ? La philosophie nous invite à creuser au-delà des apparences. Si l'IA peut imiter le langage et analyser des informations, elle ne peut pas véritablement philosopher. L'intelligence humaine n'est pas seulement une question d'analyse de données; elle implique des questionnements existentiels, une conscience des valeurs, une interrogation sur le sens de la vie. Luciano Floridi explique que l'IA, bien qu'avancée, reste incapable d'appréhender les dilemmes moraux ou les questions de valeur comme le ferait un humain. Bien qu'elle puisse cataloguer les opinions et produire des analyses logiques, elle ne ressent ni doute, ni ambivalence. Elle ne vit pas d'émotions, ne connaît ni amour, ni mystère spirituel, et n'a aucun rapport subjectif au beau ou au sublime.
La philosophie peut également nous aider à comprendre l'impact social de l'IA sur notre identité collective. Dans un monde où la technologie influence de plus en plus nos valeurs et nos comportements, que signifie encore « être humain » ? Bernard Stiegler, dans ses écrits sur la technologie, alerte sur l'influence de l'automatisation sur notre culture et notre capacité à penser par nous-mêmes. Si l'IA devient un modèle de pensée, l'humain risque de perdre sa singularité culturelle et son rôle de créateur. L'IA, en tant que produit de la société humaine, peut paradoxalement influencer cette même société en retour, en transformant notre manière de concevoir l'intelligence et le progrès. Ce phénomène pousse à réévaluer notre rapport à la technologie et à repenser les idéaux de progrès pour préserver une identité humaine propre.
Finalement, pour nous pourrions exprimer cela en termes biologiques : si on s’en tient à nos instincts grégaires, l’IA est une nouvelle espèce en compétition active pour l’accessibilité au substrat qui détermine notre identité même. Mais pour autant, derrière ce spectre menaçant d’une compétition belligérante, l’IA n’est-elle pas simplement un catalyseur de notre propre élévation humaine, en nous poussant à l’introspection et à l’action.
L’IA marque une fin et un commencement pour l’éducation.
Comme l’exprimait Voltaire, “tout, avec le temps, a un double visage” au même titre que le dieu romain à deux visages des commencements et des fins. Il est en de même pour l’IA, si elle a été très tôt un élément de craintes en Education, elle est aussi un exhausteur de l’essence de notre humanité, tout simplement. Il n’est pas nécéssaire de vouer un culte à l’IA ou bien de nier son utilité dans une période ou les enseignants croulent sous le poids Sysiphien de la bureaucratie. Dans le cycle de l’Absurde, Camus a déjà formulé une réponse à l’itération mécanique : la révolte. Autrement dit l’action. Dans notre cas, la prise en main de l’outil.
Ainsi pour en revenir à cette dualité éducative à laquelle sont confrontée les enseignants, figurons-nous Janus. Son premier visage tourné vers le passé, représente le poids de l’héritage, des valeurs traditionnelles de l’éducation issue des concepts philosophiques des maîtres à pensée de La République qui sont indispensables à l’élévation éthique et humaine de l’apprenant et qui nous ont guidés jusque là. A l’avènement de l’IA et des neurosciences, son second visage se tourne vers le droite et la Révolution éducative. Majuscule, comme le R, étymologiquement issu du mot « resh » qui signifiait la tête, orienté lui aussi dans le sens des mots à venir. Amateurs de Jean Ferra, nous ne pourrions qu’imaginer son visage féminin, et observant l’intégration des sciences émergentes à l’aube du point de rupture technologique et sociétal, imposé par la course folle des nouvelles technologies et l’esprit de conquête humain, qui doivent être raisonnés, modérés.
Voici l’éducation de demain : entité complexe mais harmonieuse, représentation de la dualité et de l'unité pour les défis éducatifs à venir, en particulier l’IA. Mais comment démocratiser l’usage pour unifier ?
Acculturation à l’IA : perspective d’une humanité augmentée.
Dans ce contexte, l’éducation et l’accompagnement de l’écosystème éducatif revêtent une importance capitale pour nous permettre de naviguer dans un monde où l'intelligence artificielle est omniprésente. La formation ne peut se limiter à l'apprentissage des outils numériques et des technologies d'IA, mais doit intégrer des réflexions sur les valeurs, l'éthique et la pensée critique. Apprendre aux jeunes à utiliser l'IA en conscience implique de les outiller pour distinguer ce qui relève du calcul et ce qui appartient au domaine de la pensée humaine : émotions, jugements éthiques et quête de sens.
En renforçant leur esprit critique et leur capacité à questionner, l'éducation peut les aider à préserver leur autonomie intellectuelle face aux machines, en cultivant la réflexion sur ce que signifie être humain dans un monde de plus en plus automatisé. De plus, comprendre les biais possibles des systèmes d'IA et les implications éthiques des décisions prises par des algorithmes leur donnera la compétence nécessaire pour interagir avec ces outils de manière responsable et éclairée, contribuant ainsi à construire une société où l'intelligence artificielle sert les besoins humains sans les supplanter.
En interrogeant notre rapport à l'IA, la philosophie peut nous aider à mieux saisir ce qui rend l'humain unique. Derrière les prouesses de l'IA se cachent des limites profondes : absence de conscience, d'éthique intrinsèque, de quête de sens et d'identité culturelle. Si PIA excelle dans l'analyse et le traitement des données, elle ne peut atteindre la complexité émotionnelle et existentielle de l'esprit humain. Cette frontière, invisible mais fondamentale, nous rappelle que l'intelligence artificielle, même avancée, reste étrangère à l'expérience humaine.
Ainsi pour l’enseignant, l’IA et son utilisation sont en soi une métaphore de sa condition : entre quête de l’équilibre de ses valeurs et de sciences et technologies émergentes, relié à un tout plus vaste et interconnecté à savoir l’écosystème éducatif. Dés lors, l’IA en éducation doit simplement accompagner, sans rendre mécaniques, les valeurs humanistes que les enseignants placent dans leur métier.
Pas de frime technologique. Pas remplacement. Encore moins une surcharge et technologique supplémentaire. Pour démocratiser : un outil, propre, rapide et fondamentalement utile à mettre en application nos valeurs éducatives.
Ni plus, ni moins.