L'heure des workflows agentiques a-t-elle sonné ?

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Les workflows "agentiques" marquent une transition majeure, où des agents IA autonomes s'intègrent directement dans les processus métiers pour orchestrer des actions complexes, dépassant les limites

Depuis l’émergence de l’IA générative, les entreprises ont multiplié les expérimentations : création de contenus, automatisation de tâches simples, assistants conversationnels. Mais derrière ces usages, une mutation plus profonde se dessine : l’intégration d’agents IA directement au sein des workflows métiers, avec un périmètre d’action défini pour garantir le respect des processus de l’entreprise. L’intelligence artificielle ne se limite plus à soutenir le travail, elle commence à transformer l’architecture même des organisations. Aux processus figés succèdent progressivement des flux orchestrés par des agents numériques capables d’agir, de décider et d’interagir. Une évolution discrète mais annonciatrice d’un tournant organisationnel majeur.

Des processus aux agents : un changement de logique

Durant des décennies, les entreprises ont suivi une logique de processus : des étapes séquentielles, standardisées, orchestrées manuellement dans des environnements cloisonnés. Ce modèle hérité de l’ère industrielle a assuré rigueur et reproductibilité, mais montre aujourd’hui ses limites dans un monde plus complexe, changeant et orienté vers l’instantanéité.

Les workflows « agentiques » reposent sur une approche différente. Ici, ce ne sont plus des scripts qui s’exécutent étape par étape, mais des agents logiciels autonomes. Grâce à un périmètre d’action défini et contrôlé, ils sont capables d’interpréter une intention, d’analyser un contexte, et d’interagir à la fois avec des humains et d’autres systèmes, tout en respectant les règles et contrainte de l’entreprise. Véritables collaborateurs numériques, ils orchestrent des chaînes d’action entières, avec une fluidité et une adaptabilité inatteignable par les approches classiques.

L’objectif n’est pas de remplacer l’humain, mais de redéfinir son rôle. Déchargés des frictions opérationnelles, les collaborateurs peuvent se concentrer sur la prise de décision, la relation, l’analyse ou la créativité. Ainsi, il s’agit moins d’une automatisation que d’une reconfiguration du travail autour de l’humain.

Pourtant, cette mutation reste encore largement mal comprise. Selon l'étude « AI at Work » du Boston Consulting Group (BCG), seuls 11 % des salariés français déclarent utiliser un agent IA au quotidien, et moins d’un quart comprennent réellement ce que ce terme recouvre. Preuve que l’agent n’est pas qu’un outil technique, mais un concept encore à clarifier dans l’entreprise.

Une dynamique déjà à l’œuvre

Certains secteurs ont déjà franchi le cap. Dans l’assurance, par exemple, des agents intelligents prennent désormais en charge un sinistre simple : ouverture du dossier, vérification des garanties, analyse documentaire, génération d’un remboursement. L’humain n’intervient que si une ambiguïté est détectée.

Ce type d’implémentation vise à rendre les processus plus fluides, plus robustes et plus rapides, tout en améliorant l’expérience client et l’efficacité opérationnelle. Ces déploiements, encore limités, montrent que la valeur de l’IA agentique ne repose pas sur des effets de démonstration, mais sur la capacité à transformer durablement les parcours métier critiques.

Des défis à adresser et des opportunités à saisir

Si les promesses sont fortes, la mise en œuvre concrète reste encore semée d’embûches. Le Baromètre Work Trend Index 2025 de Microsoft démontre que 70 % des dirigeants français anticipent que les agents IA transformeront leur organisation d’ici trois ans, et que 77 % des collaborateurs jugent qu’un agent IA dédié améliorerait considérablement leur productivité. Mais la réalité reste contrastée et plusieurs défis restent à relever.

Tout d’abord, les organisations font face à un défi technique. De nombreuses organisations évoluent encore dans des architectures héritées, fragmentées, peu interopérables. Pour fonctionner, un agent nécessite un environnement cohérent : des données accessibles, des systèmes capables de dialoguer, des règles explicites.

Ensuite, il faut relever le défi stratégique. Tous les processus ne se prêtent pas à une logique agentique. Il faut savoir identifier les bons cas d’usage : ceux où l’effort d’implémentation est raisonnable, la complexité modérée, et le retour sur valeur mesurable.

Enfin, la réussite de cette transformation repose en grande partie sur l’adhésion des collaborateurs. Introduire des agents autonomes dans les circuits de décision suppose de repenser la gouvernance, de clarifier les zones de responsabilité, et d’instaurer la confiance. Non pas aveuglément dans la technologie, mais dans la manière dont elle est conçue, déployée et supervisée.

Les agents : de simples outils à véritables actifs

Les déploiements les plus aboutis démontrent que les workflows agentiques doivent être considérés comme des infrastructures d’entreprise à part entière. Un agent ne se « branche » pas comme un plugin : il se conçoit, se gouverne et s’intègre dans une logique d’entreprise.

Il devient un actif doté d’une mission, d’un périmètre d’action, d’indicateurs de performance ainsi que d’un rôle dans une chaîne de valeur. Et comme tout actif, il doit être piloté, entretenu, et faire l’objet d’un retour d’expérience continu.

Les organisations qui réussiront cette transformation seront celles qui aborderont les agents avec méthode. C’est à dire en définissant un cadre clair, en orchestrant leurs agents avec rigueur, et en faisant évoluer leurs modèles organisationnels en cohérence. Ce n’est pas une révolution chaotique, mais une mutation structurelle pensée comme telle.

Les workflows agentiques ne relèvent plus de la prospective : ils s’installent déjà dans certains secteurs. La question n’est donc plus si cette mutation aura lieu, mais comment et à quel rythme chaque organisation saura l’intégrer à sa stratégie.