Le système bancaire à l'épreuve de l'IA : une transformation incontournable

F.Initiatives

L'intelligence artificielle connaît aujourd'hui un essor fulgurant avec l'IA générative. Mais comment transforme-t-elle concrètement le système bancaire ?

Et pourquoi est-il crucial de financer et d'accompagner cette innovation en France face à un environnement international éminemment compétitif ?

Une rupture technologique aux conséquences systémiques

Selon IDC[1], en 2024, les banques ont investi plus de 150 milliards d’euros dans l’IA. Par ailleurs, d’après le Boston Consulting Group[2], en 2025, 1 banque sur 3 prévoit d’y investir plus de 25 millions de dollars. L’IA générative n’a fait qu’accélérer cette tendance sur les deux dernières années. Mais les banques n’ont pas attendu 2025 ou l’IA générative pour intégrer l’intelligence artificielle ou ce qui y ressemble. En recrutant des data scientists, elles ont commencé par capitaliser sur le big data et le machine learning, puis - pour bien connaître leurs clients, mieux les servir et prendre des décisions d’investissement avisées - elles ont évolué progressivement vers des systèmes d’IA de plus en plus sophistiqués. Des nouveaux outils, capables d’exploiter comme jamais des volumes colossaux de données non structurées : courriels, appels, échanges clients, réseaux sociaux, presse économique, données sociaux-économiques, données extra-financières, sentiment de marché, etc …

Des gains immédiats aux mutations structurelles

Les banques utilisent l’IA pour 4 grands types d’usages. Tout d’abord, l’amélioration de l’expérience client. L’objectif est d’optimiser le marketing et les ventes via des assistants virtuels (chatbots, voicebots) et des systèmes de recommandation et de personnalisation, notamment grâce à l’IA générative. Deuxième usage, l’optimisation des processus internes pour libérer les conseillers des tâches à faible valeur ajoutée : automatisation de tâches manuelles et répétitives, traitement des données non structurées et autonomisation des clients pour les opérations courantes. Troisième usage clé, la gestion des risques comme la détection de fraudes, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) ainsi que son corollaire : la connaissance client (KYC), la gestion des alertes et des risques financiers, opérationnels (y compris les risques cyber) et de conformité. Enfin, quatrième axe, les activités de marché où l’IA est utilisée pour l’analyse prédictive des tendances de marché, l’aide à la construction de portefeuilles et/ou à l’évaluation d’actifs.

Un cadre contraignant qui façonne l’innovation

L’AI Act européen classe les systèmes d’IA selon leur niveau de risque. Or, le secteur bancaire, de par son activité de profilage client/scoring crédit, se retrouve placé dans la catégorie à haut risque. Pour garantir une IA éthique et de confiance, des exigences supplémentaires sont à respecter (qualité des données, explicabilité des décisions, supervision humaine, documentation complète…). Les banques doivent donc prévoir les mécanismes et la traçabilité nécessaires à une transparence des décisions prises par l’IA, sans oublier de respecter les différentes réglementations - RGPD, DORA ou NIS2. Des contraintes lourdes qui ont un coût et pèsent sur leur compétitivité, notamment en Europe et au niveau international où les concurrents évoluent dans un cadre beaucoup plus souple. 

Investir dans l’IA pour réinventer la banque

En France, en matière de soutien financier à l’innovation et la recherche, nous disposons de deux outils clés. Tout d’abord, le Crédit Impôt Recherche (CIR), avec une enveloppe annuelle de 7 milliards d’euros. L’autre dispositif est « France 2030 »[3], doté d’un budget de 54 milliards d’euros sur 5 ans dont 40 milliards ont déjà été investis depuis fin 2021. Chacun de ces programmes consacre une part importante au numérique et à l’IA. L’usage du CIR par les banques, au même titre que par les grands groupes industriels ou pharmaceutiques, suscite régulièrement des critiques, au motif que, ces acteurs disposant déjà de ressources financières importantes, le dispositif devrait cibler prioritairement les PME.

Faire de la responsabilité sociale un axe financier prioritaire

Selon les dernières données du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, le secteur bancaire - tous acteurs du secteur financier inclus, institutions, mais aussi assurances, asset managers …- pèse moins de 2 % de la créance CIR annuelle. Ne plus soutenir l’innovation dans ce secteur enverrait donc un mauvais signal à notre industrie financière, actuellement engagée dans des projets IA coûteux et risqués (IA explicable, conformité réglementaire, infrastructures HPC et cloud sécurisé, cybersécurité, lutte contre la fraude et la criminalité financière). Sans doute le prix à payer pour une IA éthique et de confiance unique dans le monde, dans un secteur où la confiance est l’actif le plus précieux. 

Un levier d’impact positif sur tout l’écosystème

De plus, les banques sous-traitent une grande partie de leurs R&D à des laboratoires, ESN, fintechs, générant un effet d'entraînement positif sur l’innovation de l'écosystème. Atout majeur, de nombreuses banques françaises disposent même désormais d’incubateurs ou accélérateurs en interne pour repérer, tester et intégrer les innovations. Certaines vont même jusqu’à intégrer des start-ups prometteuses à leur gamme de services. Enfin, la compétitivité des banques est aussi un enjeu national et européen, voire de souveraineté financière, sachant que dans d’autres zones géographiques, le support financier de l’État est nettement plus fort.

Ne pas investir dans l’IA bancaire, c’est risquer de perdre la maîtrise de notre secteur financier face à des concurrents internationaux qui ne font pas face aux mêmes contraintes. La France compte plusieurs banques figurant dans le top 10 mondial dont 5 dans le top 50 en termes d’adoption IA[4]. Préserver cette position exige un soutien public fort et une mobilisation collective.

[1] International Data Corporation (IDC) Worldwide Artificial Intelligence Spending Guide

[2] BCG, For Banks, the AI Reckoning Is Here, Financial Institutions Ai In Fi Report 2025

[3] Plan France 2030 https://www.economie.gouv.fr/france-2030 

[4] Evident AI Banking Index October 2024