La saisie prédictive de Gmail parle mieux anglais que français

La saisie prédictive de Gmail parle mieux anglais que français Smart Compose promet d'auto-compléter un e-mail en analysant le contexte et l'historique de rédaction. Une fonctionnalité limitée dans la langue de Molière... pour l'instant.

Lancée aux Etats-Unis en mai 2018, la fonction Smart Compose de Gmail a débarqué en France en avril 2019. Basée sur un modèle de machine learning et une analyse permanente du contexte des échanges, elle a pour but de décupler la vitesse de rédaction en proposant au fil de l'eau des pistes de formulations, d'expressions ou de phrases. "En plus de compléter automatiquement la saisie, Smart Compose peut insérer des informations personnalisées telles l'adresse de votre bureau ou de votre domicile", explique Montain View (lire le post officiel).

Voici pour les promesses. Sont-elles tenues ? "En français, Smart Compose relève plus du gadget qu'autre chose", constate Thomas Poinsot, consultant en assistance à maîtrise d'ouvrage au sein du cabinet de conseil et de services français Spectrum Groupe. "Il se contente la plupart du temps de préconiser des formules de politesse en introduction et en conclusion des messages." Bastien Lelann, responsable du pôle analyses au sein du cabinet Lecko, approuve : "On reste sur du mot à mot avec souvent des erreurs."

Pour Thomas Poinsot, la qualité du service devrait théoriquement évoluer. "C'est le principe du machine learning qui enrichit son modèle de connaissances en permanence."

Démonstration de Google de la fonctionnalité Smart Compose de Gmail. © Google

Comparé à la version française de Smart Compose, sa déclinaison anglaise se révèle nettement plus évoluée. "Elle génère des tournures de phrase complètes, certes souvent simples, mais contextualisée", constate Bastien Lelann. Exemples : "How are you ?" au début d'un message envoyé à un proche ou "Let me know what you think" à la fin d'un e-mail de travail évoquant un projet. "En anglais, Smart Compose décrypte aussi l'objet du mail. S'il fait référence à un rapport ou à une facture, il proposera immédiatement : 'please find attached the report' ou 'please find attached the bill'. C'est assez bluffant", reconnait Bastien Lelann. Selon l'expert, ces leviers ne changent pas, malgré tout, fondamentalement la manière de rédiger les mails.

Pourquoi ce décalage entre les deux versions de Smart Compose ? Le bassin d'utilisateurs de Gmail en anglais étant très nettement plus important qu'en français, les modèles de machine learning de l'outil disposent mécaniquement dans la langue de Shakespeare d'un data set de messages beaucoup plus important pour apprendre. D'où la plus grande finesse constatée en anglais. Mais il sera intéressant de suivre l'évolution des résultats de la version française au fil de l'enrichissement de son moteur d'apprentissage.

Smart Compose bientôt intégré à Google Docs et Google Slide ?

Pour la suite, il se pourrait bien que Google soit tenté d'étendre Smart Compose à Google Docs et Google Slide, voire Google Sheets, même si l'intégration de la fonctionnalité à un tableur (centré par définition sur des contenus chiffrés) parait moins pertinente. "Sachant par ailleurs qu'on n'a plus besoin de convertir des documents Word ou Excel pour les modifier dans G Suite, Smart Compose pourrait du coup potentiellement s'appliquer aux fichiers Office", rappelle Bastien Lelann.

Pour affiner son produit, à l'instar de ce qu'il pratique en matière de search, Google n'hésiterait pas à mettre certaines fonctionnalités de Smart Compose à l'épreuve de l'A/B testing. "J'ai vu apparaître en mai des listes multi-choix permettant à l'utilisateur de choisir la formulation la plus proche de celle qu'il désire. Ce dispositif a depuis disparu", note Bastien Lelann. Ce mécanisme complexe à appréhender ergonomiquement pour les utilisateurs a pu ne pas passer l'épreuve de l'A/B test.

En attendant, la concurrence se met en ordre de bataille. Le compétiteur historique de G Suite sur le terrain des suites de productivité, Microsoft, se prépare à intégrer une fonction de saisie prédictive à Windows. Disponible en bêta, elle est pour l'heure introduite dans quelques applications de l'OS (le Notepad, OneNote ou encore Microsoft To Do). Elle pourrait être lancée en version finale début 2020.