Investir dans l'IA… et les ressources humaines

Avec l'intelligence artificielle, l'entreprise doit redéfinir l'attribution des tâches. Il faut qu'elle différencie les tâches qui peuvent être automatisées et confiées à des algorithmes de celles qui doivent rester entre les mains des humains.

Aucune entreprise ne peut imaginer être compétitive sans IA. Des investissements massifs y sont consacrés chaque jour. La différence concurrentielle viendra donc des ressources humaines. A possibilités technologiques égales, l'innovation, la créativité, la communication, et bien entendu l'expérience client qui en résulte feront les champions de demain. Il faut dès à présent investir dans l'humain et la collaboration Humains/Machines. Reste à savoir comment se préparer à cette collaboration.

L’humain au cœur de la stratégie des entreprises

Il y aura à terme une convergence technologique et de ce fait, la différence concurrentielle viendra des ressources humaines. Aujourd’hui, notre société s’inquiète uniquement de savoir si et quand les humains vont être remplacés, passant ainsi à côté du travail nécessaire de préparation de cette collaboration. Pour ce faire, il est indispensable de regarder les effets à venir de l’automation du travail par le prisme des tâches et non des emplois en tant que tels. Considérer une tâche comme étant plus humaine qu’algorithmique dépend autant des hiérarchies sociales et des dynamiques de pouvoir que des réelles possibilités techniques. L’entreprise doit redéfinir l’attribution des tâches. Il faut qu’elle identifie quelles tâches peuvent être automatisées / confiées à des algorithmes et quelles tâches doivent rester entre les mains des humains. Cette frontière va évoluer avec les avancées technologiques et elle repose sur la potentielle automatisation sous contrainte de qualité et d’attentes. Prenons l’exemple d’un agent conversationnel pour un opérateur de e-commerce. La limite dépend de la capacité à répondre précisément à la question du consommateur. Facile pour les délais et étapes de livraison, les caractéristiques d’un produit voire de son usage ; mais quasi impossible dans le cas de dysfonctionnements pointus.

Sur quels savoirs et quelles compétences les entreprises doivent-elles miser ? Créativité, innovation, communication et plus généralement les soft skills sont sur toutes les lèvres. Mais concrètement, comment cela se traduit-il ? Il ne faut pas s’attendre à un big bang, mais plutôt à une évolution progressive. L’enjeu prioritaire est d’avoir un alignement sur la vision et les besoins pour la servir puis de définir les étapes pour y arriver. Chaque étape induira des changements (abandon de tâches et de compétences comme la prise de décision opérationnelle ou le choix de contenu à proposer à un client) et l’acquisition de nouveau savoir-faire comme la déclinaison sémantique des messages, la démultiplication créatrice et bien sûr l’usage de nouveaux outils. L’enjeu principal est de changer les façons de travailler et d’appréhender le monde.

Cette approche implique également, au-delà de la sphère de l’entreprise, de repenser les formations (écoles, universités etc.) et de manière plus profonde encore de remettre en question le rapport de la société au travail, de l’individu au travail. Sans cela, il y aura encore plus de décalage entre les besoins et le nombre de ressources formées à un niveau suffisant pour répondre à la demande de nouveaux savoir-faire.

L’entreprise qui sera performante demain doit passer par un travail puissant et profond d’introspection afin de se mettre en mouvement vers un objectif clair et partagé. Sans cela, les conditions du succès ne seront pas réunies et la fin de l’histoire est déjà connue. Ajouter de la technologie avec comme finalité un gain de productivité est une erreur. Utiliser la technologie pour servir une vision d’ensemble dont les humains, tant en qualité de consommateurs et de collaborateurs, font partie est nécessaire mais non suffisant. Je préconise pour amorcer les changements dans un premier temps de faire un état des lieux de ce qui peut déjà être automatisé dans ce que vous faites. Cela permettra d’identifier le temps potentiellement rendu libre. On peut ensuite, par exemple, lister 5 sujets créatifs à développer. Chaque gain de temps sera remplacé par un de ces projets si possible disruptif qui sera choisi collectivement. Il sera nécessaire afin d’avancer d’évaluer la dimension "anti-fragile" de chaque initiative, de faire systématiquement participer des personnes éloignées de votre métier à vos séances de créativité, de valoriser la divergence avant la convergence et d’identifier vos envies, vos peurs, vos qualités, vos lacunes au regard des besoins du futur.

Une telle démarche replacera par l’expérience et en douceur l’humain dans son nouveau contexte de travail avec de nouveaux collaborateurs virtuels. Cette approche centrée sur l’équipe doit être soutenue par un projet et une vision globale. Chaque entreprise trouvera son chemin, il sera singulier et en continuelle évolution.

Il n’y a pas de destin, les technologies ne se développent pas linéairement, mais souvent à partir de ruptures. Le futur du travail sera constitué de personnes qui créeront les conditions de la collaboration entre humains et algorithmes pour le meilleur ou pour le pire. Il est urgent de refondre profondément l’interaction entre les algorithmes, fortement automatisés et autonomes, et les humains. Les entreprises qui auront fait ce travail inventeront certainement le concept de rupture humaine post technologique.