Avec la fin du système
du Réglement Mensuel (RM) à la Bourse de Paris
à partir de lundi prochain, c'est tout un pan d'une
spécificité bien française qui s'effondre.
Jusqu'alors, l'épargnant avait la possibilité
d'acquérir des actions sans avoir à les payer
comptant. Ce qui revenait à achetait à découvert
tout en bénéficiant d'un crédit gratuit
de la part des intermédiaires. Désormais, pour
cause d'harmonisation européenne, la donne change et
le comptant sera la règle. Le nouveau système
sera toutefois assorti d'un service de réglement différé
(SRD). Mais il concernera uniquement les valeurs de l'indice
SBF 120 ou celles qui cumulent une capitalisation supérieure
à un million d'euros et un volume de transactions quotidiennes
de plus d'un million d'euros. Pour ces valeurs, l'actionnaire
aura la possibilité de bénéficier d'un
effet de levier comme pour le RM. Mais il devra s'acquitter
d'une commission. En revanche, pour les autres valeurs non
éligibles au SRD, la règle du comptant, actuellement
en vigueur sur le Nouveau marché, sera de mise.
Face à cette petite révolution, les courtiers
en ligne ont donc du tout mettre en oeuvre pour ne pas léser
les clients. Mais concurrence oblige, les nouvelles politiques
tarifaires ont été communiquées très
tardivement. Ce que Yves Naccache de Consors,
confirme volontiers : "Dans un secteur aussi concurrentiel
que le courtage en ligne il est normal que les différents
acteurs jaugent la concurrence avant de se lancer".
Ce petit jeu de dupe terminé, la question est maintenant
de savoir quels seront les impacts de ce nouveau système
sur les transactions, et, par ricochet, sur l'activité
des courtiers en ligne. Bénédicte Dahirel, responsable
de MercuryBourse.net,
use de la métaphore pour expliquer ses craintes à
court-terme. "C'est comme si pendant des années
vous passiez vos journées au bar à consomner
mais que le patron vous autorise à payer l'ardoise
en fin de mois. Puis, du jour au lendemain on vous dit que
désormais il faut régler la note tous les soirs.
Vous freinez alors votre consommation..." Une
analyse peu partagée par Vincent Taupin, président
de Fimatex, qui estime,
que "l'impact sera neutre". " Cela ne freinera
pas le nombre de transactions car le facteur déclenchant
quand vous passez un ordre n'est pas le prix. Il n'y a donc
pas de raison que l'infime commission que nous prélevons
change quelque chose à l'affaire. D'autant que pour
un aller-retour dans la journée cela reste gratuit".
Sur un plan plus général,
les courtiers en ligne se félicitent d'ailleurs de
la fin du Réglement Mensuel aussi bien pour des raisons
techniques que marketing.
"Cela va clarifier l'activité, explique ainsi
Bénédicte Dahirel. Avec les trés gros
joueurs, le RM regorgeait d'astuces et était plus difficile
à gérer pour les intermédiaires".
Yves Naccache salue également la fin de ce système :
"Cela pourrait permettre de faire entrer sur le marché
français, une clientèle étrangère
qui était très rétive à ce système.
Par exemple avec Consors Allemagne on s'est notamment aperçu
que les boursicoteurs allemands s'impliquaient peu sur le
marché français à cause du RM."
L'autre aspect qui pourrait s'avérer intéressant
pour les courtiers en ligne est évidemment financier.
"Si on est cynique, on peut dire qu'avant on encaissait
rien et que maintenant on va gagner quelque chose de plus,
explique Philippe Gellmann, de Bourse
Direct. Mais chez nous les liquidités et les reports
représentent à peu près 5,5% du chiffre
d'affaires. Avec ce nouveau système on peut espérer
engranger des revenus supplémetaires à long
terme". Pour Eric May, l'un des fondateurs du portail
financier Fortuneo, "il
est d'ailleurs normal de percevoir des revenus supplémentaires.
Nous allons prendre un risque supplémentaire puisque
nous nous substituons aux clients jusqu'à la fin du mois en
avançant le montant du règlement". Néanmoins,
selon les différents intervenants, "les taux appliqués
actuellement par les courtiers en ligne sont faibles et ne
devraient pas laisser des marges colossales".
La fin du RM n'effraye donc visiblement pas les courtiers
en ligne. Certains d'entre eux ont même axé leur
campagne de communication online sur le sujet. C'est le cas
notamment de Comdirect,
dont les bandeaux publicitaires invitent l'internaute à
venir découvrir les tarifs sur le site. Capitol,
courtier du groupe Viel, a, quant à lui, décidé
d'offrir un SRD gratuit jusqu'à la fin de l'année,
histoire de se démarquer dans la grande bataille marketing
que vont se livrer les différents acteurs. "Pour
nous c'est logique, explique Eric May de Fortuneo. "Nous
sommes membre de la Bourse de Paris, ce qui nous procure un
pouvoir de négociation supérieur aux courtiers
en ligne. On peut donc pratiquer un pricing agressif et il
est logique de communiquer dessus".
Reste tout de même un petit problème pour les
courtiers : le cas des valeurs non éligibles au SRD.
Les différents acteurs réfléchissent
donc à la possibilité de mettre en place un
système de comptes sur marges trés en vogue
aux Etats-Unis. En clair c'est le courtier en ligne qui prêtera
l'argent aux clients pour qu'ils achètent à
crédit des titres non éligibles. Mais pour cela,
et faute d'agrément bancaire, le courtier en ligne
devra nécessairement s'allier à un établissement
de crédit. Si Consors, qui a signé un accord
avec Entenial, a ouvert la voie, la grande majorité
des acteurs hésite encore à s'y engouffrer.
Les motifs en sont connus. Ou bien ces courtiers se donnent
le temps de la réflexion, à l'image de Fimatex
qui n'aurait pourtant aucun mal à proposer du crédit
en raison de son adossement à la Société
Générale. Ou bien ces mêmes courtiers
sont toujours en quête d'un partenaire. Les établissements
spécialisés ont du coup flairé la bonne
affaire... Parmi eux, Cetelem a d'ailleurs déjà
annoncé la création d'un offre spécifique
en direction des courtiers en ligne. Prouvant en définitive
que les grands vainqueurs de la réforme du RM ne seront
peut-être pas à rechercher uniquement du côté
des courtiers en ligne.
|