"Cela ne sert à
rien de répondre à la liste entière...
Sinon à figurer demain à la une du Journal du
Net comme le plus gros spam du moment !" Voici l'un
des quelques 200 messages qu'ont reçus mercredi matin
les 5.691 heureux abonnés à la
liste de diffusion du First Tuesday Paris gérée
par eGroups, propriété de Yahoo. Et comme Noël
approche, la rédaction du JDNet n'a pu s'empêcher
d'exaucer ce souhait. Premier constat sur le phénomène :
son ampleur. Au total, ce sont plus de 1,1 million d'e-mails
qui ont transité en moins de trois heures sur la liste
de diffusion. Deuxième constat : la panique générale.
"Nous ne savons pas ce qui se passe. C'est un virus ou
quoi ?", se demandait-on à chaud chez un
First Tuesday Paris visiblement dérouté.
Ce spam à grande échelle,
qui va flirter à son apogée avec les 120 e-mails
reçus en un quart d'heure, a débuté vers
9h40 (GMT) avec un premier message "ouvert" (équivalent
au mode CC) expédié par un membre qui vante
les mérites d'un site américain de syndication
de contenus et de services. Visiblement peu convaincu par
les effets potentiels de son geste commercial, le même
membre décide de réexpédier son message
deux minutes plus tard.
Deux messages identiques émanant d'un même inconnu
à quelques minutes d'intervalle... Voilà
de quoi énerver quelques membres de la liste de diffusion.
Une dizaine d'entre eux réagissent donc pour demander
à être désabonnés de la liste.
Une réaction fatale, puisque l'ensemble des autres
membres reçoivent ces nouveaux messages. De quoi énerver
d'autres membres, qui demandent, à leur tour, à
être désabonnés. 10h05 : la pompe
du spam est définitivement amorcée...
A partir
de 10h15, l'eGroups First Tuesday Paris, face à la
déferlante d'e-mails, va prendre un virage communautaire
et s'organiser en plusieurs camps. Tout d'abord les "Unsubscribe",
très majoritaires, qui alourdissent un peu plus le
spam en essayant de quitter le navire en pleine tempête.
Les messages vont du basique "Please, unsuscribe me"
au menaçant "Attention, la CNIL n'est pas loin",
en passant par un très flegmatique "Dear Sir,
please do not send me anymore e-mail". Des messages expédiés
en vain, car pour se désabonner, les membres doivent
envoyer un e-mail à une adresse spécifique.
Plutôt malin, un des membres décide alors d'ouvrir
en urgence une nouvelle adresse e-mail sur Yahoo -sacrifiée
d'avance- pour expliquer sa méthode anti-spam à
la nouvelle communauté : créer une règle
sur Outlook pour écraser tous les messages émanant
du Fisrt Tuesday.
Mais visiblement
la méthode ne fait guère d'émules dans
la communauté. Un autre camp, très actif, commence
donc à voir le jour : les excédés.
"Je maile-bomb les prochains imbéciles qui continuent
à spammer ", déclame un message vengeur
à 10h38. Arrivent du coup les premières insultes :
"Bande de gros ploucs !!!". Ce à quoi
un autre membre répond, fort à propos, "Toi
même !!!". Puis, un autre, "Mais, euh !".
Face
à cet incroyable spectacle, apparaissent les premiers
"profiteurs", bien décidés à
saisir les avantages de ce nouveau cercle d'échange
si spontané. "Bon ben... go pour la pub !"
lance ainsi un membre en conseillant son site préféré
de courts-métrages. "C'est cool une liste publicitaire
dont personne ne peut se désabonner ! J'investis
à donf !!" exprime une autre victime tout
en indiquant au passage un "excellent" site pour
réserver son nom de domaine. Dans cette pagaille, de
temps en temps, tombent même des messages incrédules
de personnes visiblement pas très au courant que les
5.690 autres membres de l'eGroups sont en plein Waterloo virtuel.
"Je vous informe que je suis en congé de maternité
jusqu'en mars 2001. En mon absence vous pouvez contacter (...)".
Pas vache, un membre répond (pour la communauté)
"Toutes nos félicitations ! Bonne année !".
Et hop, deux messages de plus au compteur... Quelques minutes
plus tard : "Je recherche un poste dans la communication,
relations presse/relations publiques si possible. Je suis
disponible dès janvier". Pas de doute, le message est
passé.
Vers 11
heures, un nouveau camp communautaire s'éveille :
ceux qui décident d'en rigoler nerveusement. Morceaux
choisis : "Let's go pour un WORLD RECORD !!
(de spam débile)", "Qu'est-ce que j'ai comme amis
en ce moment !", "Dans un article publié
dans la presse du Zimbabwe, Jonathan Moyo, docteur en sciences
sociales, estime que..." (s'en suit un article de plusieurs
dizaines de lignes), "Y'a-t-il une blonde à forte
poitrine dans cette liste ?", "Je veux avoir
à la fin de la journée 500 mails sinon je tue mon chien !!",
... Et pour ceux qui auraient détruit leurs e-mails
un peu trop précipitamment, vers 11h30, un membre se lance
même dans la réalisation de la Compil' des meilleurs
messages du First Tuesday Paris : "If you've missed
the beginning, don't take time to read all, just have a look
at the BEST OF just below". Finalement à 12h29,
face au débordement, eGroups finit enfin par couper
les vannes de la liste de diffusion. L'échange collectif
se termine au 213ème message par une dernière
bouteille à la mer : "Sauvons
le chien d'Olivier, on y est presque !". Y'a comme
un os...
|