La France est aujourd'hui la
victime d'un curieux paradoxe. D'un côté, malgré des signes
de reprise économique, plus de 2,2 millions de français n'ont
toujours pas de travail. Et de l'autre, de nombreux secteurs
d'activité souffrent d'une importante pénurie de main-d'uvre,
notamment les entreprises de la nouvelle économie. La Chambre
du commerce et d'industrie de Paris (CCIP)
vient de publier un rapport
('Les difficultés de recrutement : quelles réalités ? quels
remèdes ?') proposant des mesures concrètes visant à juguler
ce dilemme. Jean-Paul Vermès, président de la Commission du
travail et des relations sociales, fait une mise au point
à propos du contexte dans lequel ce nouveau questionnement
s'impose. "C'est peut-être dur à avaler, mais c'est la triste
réalité : la France se retrouve confrontée à un problème d'adéquation
entre l'offre, et la demande d'emploi, dans les secteurs de
l'informatique, des nouvelles technologies et de l'Internet.
C'est ce constat qui est à l'origine du rapport que nous publions."
Le premier cheval de bataille
de Jean-Paul Vermès prend corps à travers un débat
qui n'est pas nouveau en France : "A court terme, l'une
des solutions que nous préconisons est de favoriser les flux
migratoires de façon sélective et temporaire. D'autant plus
que ce problème de pénurie s'étend au niveau européen. Il
n'y a pas énormément de solutions. La Roumanie, l'Ukraine,
la Russie, l'Inde ou les Philippines disposent de remarquables
informaticiens. Il ne faut pas chercher plus loin, c'est le
seul moyen de réagir immédiatement. Chaque branche devrait
négocier avec l'Etat pour réguler les flux. Cette négociation
est urgente et doit être menée rapidement à défaut de quoi
le business ne se fera pas en France. Nous devons vraiment
faire preuve de plus de pragmatisme en terme d'immigration,
à l'image des anglais ou des allemands qui n'hésitent pas
à accueillir à bras ouverts les compétences du marché du travail
international. Ces dix dernières années, la France a été l'un
des pays les plus hermétiques d'Europe. Cela ne veut pas dire
que nous sommes en retard, mais pour que la reprise de l'économie
perdure, nous devons favoriser les échanges internationaux
en gardant un il sur les risques liés à l'externalisation
définitives des compétences."
En ce qui concerne la formation,
la question est plus complexe. "Le problème de la formation
initiale réside dans son manque de réactivité, soutient Jean-Paul
Vermès. Il est évident que la France doit mettre rapidement
en place de nouvelles structures éducatives permettant de
répondre à la demande des professionnels. Il faut vraiment
mettre le turbo à ce niveau là, même si les résultats ne seront
visibles qu'à moyen et long terme. Il faudra cependant veiller
à le faire aux côtés des entreprises, le risque étant de former
des gens à un travail qui est susceptible de muter radicalement
au bout de deux ou trois ans." L'une des solutions envisagées
par la Commission du travail concerne la formation des salariés
et des demandeurs d'emploi. En effet, selon le rapport de
la CCIP, les salariés actuels et certains chômeurs sont les
seuls, avec les étrangers, à pouvoir renflouer le besoin immédiat
de compétences. A condition toutefois de développer les contrats
de qualification pour adultes et de simplifier l'accès des
demandeurs d'emploi à la formation. Toujours selon la CCIP,
les salariés de plus de 50 ans représentent un véritable gisement
de compétences pour les entreprises. De fait, ces derniers
seraient rapidement opérationnels grâce à une formation d'autant
plus courte que leur expérience est grande. "Les plus malins
seront ceux qui pourvoiront le plus rapidement à la demande,
rajoute Jean-Paul Vermès. A nous d'être plus malins que les
autres".
Autre front, même combat : l'aménagement
du temps de travail. "Il est évident que les 35 heures n'ont
pas arrangé les choses. Je ne veux pas remettre en cause cette
politique, explique Jean-Paul Vermès, mais je pense que dans
un secteur comme celui de la nouvelle économie, peut-être
que certains aménagements sont nécessaires, comme le temps
partagé par exemple." En d'autres termes, la France va devoir
faire preuve d'un peu plus de souplesse dans de nombreux domaines
si elle ne veut pas passer à côté du marché.
|