Décidément
l'Europe du Nord souffle le chaud et le froid dans la Net-économie
européenne. Après la faillite de Boo en mai
2000, c'est au tour de Letsbuyit
de vivre des heures sombres. Depuis vendredi 29 décembre
midi, le site d'achat groupé créé aux
Pays-Bas, a en effet annoncé qu'il avait demandé
à être placé sous tutelle judiciaire néerlandaise
(l'équivalent du "Chapter 11" aux Etats-Unis).
Ce système permet à la firme de bénéficier
d'un moratoire sur remboursements des dettes dues à
ses créditeurs. Un communiqué paru sur le site
corporate du groupe informe, de manière laconique,
la suspension de quotation de l'action de la holding hollandaise
sur le Neue Markt de Francfort.
A la base
de cette décision : une levée de fonds
programmée de 80 millions d'euros (près de 525
millions de francs) qui a finalement avorté. Letsbuyit
comptait en effet sur cet apport en capital pour combler le
déficit enregistré au moment de Noël. Avec
les fêtes de fin d'année, la trésorerie
de la société a été creusée
par les coûts de distribution des produits achetés
sur les 14 sites de la firme en Europe (dont 80% des ventes
sont réalisées uniquement avec l'Allemagne,
le Royaume-Uni et les pays nordiques). Dans une interview
au Wall Street Journal, Stephen Cox, Investor Relations Director,
affirme que "Letsbuyit va s'efforcer de continuer ses
opérations sous une forme nouvelle. Il faut discuter
de cela avec notre administrateur hollandais. Une des options
qui nous reste est une diminution drastique de notre dimension
opérationnelle."
En attendant,
Letsbuyit s'acquitte des commandes prises avant le vendredi
29 décembre mais ne peut accepter les nouvelles demandes
d'achat ultérieures. Le centre d'appel français
ne répond d'ailleurs plus au téléphone
depuis cette date. Chez Letsbuyit France, Laurence Perratzi
préfère éluder la situation : "Le
problème se pose au niveau européen, je ne peux
pas en parler. Seul Stephen Cox, en Angleterre, est habilité
à en discuter". A l'instar de la faillite de Boo,
il semble donc que la filiale française "subisse"
les événements en cours dans la maison-mère.
Même réaction pour Florence
Mihail-Danton, responsable de la communication de PPR
Interactive, structure qui avait pourtant investi 35 millions
de francs dans Letsbuyit en février dernier (voir l'article
JDNet du 16/02/2000) : "Nous avons appris cela par la
presse. Je n'avais absolument pas entendu parlé d'une
telle situation avant les déclarations du port-parole
de Letsbuyit. Et évidemment, l'information tombe à
la veille du week-end du 31 décembre..."
Pour Guillaume
Paillet, co-fondateur du site français d'achats groupés
Alibabuy.com,
l'épée de Damoclès qui pèse sur
Letsbuyit n'est pas une franche surprise. A l'image des fermetures
en France de Clust et KoobuyCity, c'est même le concept
global du group buying qui exploxe : "Le modèle
économique des achats groupés est de moins en moins évident.
La position qui consiste à dire, je m'occupe à la fois des
achats, de la vente et de la distribution, n'est pas viable
dans la mesure où les marges sont trop faibles pour faire
baisser significativement les prix notamment à cause
de la logistique. Actuellement je ne vois que deux portes
de sorties. La première consiste à se faire racheter par un
géant de la distribution comme Carrefour, par exemple. La
deuxième est de se spécialiser dans un secteur très professionnel,
comme le secteur médical, afin de pouvoir s'appuyer sur des
marges importantes." Visiblement, Letsbuyit n'a réussi
à pousser aucune de ces deux portes de sortie.
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