L'échec de l'achat groupé
européen est aujourd'hui consacré avec l'annonce
de la demande de placement du site LetsBuyIt
sous tutelle judiciaire néerlandaise par ses dirigeants.
La société
d'origine suédoise, créée à la
fin de l'année 1998 par Johan Staël von Holstein (le
fondateur d'Icon Medialab), John Palmer et Jesper Jos Olsonn,
est aujourd'hui présente dans 14 pays d'Europe et affiche
une communauté de plus d'un million de membres en Europe
pour plus de 440.000 articles livrés depuis sa création.
Letsbuyit est encore aujourd'hui,
avec le feu Boo.com, l'un des seuls e-marchand a avoir créé
une véritable marque Web européenne. En mars
dernier, alors que le site ouvrait ses portes en France, la
société emploiyait 300 personnes en Europe,
dont 15 pour l'Hexagone.
Laurence Perratzi, directrice
générale de la filiale française, interrogée
en octobre dernier au lendemain du rachat de Clust (la star
française du secteur reprise par son concurrent Uniondream)
affirmait que "le concept de l'achat groupé reste
excellent. Nous nous concentrons sur ce concept initial car
nous sommes persuadés que le potentiel est énorme."
Une croyance qui a convaincu bon nombre de structures d'investissement
puisque le groupe Letsbuyit
a vu se pencher sur son
berceau plusieurs groupes financiers européens majeurs :
52 millions de francs apportés par le groupe média
allemand Prosieben, 35 millions de francs par le groupe français
de distribution PPR, 25 millions par Sofinova Partners et
105 millions de francs par le groupe média britannique
BskyB en avril dernier.
La première alerte pour
ce géant européen est venue à la fin
du printemps, lorsque devant s'introduire sur le Neue Markt
de Frankfort, Letsbuyit avait dû repousser plusieurs
fois l'opération pour finalement s'introduire sur ce
marché en juillet avec une valorisation divisée
par deux (320 millions d'euros soit plus de 2 milliards de
francs). Avec 66 millions
d'euros (près de 433 millions de francs) levés
contre les 130 millions d'euros espérés, Letsbuyit
devait envisager une nouvelle introduction sur un autre marché
pour 2001. "Peut-être au Nasdaq", affirmait
Laurence Perratzi, à l'issue de l'opération.
"Mais le problème,
expliquait à l'époque un financier français
très présent sur le secteur de la nouvelle économie,
c'est que Letsbuyit a été tellement valorisée lors de son
second tour de table en mars, en pleine folie, qu'aucun investisseur
privé ne veut ou ne peut désormais suivre. La seule solution
pour eux reste la Bourse, encore et encore."
La valeur estampillée
"dotcom" a été aussitôt victime
de la remise en cause par les marchés financiers des
modèles des sociétés Internet. Introduit
au dessus de 6 euros, le titre Letsbuyit a depuis entamé
une inexorable descente aux enfers avec un plus bas de l'année
à 0,62 euros, au début du mois de décembre.
Ces derniers jours le titre avait connu une légère
remontée sur fond de rumeurs de rachat, avec un cours
de clôture jeudi 28 décembre à 1,29 euros.
Impossible dans ces conditions
pour le management de Letsbuyit de lever des fonds sur le
marché. La seule possibilité restait la conclusion
d'un partenariat avec un acteur capable de fournir de la trésorerie
au groupe européen qui ne prévoyait pas d'attendre
l'équilibre financier avant la fin 2002. C'est
donc aujourd'hui une véritable crise née de
la sur-valorisation des sociétés du secteur
au printemps dernier que semble payer Letsbuyit.
La décision annoncée par le siège européen
de Letsbuyit, situé aux Pays-Bas, place désormais
le groupe sous la tutelle d'un mandataire judiciaire. La
survie de la société et de l'ensemble des 14
filiales locales est conditionnée par l'arrivée
d'un repreneur ou d'un partenaire financier éventuel.
Une denrée très rare.
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