Une petite
tempête agite le monde bancaire suisse depuis une semaine.
La banque Vontobel,
un des établissements helvétiques les plus en
vue en matière d'investissement aux Etats-Unis et en
Europe, vient de laver son linge sale en public. Un linge
sale directement issu d'errements hasardeux dans la Net-économie.
En février
dernier, Hans-Dieter Vontobel, le président de la banque
familiale, a en effet décidé d'opérer
un audit interne sur le secteur des fusions et acquisitions
et des introductions en Bourse. La banque, qui a notamment
réalisé l'IPO de la régie Adlink sur
le Neuer Markt en mai 2000 (mais aussi Day Interactive, Intershop...),
est alors allée de mauvaise surprise en mauvaise surprise.
"Nous avons découvert qu'il y avait eu de fausses
opérations comptables dans ce secteur très rentable
qui avait tendance à fonctionner de manière
autonome", explique Hans-Dieter Vontobel. En France,
Vontobel a notamment participé aux tours de table
de CanalWeb (130 millions de francs en mai 2000) et de LEA,
un fabricant de composants ADSL (66,5 millions de francs en
janvier dernier). Vontobel est également présente
dans les fonds d'Innovacom
et de Galileo Partners, bouclés en septembre dernier.
Le dommage
subi est estimé pour l'instant à 161 millions d'euros, et
la banque a d'ores et déjà décidé de puiser dans les bénéfices
de l'année 2000 pour provisionner la perte. Evènement rarissime,
la banque va même rectifier ses comptes 2000, qui avaient
été publiés fin janvier, et diminuer de 64,5 millions d'euros
le bénéfice annoncé. En outre, la banque a décidé de ne pas
relever, comme annoncé également, le dividende de 50% au titre
de l'année 2000. Face à l'étendue des dégâts,
le président de Vontobel a licencié trois des
cadres dirigeants les plus hauts placés : le directeur
du département Corporate Finance, le directeur financier
du groupe et le président du conseil d'administration.
Mais les
opérations comptables frauduleuses ne sont pas les
seules responsables de ce couac financier. La banque a également
perdu plus de 100 millions de dollars dans son projet de banque
en ligne, Y-o-u.com,
définitivement abandonné en février dernier.
Ce vaste chantier, lancé début 2000, avait mobilisé
plus de 200 personnes chez PricewaterhouseCoopers en charge
du projet. Empêtré dans des problèmes
de compatibilité technique entre les outils informatiques,
PricewaterhouseCoopers ne réussira pas à fournir,
en un an, une version opérationnelle du site bancaire.
"Quand nous avons donné notre feu vert au projet de banque
en ligne l'année dernière, le monde était différent : chacun
pariait sur les miracles de l'Internet et de la nouvelle économie,
justifie Hans-Dieter Vontobel. Puis nous sommes retrouvés
face à des dépassements de budgets. On nous expliquait
: que sont 100 millions d'euros pour lancer une telle banque
en ligne, promise à un bel avenir ?"
Une expérience qui doit faire réfléchir
quelques autres établissements bancaires européens...
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