Jusqu'à présent,
les sites de paris sportifs payants étrangers
se faisaient plutôt discrets en France. Les paris
payants, un monopole d'Etat, y sont en effet interdits
aux entreprises privées. Même s'ils ne
bloquent pas systématiquement les internautes
venant de l'Hexagone, les sites étrangers évitent
d'attirer trop fortement le regard de la justice française
sur leurs activités. L'un d'entre eux, Kipari.com,
a pourtant décidé de braver ouvertement
les interdictions en vigueur en France.
Ouvert tout récemment,
ce site en français propose des services de paris
payants sur des rencontres sportives françaises
mais aussi sur des événements plus étonnants ("Neigera-t-il
sur les Champs Elysées avant Noël ?", "A combien
de points sera le CAC40 à la clôture le 23 novembre
?"). Kipari a même simplifié le système
complexe des paris anglais pour l'adapter au marché
hexagonal. Et
ce, sans craindre les foudres de la justice française.
"Nous connaissons la loi française sur les
paris, avance le fondateur du site, qui se présente
sous le nom de Franck Delmas, un nom d'emprunt. Mais
nous sommes domiciliés dans le New Jersey, donc
la loi française ne s'applique pas à nous."
Une
lecture juridique osée, selon certains avocats,
puisqu'en France,
cette artifice ne protège normalement plus les
dirigeants de poursuites. Le juge Jean-Jacques Gomez
ne s'est notamment pas privé de poursuivre Yahoo
alors que le portail vendait des objets nazis sur son
site américain. "Kipari.com risque gros",
tranche ainsi un spécialiste du secteur, même
si la justice française a rarement jugé
des cas de ce type, à la différence de
son homologue américaine. Aux Etats-Unis, un
éditeur américain a récemment été
condamné à 21 mois de prison ferme pour
avoir organisé, pour des Américains, des
paris en ligne depuis le paradis fiscal d'Antigua. En
théorie, en France, les poursuivis s'exposent
à deux ans de prison et 200.000 francs d'amende.
Une sanction qui peut être multipliée par
cinq dans le cas d'une société.
Me Sylvain Staub, avocat
chez Clifford Chance et spécialiste de ce type
de dossier, reste cependant très mesuré
sur les risques réels encourus. "Effectivement,
au regard de la loi française, le site peut être
poursuivi. Mais, dans ce genre de cas, il est très
difficile d'identifier les responsables, souvent protégés
par des montages de sociétés off-shore.
De plus, les sentences sont très difficiles à
appliquer, une fois la sanction prononcée",
estime-t-il. Un autre spécialiste du secteur
avance, pour sa part, "qu'il serait très
facile pour les dirigeants de recréer, en cas
de poursuite, une autre structure off-shore. Le temps
que les dossiers soient traités, ils auront eu
largement le temps de constituer un joli pactole avec
leur site."
En France, les sites de
paris sportifs gratuits, comme Pronostix ou Sport4fun,
qui se sont pliés à la loi, risquent pour
leur part de faire grise mine dans l'affaire, même
s'ils estiment que la tentative de Kipari est vouée
à l'échec. "Pour l'instant, les sommes
en jeux sont ridicules, avance Nicolas
Béraud, le président de Sport4fun.com.
Mais, dès que le phénomène va prendre
de l'ampleur, la Française des Jeux et l'Etat
ne pourront pas laisser faire." [NDLR : contactée
par JDNet, La Française des Jeux n'avait pas
répondu à l'heure où cet article
a été mis en ligne] Les vélléités
de Kipari.com ne seraient en tout cas pas isolées
en France, puisque Nicolas Béraud, dont le site
compte 320.000 membres, reconnaît avoir été
approché par des sites étrangers pour
accéder à sa base de joueurs français.
"Nous recevons beaucoup de mails à ce sujet,
affirme-t-il. Mais nous sommes opposés par éthique
à toutes transactions de ce type."
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