Après Multimania et
Caramail, l'une des dernières success story de
l'Internet français, Boursorama, a finalement
rendu les armes et ne poursuivra pas son aventure en
solo. La maison-mère du plus célèbre
des portails financiers, Finance Net, a annoncé
hier sa cession au courtier en ligne Fimatex, filiale
de la Société Générale.
L'opération, qui se fera à 80 % par
échange de titres et devrait être finalisée
à la fin du mois de juin 2002, portera sur un
montant d'acquisition total proche de 44 millions d'euros.
Les anciens actionnaires de Finance Net, qui détiendront
15 % du capital de Fimatex à l'issue de
l'échange, se sont engagés à conserver
leurs titres pendant une durée de trois ans.
De son côté la Société Générale
verra sa participation dans le courtier ramenée
à 67 %, le solde étant entre les
mains du public.
Malgré
une année très correcte dans le contexte
actuel ( Finance-Net aurait dégagé un
résultat net positif de 1,5 million pour un chiffre
d'affaires de 7,8 millions au cours de l'année
2001), ses dirigeants ont opté pour la sécurité
en s'adossant au numéro 1 du courtage en ligne
en France, soutenu par l'une des premières banques
françaises. Le climat publicitaire toujours aussi
incertain y a sans doute beaucoup contribué.
Le rapprochement avec un courtier
est cependant une demi-surprise dans la mesure où
Boursorama comptait il y a quelques semaines lancer
sa propre filiale de courtage en ligne, BoursoTrading
pour diversifier ses sources de revenus. Une preuve
sans doute que les négociations entre Fimatex
et Finance-Net n'ont débuté que très
récemment et que les ambitions de Boursorama
dans le courtage ont réveillé quelques
appétits en matière de synergies. En
tout état de cause, le projet BoursoTrading devrait
être stoppé pour laisser la place à
l'infrastructure de Fimatex. Cet arrêt prématuré
ne "pénalisera pas les comptes", selon
Patrice Legrand, président et co-fondateur de
Finance-Net, qui se refuse cependant à chiffrer
le montant des provisions.
Mais la plus grande suprise de l'accord entre les deux
parties concerne l'abandon programmé de la marque
Fimatex. Si Vincent
Taupin, le président du courtier en ligne, a
évoqué simplement son souhait "d'avoir
une marque unique d'ici la fin de l'année",
pour économiser 1,4 million d'euros par an au
niveau marketing, il n' a pas fait mystère de
sa préférence pour le nom "Boursorama".
Les dirigeants du groupe s'appuient pour cela sur des
études effectuées au cours des derniers
mois et qui montreraient "la très forte
notoriété de la marque auprès des
Français". Selon un sondage récent
du mensuel L'Expansion, portant sur l'image de marque,
Boursorama se classait ainsi 179ème devant des
institutions aussi huppées que la Caisse d'Epargne,
le Crédit Mutuel, ou CCF tandis que Fimatex n'apparaissait
même pas dans le classement.
Les
deux entités en chiffres
|
|
Chiffre
d'affaires
|
Résultat
net
|
Membre
ou comptes
|
Finance-Net |
7,8
|
+1,5
|
850.000
*
|
Fimatex |
63,6
|
-51,7
|
108
064
|
Modalités
financières de l'acquisition par Fimatex
|
Emission
de 10 millions de titres Fimatex (valeur : 35,2
millions d'euros) pour payer 80 % des titres
Finance-Net |
Paiement en cash
de 8,8 millions d'euros pour 20 % des titres
restant de Finance-Net |
Modalités
techniques
|
-
La fusion devra être bouclée à
la fin juin 2002
- Les actionnaires de Finance-Net devront conserver
pendant au mois trois ans les titres Fimatex acquis
lors de la fusion
- Les anciens actionnaires de Finance-Net détiendront
15 % (dont 10 % pour les deux fondateurs)
du capital de Fimatex à l'issue de l'opération,
la Société Générale,
67 % et le public, 18 %. |
Ce processus de marque unique
devrait permettre d'aboutir à des synergies intéressantes
sur le papier, selon ses dirigeants, malgré certaines
prévisions peut être un brin optimistes.
Avec l'acquisition de Boursorama, Fimatex souhaite "décoréller
ses revenus de l'activité des marchés
financiers". Le courtier sort en effet d'une année
noire où la baisse des transactions sur les marchés
financiers, aura fait plonger un peu plus les comptes
dans le rouge, la perte sur l'exercice 2001 s'élevant
à plus de 51 millions d'euros. En incorporant
la publicité, le marketing direct et la prestation
de services financiers, trois piliers du modèle
Finance-Net, à ses revenus de courtage, Fimatex
valorise ainsi à 32 millions d'euros les synergies
possibles.
Dans ce total, la filiale de
la Société Générale espère,
récupérer 6,2 millions d'euros par le
biais d'ouvertures de comptes de membres de Boursorama
et bénéficier d'une augmentation de l'activité
moyenne des clients grâce "aux nouvelles
fonctionnalités offertes". "Dans une
hypothèse prudente nous estimons que, sur 850 000
membres de Boursorama nous pourrions toucher 50 000
prospects soit 13 000 comptes ouverts supplémentaires
par an" anticipe Vincent Taupin. Mais Fimatex devra
se montrer très persuasive pour attirer ces membres
puisque 80 % des utilisateurs de Boursorama ont
déjà un compte chez un courtier. "Mais
30 % seulement ont un compte chez un courtier en
ligne, rétorque Vincent Taupin. C'est donc sur
la qualité du service en ligne que nous devrons
insister pour les convaincre" estime-t-il.
L'autre défi du nouvel
ensemble consistera à renforcer ses revenus publicitaires
et ceux issus des services financiers B to B,
comme la fourniture de contenu. A l'horizon 2004, le
nouveau couple Fimatex / Boursorama veut faire passer
la part de ses revenus de courtage de 67 % à
54 % grâce à la montée en puissances
des activités de Finance-Net. Néanmoins,
en terme de revenus des annonceurs, Boursorama devrait
logiquement faire une croix sur les courtiers en ligne,
longtemps vache à lait financière du portail,
qui pourrait afficher quelques réticences à
faire de la publicité chez un concurrent. Cette
hypothèse aurait été intégrée
dans les prévisions, Vincent Taupin, chiffrant
même la perte à 0,9 million d'euros sur
l'année 2002.
Les dirigeants des deux sociétés auront
un peu de temps pour affiner leur nouvelle stratégie
puisque la réalisation complète des synergies
de coûts n'est prévue que pour la fin 2002.
Dans le nouvel organigramme du groupe, Patrice Legrand
devrait occuper le poste de directeur général
en charge du B to B et des médias.
Stéphane Mathieu, l'autre co-fondateur de Finance-Net,
s'occupant de la stratégie et de la diversification.
Malgré tout, la plus grande incertitude réside
d'ailleurs dans les synergies au niveau du management.
Entre les deux fondateurs de Boursorama, qui ont construit
leur entreprise à la force du poignet tout en
préservant au maximum leur indépendance,
et la direction de Fimatex, au fort profil bancaire
et financier, l'opération s'apparente au mariage
de la carpe et du lapin.
En cas de revirement dans
le courtage en ligne, toujours possible de la part de
la Société Générale, ou
de difficultés à mettre en musique les
synergies, il n'est pas sûr que la belle harmonie
perdure. Patrice Legrand, qui a longtemps affiché
son indépendance comme symbole de vertu et un
très fort attachement à son entreprise,
a cependant estimé que "s'il avait accepté
le processus de fusion, c'était après
avoir acquis la conviction que [lui] et son associé
pourraient poursuivre leur aventure
en toute sérénité".
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