Une fois passée la déflagration
causée par l'annonce des pertes astronomiques
d'AOL Time-Warner en 2002 (100 milliards de dollars),
un coup d'oeil aux résultats consolidés
du groupe américain permet d'observer les récents
épisodes au sein de l'actionnariat d'AOL Europe.
C'est en effet l'année dernière que le
groupe allemand Bertelsmann a définitivement
coupé les ponts avec son ancien partenaire. La
fin d'une aventure commune à laquelle a également
participé en son temps Vivendi-Universal, même
si pour ce dernier, tout n'est peut-être pas terminé.
Le
bilan 2002 du groupe AOL Time Warner est formel. En
vertu d'un accord dont les modalités avaient
été rendues publiques dès le début
de l'année, la filiale européenne d'AOL
s'est éloignée de Bertelsmann, actionnaire
de référence détenteur de 49% du
capital. Prix de la séparation : 6,75 milliards
de dollars. Le versement de cette somme au groupe Bertelsmann
s'est effectué en deux temps : une première
tranche de 5,3 milliards de dollars a été
réglée en janvier 2002 pour récupérer
80% des parts du groupe allemand dans AOL Europe. La
seconde, portant sur un montant de 1,45 milliard de
dollars, a été effectuée en juillet
2002.
Cet accord de retrait met
fin à une collaboration qui avait débuté
en 1995 avec la création de la co-entreprise
AOL Europe entre AOL Inc. et Bertelsmann AG. Un partenariat
stratégique qui avait permis à AOL d'ouvrir
son premier service d'accès Internet européen
en Allemagne. Désormais,
AOL Europe a les mains libres pour redéfinir
sa stratégie européenne sous la houlette
de son nouveau président Philip Rowley, en poste
depuis septembre 2002. Si le groupe considère
l'Europe comme une zone de croissance, ses comptes doivent
y être redressés : en 2001, AOL Europe
a accusé une perte de 629 millions de dollars pour un
chiffre d'affaires de 905 millions. Quant au bilan 2002,
il n'a pas été communiqué. Sur
les 35 millions d'abonnés AOL dans le monde,
la filiale européenne en représenterait
plus de 6 (dont un million en France).
Apparemment réglée,
la question des relations d'AOL Europe avec son deuxième
ancien partenaire stratégique, Vivendi Universal,
va-t-elle refaire surface? En 1998, le groupe alors
présidé par Jean-Marie Messier était
entré à hauteur de 55% dans le capital
d'AOL France, créé deux ans auparavant.
Une participation détenue via Cegetel (36,67%)
et Canal + (18,33%). Mais empêché de monter
plus avant dans AOL France et AOL Europe, Jean-Marie
Messier invoquait la fusion entre AOL et Time-Warner
pour vendre, en mars
2001, sa participation dans AOL France.
Cette participation a en fait
été échangée contre
des actions préférentielles ("junior
preferred stock") sans droit de vote d'AOL Europe
valorisées (à l'époque) à
725 millions de dollars et devant percevoir un dividende
de 6%, si l'on en croit un communiqué
de Vivendi. Ce communiqué précisait qu'en
avril 2003, AOL Europe pourrait "soit racheter
ces actions privilégiées, soit les échanger contre des
actions ordinaires AOL Europe cotées en Bourse [NDLR
: la société n'est finalement pas entrée
en Bourse] ou contre des actions AOL Time Warner".
L'échéance est
maintenant proche, mais comme rien n'est jamais simple
chez Vivendi Universal, un nouvel épisode est
intervenu peu de temps après la transaction.
En juin 2001, apprend-on dans le rapport
annuel de cette même année, "les
actions préférentielles AOL Europe détenues par le Groupe
ont été cédées à la société Line Invest Limited, qui
a financé cette acquisition par un prêt consenti par
Bayerische Landesbank". Montant de cette cession
: 719 millions de dollars, ce qui, selon le rapport,
représentait une plus-value de cession nette
de 402 millions d'euros.
Or
Vivendi Universal a conclu avec Line
Invest un
contrat de "Total Return Swap" (TRS) qui expire
le 30 octobre 2003. Conformément à cette
convention, VU "assumera le risque financier si
la valeur nette disponible d'AOLE est inférieure
à 812 millions de dollars au 31 mars 2003".
Cette valeur nette disponible est définie par
contrat comme ''la juste valeur'' d'AOLE et des actifs
et activités de ses filiales et sera évaluée
par deux experts en avril 2003. En attendant cette évaluation,
une provision de 0,3 milliard d'euros a été
enregistrée le 30 juin 2002 "afin de prendre
en compte le risque financier relatif à la valeur
de AOLE dans un contexte de baisse des marchés",
peut-on lire dans le rapport annuel du groupe français.
Depuis, tant l'histoire d'AOL Time Warner que celle
de Vivendi Universal ont connu de nombreux soubresauts
et les deux groupes ont subi des parcours boursiers
heurtés. Prochain rendez-vous le 31 mars?
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