Selon l'industrie musicale,
quelques 130 millions de fichiers illégaux transiteraient
chaque jour sur l'Internet mondial. Avec une moyenne
de 4 Mo par fichier, ce trafic MP3 représenterait
chaque jour un volume de 520 millions de Mo échangés...
De quoi peser dans la circulation Internet et notamment
dans la bande passante captée par le haut débit
grand public. Mais que réprésente exactement
le P2P dans les Mo consommés par les abonnements
ADSL ou câble ? Chez les FAI, face au bras
de fer engagé avec les maisons de disques et
aux répercussions économiques de ce trafic
caché, la question dérange.
Pour
comprendre l'ampleur du phénomène, il
faut donc se tourner vers les experts techniques de
la Toile. "Au minimum, le P2P représente
60 % du trafic haut débit en journée,
explique l'un d'entre eux, qui a souhaité conserver
l'anonymat car prestataire régulier auprès
des FAI. La nuit, le phénomène atteint
même des pointes avec 80 % à 90 %
du trafic." Contactés
par le JDNet, plusieurs autres experts réseaux
français ont tous confirmé ces proportions.
"Par
empirisme, la zone des 60 % de trafic capté
par le P2P tient la route, estime Jean-Michel Planche,
en qualité de président de la Fondation
Internet Nouvelle Génération (FING). Mais
je doute de la capacité
technique des FAI de pouvoir mesurer exactement ce type
de volume." MP3, DivX, jeux, logiciels, photos...
La part du trafic peer-to-peer reste en effet difficile
à évaluer tant le dispositif est global,
tant les téléchargements sont variés.
Sébastien Crozier, fondateur
de feu le service d'accès en marque blanche Internet
Telecom et président de l'Association française
de l'Internet mobile (AFIM), confirme également
le tendance. "En
l'état, nous pourrions dire que 60 % des
téléchargements réalisés
par ADSL proviennent de services peer-to-peer. Mais
cela reste une estimation car personne ne tient à
regarder la vérité en face."
Pour Roland Montagne, expert
des réseaux haut débit à l'Idate,
ces proportions gigantesques concerneraient surtout
les "heavy users", des consommateurs internautes
avides du téléchargement. "Les heavy
user saturent de plus en plus les réseaux des FAI, ce
qui devient un vrai problème en terme d'ingéniérie",
constate-t-il.
Ces problèmes techniques
risqueraient, à terme, d'avoir des répercussions
radicales sur les modèles économiques
des FAI. "Les comportements des heavy users pourraient
amener les FAI à modifier leurs offres ADSL en faisant
payer les mégaoctets supplémentaires à partir d'un plafond
de volume, estime Roland Montagne. Or c'est une décision
stratégique qui n'est pas évidente à prendre car ce
sont les offres haut débit qui constituent le moteur
de la croissance des FAI."
Pourtant, certains FAI ont
déjà osé. En Allemagne, Tiscali
a sauté le pas : ses abonnés haut
débit peuvent télécharger sur leur
disque dur jusqu'à un gigaoctet de fichiers.
Au-delà, ils doivent payer 0,0149 euro le mégaoctet
supplémentaire. Des mesures de restrictions qui
rappellent celles du câblo-opérateur français
Cybercâble (devenu Noos), qui avait érigé
dans un premier temps des plafonds en matière
de téléchargement avant de reculer compte
tenu du développement de la concurrence.
Faut-il pour autant condamner
le peer-to-peer ? Pour Jean-Michel Planche, ce
serait "une erreur grotesque" de diaboliser
cette technologie : "les internautes vont
en raffoler pour s'échanger des fichiers de photographies
par exemple". Même topo dans le BtoB : "Peut-on
imaginer la puissance de fonctionnalités peer
to peer en cas d'intégration dans un logiciel
de bureautique ?" Le débat fait rage dans
la communauté sur le Net, à tel point
que le Forum des droits de l'Internet a décidé
d'ouvrir un espace dédié sur le sujet
("Peer-to-peer : quelle utilisation pour quels
usages"). Un forum qui comprend déjà
plusieurs centaines de contributions.
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