Si les éditeurs de logiciels
peer-to-peer se croyaient pour un temps à l'abri des attaques
de la RIAA, celle-ci étant plus occupée à traduire en
justice les utilisateurs que les plates-formes elles-mêmes,
c'est raté. La représentante de l'industrie du disque
aux Etats-Unis a décidé de poursuivre iMesh, toujours
pour infraction à la loi sur le copyright. La RIAA espère
ainsi prendre sa revanche sur le jugement rendu en avril
en sa défaveur dans l'affaire qui l'opposait à Grokster
et Morpheus.
La
plainte, déposée par la RIAA auprès du tribunal de Manhattan,
accuse iMesh d'avoir contribué massivement à la violation
du copyright. Dans l'acte d'accusation, il est précisé
que "sans une violation généralisée des enregistrements
sonores les plus populaires protégés par le droit d'auteur,
iMesh disparaîtrait". Basée en Israël, iMesh est devenu
en près de quatre ans d'existence le troisième plus
gros réseau de partage de fichiers, derrière Kazaa
et Morpheus. Son fonctionnement est basé sur une technologie
hybride, utilisant le réseau FastTrack et des protocoles
propriétaires.
En réaction à la plainte
déposée contre eux, les dirigeants de iMesh ont invoqué
le jugement rendu en avril dernier par un juge de Los
Angeles, qui avait estimé que Grokster et StreamCast
Networks (l'opérateur de Morpheus) ne violaient pas
les lois sur la protection des droits d'auteurs. Il
avait comparé ces logiciels de partage de fichiers à
des magnétoscopes ou des photocopieurs, deux technologies
légales qui peuvent aussi être utilisés de manière illégale.
Faute de service centralisé, il avait jugé que Grokster
et StreamCast ne pouvaient pas être tenus pour responsable
des activités illégales utilisant leurs réseaux.
Or ces deux logiciels avaient
eux aussi recours au réseau FastTrack (depuis, Morpheus
a abandonné FastTrack au profit de Gnutella). Comment,
dans ce cas, condamner iMesh ? D'autant plus que dans
l'affaire qui avait opposé la RIAA à Sharman Networks,
l'opérateur de Kazaa, qui utilise également FastTrack,
un tribunal d'Amsterdam avait rendu un jugement du même
acabit en mars 2002.
Ces deux décisions ont
mis provisoirement les réseaux peer-to-peer à l'abri
des poursuites judiciaires. Mais c'était sans compter
l'opiniâtreté de la RIAA, qui a fait appel du jugement
de Los Angeles en août, avec le soutien de la MPAA (son
homologue dans l'industrie cinématographique) et de
la National Music Publishers' Association. C'est l'autre
affaire actuellement en cours. Grokster et Morpheus
ont constitué la semaine dernière leur dossier pour
ce nouveau procès. "Les plaignants ont l'air de penser
que la décision du juge Wilson était une faute de frappe",
a déclaré Wayne Rosso, président de Grokster, à propos
de la RIAA. Mais lui et le directeur général de StreamCast,
Michael Weiss, sont bien déterminés à prouver le contraire,
quitte à porter l'affaire devant la Cour Suprême.
Jusqu'à ces défaites récentes,
la RIAA avait pris l'habitude de voir ses actions judiciaires
couronnées de succès : les plaintes déposées contre
Napster en décembre 1999, MP3.com en 2000,
Aimster (Madster) en 2001, et AudioGalaxy
en 2002 avaient toutes abouti à des fermetures ou à
des mises en place de filtres destinés à empêcher le
téléchargement de fichiers protégés par des droits d'auteur.
|