Jeux
vidéo : des pistes pour développer le secteur en France
Fabrice Fries, conseiller à la Cour des Comptes, a rendu au gouvernement un rapport sur l'industrie des jeux vidéos. Il soumet cinq propositions pour créer une nouvelle dynamique. (Mercredi 28 janvier 2004)
Comment favoriser l'éclosion
d'une nouvelle industrie du jeu vidéo en France
susceptible de dévélopper des jeux à gros
budget pour le compte des plus grands éditeurs internationaux
? Fabrice Fries, ancien dirigeant de Vivendi Universal
Publishing et conseiller référendaire à la Cour des Comptes,
a réalisé un rapport sur ce secteur pour
le compte du Minefi. Il a rendu ses conclusions fin décembre
en soumettant cinq propositions susceptibles de dynamiser
un marché dont l'état est jugé "inquiétant".
L'essentiel
du rapport de Fabrice Fries, qui n'est pas encore disponible
en téléchargement, tourne autour de l'avènement
d'un système de financement adapté au secteur des jeux
vidéo. Le financement étan considéré
comme le nerf de guerre, l'auteur du rapport suggère
la création d'un fonds de production. Il recommande
également d'attirer l'investissement via un crédit
d'impôt sur les dépenses de développement réalisées en
France. "C'est la mesure centrale qui vise à peser
sur les choix d'investissement. Il s'agit moins d'alléger
les charges des studios français que d'inciter les éditeurs
internationaux - qui seraient les bénéficiaires de cette
mesure - à développer des jeux en France", poursuit
le conseiller à la Cour des Comptes. Autre préconisation
: le secteur des jeux vidéo devrait se rapprocher
des dispositifs existants d'aide à la recherche et à l'innovation.
Des problématiques sectorielles spécifiques
sont abordées comme la "taxe" que les
fabricants de consoles mettent sur le dos des éditeurs
de jeux vidéos en guise de participation au coût
de de fabrication des jeux sur consoles. Il s'agit d'une
avance de trois mois environ correspondant à 10 euros
par unité de jeu mise en place. Un système qui
"pose des problèmes de trésorerie redoutables aux
éditeurs", assure l'auteur du rapport. Là
encore, une proposition très concrète est
avancée : il faudrait favoriser le financement
de ce coût de fabrication, par exemple par le biais d'une
garantie des prêts par l'Institut pour le Financement
du Cinéma et des Industries Culturelles (Ifcic).
Le dernier volet de proposition concerne la gestion des
ressources humaines. Selon Fabrice Fries, le secteur des
jeux vidéo devrait développer l'approche
"contrats de projet". "En bonne part en
raison d'une souplesse plus grande de la réglementation
du travail, les effectifs des studios en Grande-Bretagne
sont près de quatre fois supérieurs à ceux des studios
français. Le jeu vidéo semble un terreau idéal pour une
application éventuelle des contrats de projet, ces contrats
d'une durée minimale de trois ans s'interrompant à l'achèvement
d'un projet précis", résume l'auteur. Une
piste de réflexion sectorielle reliée à
l'actualité politique sur la réforme du
Code du Travail : le gouvernement Raffarin réfléchit
sur la manière d'étendre les durées
des contrats CDD au-delà de 24 mois pour des salariés
qualifiés.
D'un point de vue budgétaire, Fabrice Fries assure
que ses propositions "ne conduisent naturellement
pas à une mise sous perfusion du secteur puisque le jeu
vidéo est aujourd'hui soutenu à hauteur d'environ 8 millions
d'euros et que les mesures proposées représenteraient
une dépense fiscale de l'ordre de 20 millions d'euros."
Dans son rapport, le conseiller d'Etat souligne les faiblesses
du secteur des jeux vidéo : cycles technologiques
très courts, envolée des coûts sur
fonds de manque de soutien des banques pour renouveler
les lignes de crédits, éclatement de la
bulle Internet qui a fait sombrer des acteurs issus de
la nouvelle économie (comme Calisto) et entraîné
des vagues de suppressions de milliers de postes. Les
effectifs ont fondu de plus de la moitié en deux ans et
on ne recense plus qu'un petit millier d'emplois dans
la création dans l'hexagone.
Il reste en France environ soixante
studios de développement
(sous-traitants compris), "dont une petite dizaine
sans doute capable de traiter avec les plus grands éditeurs"
précise le rapport. Parmi les grands acteurs français
(comme Infogrames, Ubisoft ou VU Games), l'objectif est
"d'acquérir la taille et les ressources suffisantes
pour financer un portefeuille suffisant de projets susceptibles
de générer un hit à l'échelle internationale, tout en
amortissant des coûts croissants sur une base de revenus
élargie". Le marché
des logiciels de jeux est estimé à 30 milliards
d'euros dans le monde, toutes plates-formes confondues
(PC, consoles, jeux en réseau).
Le secteur des jeux vidéos s'organise en Europe
Le 16 janvier, l'Association des producteurs d'oeuvres mutimédia - Apom
(cf article
JDN du 25/04/03) - a signé un accord
de création d'une fédération
européenne des créateurs de jeux vidéos
avec des représentants d'organismes similaires
: Tiga (Royaume-Uni), Danish Producers (Danemark)
et Tiga Hollande (Pays-Bas). Cette nouvelle structure
servira d'assise pour discuter avec la Commission
européenne concernant le développement
du secteur des jeux vidéos sur le Vieux continent.