ENQUETE
0,99 euro : le tarif qui fait plonger la musique en ligne
Sous l'impulsion d'iTunes, le marché de la musique sur Internet est tiré par des titres proposés à 0,99 d'euro. Mais à ce prix, les plates-formes sont obligées de vendre à perte certains morceaux.   (26/07/2004)
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Guide Les plates-formes légales de musique en ligne

0,99 dollar ou 0,99 euro par titre téléchargé. Ce principe institué aux Etats-Unis dès le lancement d'iTunes Music Store par Apple, au printemps 2003, s'impose petit à petit comme une règle commerciale pour l'ensemble des vendeurs de musique en ligne. S'il n'est pas pratiqué par tous les marchands, ce tarif est pourtant devenu dans l'esprit des internautes le prix étalon de la musique sur Internet.

Mais ce coup de force marketing n'enchante pas tout le monde, loin s'en faut. En premier lieu les plates-formes de vente en ligne historiques. Elles dénoncent à mots couverts l'impossibilité de marger avec un tel tarif. "Le sujet est extrêmement sensible", évoque un dirigeant d'une entreprise du secteur, qui tient à garder l'anonymat sur un marché où les alliances sont nombreuses. "Une bonne partie des acteurs du secteur vend à perte", poursuit-il.

Montant des reversements
pour un titre de musique téléchargé à 0,99 euro*
0,70 euro 0,16 euro 0,07 euro  0,05 euro 0,01 euro
Editeur TVA Droits d'auteur Commission bancaire Plate-forme technique et/ou distributeur
* Sur la base du tarif moyen éditeur de 0,70 centime d'euro 

En France, la musique étant soumise à une TVA de 19,6 %, le prix hors taxe d'un titre vendu 0,99 euro est de 0,83 euro. Sur ce montant HT du prix au détail, il faut retrancher 8 % au titre des droits d'auteur, soit 7 centimes d'euro. Une fois soustraite la commission attribuée au réseau de paiement (5 % du prix TTC en moyenne), il reste alors 0,71 euro à se partager entre l'éditeur et le marchand, voire avec un troisième partenaire lorsque le marchand n'est pas propriétaire de la plate-forme technique. Problème : pour un "tube du moment", la seule rémunération de l'éditeur frise parfois les 90 centimes. "A ce prix-là, on perd de l'argent, poursuit le dirigeant. Même quand, comme iTunes Europe, on crée son siège au Luxembourg pour ne payer que 3 % de TVA."

L'enjeu pour Apple n'est pas, il est vrai, le même que pour les autres services de téléchargement. La société mise avant tout sur les ventes de son iPod, le seul baladeur numérique qui permet aux clients d'iTunes Music Store d'écouter leurs fichiers musicaux téléchargés. Porté par le succés du site de vente en ligne, Apple a vendu 807.000 iPod en 2003 et a multiplié par trois son bénéfice net sur son dernier trimestre d'exercice par rapport à 2002. Un résultat principalement dû à la vente de baladeurs numériques sur laquelle la société réalise une marge de 20 %.

"Ce n'est pas avec ça que nous gagnerons de l'argent..."

Chez Apple, on ne communique ni sur la rentabilité de la plate-forme musicale, ni sur son business model. Le sujet est tabou. Lors d'une présentation des résultats de la société en novembre dernier, Steve Jobs admettait pourtant, en parlant d'iTunes, que "ce n'est pas avec ça que nous gagnerons de l'argent". Et d'ajouter, en pensant cette fois à la concurrence, "ils ne vendent pas d'iPod, donc ils n'ont pas d'activité associée pour gagner de l'argent".

Chez les plates-formes musicales historiques, présentes en Europe depuis plusieurs mois, cette stratégie de vente à prix bradé est jugée dangereuse. Pour éviter de se faire épingler par Bruxelles, OD2 propose, par exemple, des titres à 0,99, 1,29 ou 1,89 euro selon le niveau de reversement à l'éditeur (de 0,50 à 0,90 euro par titre). Mais le verdict commercial face à ces tarifs plus élevés est immédiat : tandis qu'OD2 écoule un million de titres par trimestre, iTunes dépasse, lui, les 25 millions.

"Nous sommes pris entre deux feux, admet un professionnel du secteur. D'un côté les éditeurs veulent conserver leurs marges offline et de l'autre, certains marchands cassent les prix en vendant sous le seuil psychologique du 1 euro. Si ce métier devient un métier de volume, seuls les gros pourront s'en sortir et les intermédiaires disparaîtront."

Du côté des éditeurs, on préfère rester pour l'heure en dehors du débat. Pas question de revoir la marge éditeur à la baisse. Le directeur général du Snep (Syndicat national des éditeurs phonographiques), Hervé Rosny, est clair sur ce point : "Chacun doit rester à sa place. Nous ne sommes pas là pour discuter du prix final. Bien sûr qu'il est préoccupant de voir que personne ne gagne d'argent. Mais c'est aux distributeurs de fixer leur marge. A chacun de faire son métier."

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Cette stratégie marketing risque d'aboutir, tôt ou tard, à une concentration des acteurs sur le marché de la musique en ligne, faute de viabilité économique avec les tarifs actuels. Derrière l'union de façade de l'industrie musicale pour lutter contre le piratage, une guerre froide se joue déjà sur le marché du téléchargement légal.

Musique en ligne et droits d'auteur
Pour chaque titre vendu en ligne, la Sacem perçoit ajourd'hui 8 % du tarif hors taxe au détail. Ce tarif est susceptible d'évoluer dans les prochains mois. La Sacem estime que le seuil tolérable pour assurer une juste rémunération de l'auteur compositeur est de 12 %. La société de gestion de droits d'auteur a accepté de revoir à la baisse ses prétentions pour ne pas freiner le développement du marché Internet. Cependant, de nouvelles négociations auront lieu au terme d'une période de deux ans à compter de juin 2004, date de l'accord avec iTunes.

75 % de la somme perçue par la Sacem est reversée au titre du droit à la reproduction. En général, les auteurs compositeurs d'un côté, et l'éditeur de l'autre se partagent la somme équitablement. Cependant, des différences peuvent survenir en fonction du contrat liant les deux parties. Les 25 % restants sont perçus au titre du droit de représentation, dont un tiers est reversé à l'auteur, un tiers au compositeur, et un tiers à l'éditeur. Cette répartition est invariable.
 
 
Frantz GRENIER, JDN
 
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