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ANALYSE
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"Absolute players" : une espèce en voie d'apparition |
On connaissait les pure players, ces sociétés Internet dont le porte-drapeau est longtemps resté Amazon. Aujourd'hui, le nouveau modèle du Net, c'est Google. Dans son sillage, les absolute players.
(22/09/2004) |
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Nouvelle économie, nouveau vocabulaire. Les
entrepreneurs et les analystes financiers ne sont pas avares de néologismes
quand il s'agit de désigner les nouvelles familles d'acteurs
économiques, nées de la segmentation par l'usage des NTIC. Pour mémoire, on citera les brick
and mortar, les click
and mortar et autres pure
players, dont le JDN s'est largement fait le relais.
Toujours en avance d'un dictionnaire, les modèles économiques
de l'Internet ont peut-être leur nouveau maître-mot : les "absolute
players". Explications.
"Absolute players", la définition
Ne cherchez pas une abondante littérature sur le sujet, l'expression
est apparue pour la première en France dans un numéro de l'hebdomadaire Challenges
en mai 2004. Elle désigne les acteurs nés avec l'Internet et dont
le modèle est 100 % Internet : pas de réseau de distribution
physique, pas de stock. Nombre de pure players sont des absolute
players, mais ce n'est pas toujours le cas. Les sites de e-commerce
comme Alapage ou Rueducommerce, par exemple, gèrent des stocks
; Free possède une infrastructure réseau.
Les
acteurs en présence
Dans cette catégorie se placent différents types d'acteurs, à la virtualité absolue :
les comparateurs (Kelkoo, Assurland, Easyvoyage
), les courtiers
en ligne (Boursorama
), les moteurs de recherche ou les annuaires
(Google, Yahoo
), les sites d'enchères (eBay
), les plate-formes
de téléchargement musical payantes ou peer-to-peer (OD2, Kazaa
),
certaines agences de voyage en ligne (Partirpascher, Expedia
),
les médias en ligne (le JDN, par exemple
), les spécialistes
des liens sponsorisés (Overture
), certains sites de petites
annonces, les places de marché, ou encore les sites communautaires
(Friendster
).
Les business-models
Certains de ces absolute
players ont transposé un business-model existant (courtiers),
d'autres en ont inventé un (Google). Les revenus reposent essentiellement
sur le prélèvement de commissions ou sur la publicité.
Des ressources et des services informationnels
Cette nouvelle famille d'acteurs, malgré son hétérogénéité, dispose de
plusieurs caractéristiques communes. En termes d'offre, leur
production est circonscrite à des biens purement informationnels,
par définition dématérialisés, ou à des services d'intermédiation.
Les flux engendrés sont financiers et/ou électroniques, et la
valeur créée repose la plupart du temps sur la constitution
de bases de données. Ils sont ainsi les plus "purs représentants"
de la société de l'information, et participent du développement
des activités tertiaires de type informationnel.
La structure de coûts
En termes de coûts, leurs activités demandent des investissements
essentiellement immatériels, comme la recherche et le développement
logiciel, le marketing ou la publicité. De ce fait, ce sont
plutôt des structures de coûts fixes, ce qui permet de maximiser
les marges. "De nombreuses activités à forte intensité en recherche
et développement sont des activités de coûts fixes, explique
Eric Brousseau, directeur d'une équipe de recherche sur l'économie
numérique à Paris X, professeur d'économie et membre de l'Internet
Society France. En théorie, si on arrive à fournir un service
qui requiert les mêmes actifs pour tout le monde, on obtient
des économies d'échelle absolues et tout nouveau client fait
de la marge pure. Mais dans la pratique, les coûts variables
ne sont pas égaux à zéro. Ceux pour lesquels ils tendent le
plus vers zéro, les moteurs de recherche par exemple, sont aussi
ceux qui possèdent les systèmes les plus complexes à mettre
en uvre, ce qui entraîne d'autres coûts."
L'ajustement du prix et de l'offre
Une autre caractéristique importante, pour Eric Brousseau,
liée à la vente de biens informationnels "aisément reconfigurables",
est l'ajustement très fin du prix et de l'offre. "Grâce aux
technologies numériques, le vendeur peut facilement identifier
qui est le consommateur, et personnaliser son offre en fonction
des besoins de ce dernier. Il peut également réussir à déterminer
quel prix le consommateur est prêt à payer. In fine, cela permet
de vendre à un prix plus élevé. Mais ce genre de personnalisation
a aussi un coût."
L'importance d'une masse critique de clients
Pour un certain nombre d'absolute players, l'utilité du
service dépend du nombre d'utilisateurs (Google, Friendster,
Kazaa
). C'est ce qu'on appelle les "rendements croissants d'adoption".
L'a-territorialité et la mondialisation
L'économie des absolute players est localisée dans les
réseaux, et facilement mondialisable par nature. "Il est plus
facile de globaliser et de répartir les risques lorsque l'on
est 100 % en ligne", déclare Eric Brousseau. Bref, pour ces acteurs, les frontières semblent être de vieux souvenirs. Avec un risque à la clef : oublier que chaque pays possède sa propre législation. |
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