ANALYSE 
Le micro-paiement enfermé dans un micro-marché
Malgré le développement des services premium, le micro-paiement ne représente en France qu'une petite partie des paiements en ligne. Les causes de ce décalage.   (29/09/2004)
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 Jean-Pierre Buthion
Dossier Moyens de paiement

Qui se souvient de l'Américain Cybercash, ou des Français Minute Pay, Kleline, Carte à Plus ? Autant de dispositifs qui devaient apporter une solution au problème du micro-paiement sur Internet et qui devaient contribuer à développer l'e-commerce en général. Autant de dispositifs qui, faute de moyens et d'activité commerciale, n'ont finalement pas survécu.

Aujourd'hui, et malgré les efforts des éditeurs Internet pour lancer des services premium, les micro-paiements représentent toujours une petite partie des échanges marchands en ligne. Abdallah Hitti, ancien directeur général de Kleline et désormais directeur général d'une toute nouvelle solution de micro-paiements d'origine suédoise, Paynova France, s'essaye à quelques estimations sur le marché des micro-paiements. "Au deuxième trimestre 2004, nous supputons que sur 7,2 millions de transactions effectuées en ligne en France, 11 % sont des micro-paiements."

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, cette forme de paiement retrouve un fort regain d'intérêt. Porté par le développement des offres de contenu payantes à faible marge, à l'instar des plates-formes musicales ou des sonneries pour téléphone portable, le micro-paiement voit son activité décoller. Selon une étude publiée par TowerGroup, le chiffre d'affaires issu des micro-paiements effectués sur Internet et sur mobile devrait croître aux Etats-Unis de 23 % par an sur les cinq prochaines années, passant de 2 milliards de dollars en 2003 à 11,5 milliards de dollars en 2009.

Ces perspectives ne laissent pas les investisseurs américains indifférents. BipPass, une société américaine spécialisée depuis deux ans dans les micro-paiements, a par exemple levé début septembre 11,8 millions de dollars auprès de capital-risqueurs tels que Steamboat Ventures (la société de capital-risque de Walt Disney Company) ou RRE ventures.

Une offre produits encore trop étroite en France

En France, l'effervescence est moins marquée. Aux yeux des professionnels, le marché hexagonal du micro-paiement reste encore limité par quatre grandes contraintes. La principale d'entre elles provient de l'existence, ou plutôt de l'inexistence, d'une offre de biens et de services marchands de faible valeur. "Le problème du micro-paiement réside pour l'essentiel dans l'offre produits et dans l'utilité actuelle d'un tel dispositif, indique Jacques Schuhmacher, directeur adjoint responsable moyens de paiements électroniques de la Caisse d'Epargne. La plupart des articles ou services qui pouvaient être éligibles, comme les extraits musicaux, les articles de journaux, les images ou encore les bulletins météo étaient jusqu'à présent majoritairement gratuits ou existaient sous une forme gratuite. Comment voulez-vous, dans ces conditions, imposer un moyen de paiement qui n'a pas de marché ?" Dans ce domaine, chacun espère que les offres payantes de musique en ligne serviront à évangéliser le marché français, comme l'a déjà fait iTunes aux Etats-Unis.

Autre difficulté à laquelle les opérateurs de micro-paiement sont confrontés en France : la visibilité des solutions. "Aujourd'hui encore, il y a beaucoup trop de systèmes de micro-paiement et leur utilisation et beaucoup trop fragmentée, souligne Jean-Pierre Buthion, chef de produits au sein du Groupement des cartes bancaires. Or, en France, comme ailleurs, les moyens de paiement ont besoin de visibilité et d'interopérabilité pour pouvoir se développer." Un obstacle qui est loin d'être levé : il existe aujourd'hui en France pas moins de huit types de solution de micro-paiement depuis l'Audiotel, en passant par le prélèvement sur facture du FAI ou de l'opérateur de téléphonie fixe, jusqu'au porte-monnaie électronique, la carte pré-payée ou encore le SMS+ (voir le tableau des principales solutions de micro-paiement). Avec tant de solutions possibles, difficile pour les éditeurs et les consommateurs d'y voir clair.

S'ajoute à ces freins opérationnels un paysage légal qui, parce qu'il dissociait les prérogatives des banques de celles des opérateurs télécoms en matière de création monétaire, n'a pas favorisé les émulations pour créer des solutions originales de paiement associant les télécoms et Internet. "Ces freins sont en passe d'être levés, assure Jean-Pierre Buthion (lire à ce sujet la tribune juridique de Etienne Wery). Mais il y a encore beaucoup à faire aujourd'hui pour que tous les acteurs obéissent aux mêmes règles."

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 Jean-Pierre Buthion
Dossier Moyens de paiement

Enfin, ce paysage français du micro-paiement ne serait sans doute pas complet sans évoquer le problème des coûts de transaction. Les commissions prélevées par les systèmes de kiosque comme w-HA, restent aujourd'hui encore relativement élevées par rapport à la valeur du bien. Celles-ci atteignent environ 30 % du prix du service si l'internaute accède directement à l'offre depuis le site de l'éditeur, et 50 % si ce service est mis en avant sur le portail de Wanadoo ou de Club Internet. Ces commissions comprennent, certes, les coûts de promotion et de facturation. Mais leur montant est quelque peu dissuasif, ce qui contribue à restreindre le nombre d'éditeurs intéressés. Autant d'éléments qui, mis bout-à-bout, empêchent la naissance d'un cercle vertueux.
 

Anne-Laure BERANGER, JDN
 
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