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Francis
Jubert (EDS) : "L'e-administration française s'aligne
sur les meilleures pratiques mondiales" |
Auteur
d'un ouvrage sur l'e-administration, et secrétaire général
du cabinet de conseil EDS, Francis Jubert estime que le concept
d'Etat en ligne est sur le point de voir le jour en France.
(07/03/2005)
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(article modifié le 08/03/05 à 13h30) Francis
Jubert a co-écrit l'ouvrage e-administration, levier de la
réforme de l'Etat, paru en 2005 chez Dunod. Secrétaire général
d'EDS France, SSII et maison-mère d'AT Kearney, il préside également
depuis l'été dernier le groupe de travail sur les partenariats
public-privé de Syntec Informatique. Il préside par ailleurs
la commission Finance du Comité de liaison Défense au sein du
think tank du groupement des professions de services au Medef.
Il livre pour le Journal du Net un aperçu de son analyse
de la transformation de l'Etat français, au travers du prisme
de l'e-gouvernance.
JDN. La France est selon vous sur
la bonne voie en matière d'administration électronique, mais
vous estimez qu'il reste beaucoup à faire pour rattraper certains
pays, comme la Belgiqueou le Canada. Quel est le degré
d'avance de ces pays ?
Francis Jubert. Le Canada, la Belgique ou la Bavière
sont effectivement très avancés. Ils ont inspiré le rêve d'"Etat
en ligne" de Jean Arthuis (NDLR :sénateur et auteur d'un
rapport sur l'informatisation de l'Etat). Ces pays ont réussi
à sortir de la logique de "silo", qui prédominait jusqu'à présent
en France, où chacun réinvente la roue dans son coin, hors de
toute logique de mutualisation. Au Canada, ce sont d'abord les
caractéristiques géographiques du pays, avec le froid et les
distances, qui ont conduit à la généralisation des réseaux.
Ce pays a su mettre l'accent sur la performance de l'Etat et
l'efficacité du service public. Il est allé au bout de la logique
du zéro papier. La Bavière, elle, a notamment réussi à passer
de seize systèmes d'information différents à un seul grand système.
Quant à la Belgique, c'est le pays européen le plus au point
sur le vote électronique. Cela s'explique par la coexistence
de trois langues dans le pays, par la multiplication des situations
de scrutin, et par le fait que le vote soit obligatoire. En
2006, la quasi-totalité des Belges utiliseront le vote électronique.
Dans
votre livre, vous développez le thème des partenariats public-privé
(PPP). En quoi consistent-ils, et en quoi peuvent-ils être un
moteur de l'émergence du e-gouvernement ?
Les contrats de partenariats public-privé sont, aux côtés des
marchés publics et des délégations de service public, une nouvelle
forme d'association de l'entreprise privée aux investissements
et à l'exploitation d'équipements ou de services publics. L'ordonnance
qui les encadre a été présentée en juin 2004. C'est un instrument
à la fois financier et juridique. Les PPP pourraient permettre
de remettre à niveau l'Etat français, en palliant les contraintes
de ressources humaines et financières qui limitent les projets
d'e-gouvernance. Les PPP sont l'instrument qui, au travers de
la recherche de meilleures formules de financement, permettront
d'atteindre les objectifs du gouvernement Raffarin : faire passer
l'Etat d'une culture de moyens à une dynamique de résultats.
Je rappelle que l'objectif d'Eric Woerth, secrétaire d'Etat
à la réforme de l'Etat, est de gagner 2 % de productivité par
an, sur les 100 milliards d'euros de dépenses publiques. Pour
y arriver, les leviers sont le bon usage des technologies de
l'information, et la mise en uvre de nouvelles techniques financières
et budgétaires. Cela passe notamment par la création de socles
techniques communs. Pour cela, il faut que l'Etat réfléchisse
sur ses process en amont. Les PPP, que ce soit au niveau des
administrations centrales ou des collectivités locales, permettent
de remettre à plat les coûts existant, et de donner la possibilité
à des partenaires privés de challenger l'Etat, dans l'objectif
d'optimiser les performances de tous. Cela suppose de la part
de l'Etat une volonté de transparence sur ses coûts. La plupart
des grands projets d'e-administration en Grande-Bretagne, comme
celui de l'Inland Revenue, ont été lancés sous cette forme.
En France, les projets qui pourraient donner lieu à des PPP
sont par exemple la refonte des systèmes d'information des CHU,
l'externalisation de la fonction encaissement des amendes, le
dossier médical personnalisé, ou les différents projets dans
le domaine des collectivités locales.
Outre la mise en place des PPP,
quels autres signes démontrent selon vous que la France
est en train de rattraper son retard ?
Au départ, la France a pâti d'un manque de volonté politique,
mais c'est en train de changer. Aujourd'hui, grâce à l'ADAE,
qui emploie maintenant 200 personnes, et au ministère de la
Réforme de l'Etat, les choses bougent. Les discours sont cohérents,
et la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui
vise à moderniser la gestion publique, est prise au sérieux.
Jean-Pierre Raffarin a par exemple fixé comme objectif le vote
par Internet à domicile en 2009 pour les prochaines élections
européennes, ce qui est ambitieux. Des expérimentations ont
déjà eu lieu. D'autres exemples attestent des progrès français,
comme le site Service-public.fr, le succès de la télédéclaration
fiscale, ou My ANPE, qui fonctionne maintenant et qui reprend
l'expérience de Jobpoint en Grande-Bretagne. La France est en
train de s'aligner sur les meilleures pratiques mondiales, notamment
celles du Canada. Il y a eu un travail de pédagogie considérable,
et culturellement, grâce à l'historique du Minitel, les citoyens
sont prêts pour la dématérialisation des procédures. Le développement
de l'administration électronique repose maintenant sur la généralisation
du haut-débit. L'objectif, c'est que chaque citoyen puisse demander
des comptes à l'Etat. Le rêve de Renaud Dutreil, ministre de
la Fonction Publique et de la Réforme de l'Etat, est de généraliser
la traçabilité des services. Cette révolution se fera par la
prise en compte de la mobilité et par la création de formules
innovantes, utilisant par exemple les SMS. L'Etat doit passer
d'une entité tutélaire à un système convivial, à qui reviendrait
la charge de la preuve. Reste à gérer les freins culturels au
sein de la population de fonctionnaires, qui ont du mal à accepter
certaines évolutions. |
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