ANALYSE
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Mobiles : le Yalta du marché européen
Les 26 milliards d'euros proposés par Telefonica pour le Britannique O2 ont frappé les esprits, mais la redistribution des cartes touche l'ensemble du marché européen. A ce jeu là, il y a les cibles et les prédateurs.   (08/11/2005)
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26 milliards d'euros. C'est la somme record que propose Telefonica pour racheter O2, l'un des quatre opérateurs les plus importants au Royaume-Uni et ancienne division de l'opérateur historique British Telecom. À ce prix-là, les autres candidats au rachat d'O2, KPN et Deutsche Telekom notamment, n'ont pas pu renchérir. C'est donc l'Espagnol Telefonica qui bénéficiera de cet accès privilégié aux marchés anglais, irlandais et allemand. Mais l'opération est loin d'être la seule à avoir agité le marché des télécoms ces dernières semaines.

Les principaux opérateurs mobiles en Europe
(en millions de clients)
Opérateurs Nombre total de clients au 30 juin 2005 Nombre de clients en Europe % de clients en Europe
Vodafone
165,00 97,54 59,1 %
Telefonica Moviles
86,50 19,40 22,4 %
T-Mobile
80,88 61,63 76,2 %
Orange (1)
69,98 51,33 73,3 %
Telecom Italia Mobile
44,30 26,12 59,0 %
O2
24,60 24,60 100,0 %
KPN (1)
17,75 17,75 100,0 %
SFR (1)
16,45 16,45 100,0 %
Wind (2)
12,10 12,10 100,0 %
Three (3)
9,41 8,45 89,8 %
(1) au 30 septembre 2005, (2) au 31 décembre 2004, (3) au 24 août 2005
Source : opérateurs et Journal du Net, novembre 2005

Les gros coups se sont multipliés ces derniers temps, au rythme d'un rachat par mois en moyenne (lire l'encadré). Le scénario est toujours le même : un acteur isolé, opérant sur un marché dynamique, est la cible d'un groupe puissant, déjà implanté sur d'autres marchés et qui souhaite élargir sa présence européenne. Le cas Telefonica - O2 est significatif. Le groupe espagnol réalise l'essentiel de son activité mobile en Amérique latine, et possède moins d'un quart de ses clients sur le Vieux Continent. En avril dernier, Telefonica s'était ainsi déjà positionné sur un marché en pleine croissance, en s'emparant de 69,4 % de l'opérateur tchèque Cesky Telecom. Avec O2, Telefonica ajoute trois marchés à son tableau de chasse, en particulier le très attractif marché britannique.

300 millions d'euros d'économies par an pour Telefonica
"Les grands groupes télécoms se sont assainis financièrement, note Thomas Husson, analyste chez Jupiter Research. Leur dette a baissé ces dernières années, le mouvement de consolidation engagé il y a quelques années peut donc redémarrer. Mais avec une opération de cette ampleur, financée en outre par de l'endettement, Telefonica devrait mettre entre un an et demi et deux ans pour digérer le rachat." A travers ces opérations, tous les grands groupes suivent le même leitmotiv : favoriser les synergies et réaliser ainsi des économies de coûts. Avec le rachat d'O2, Telefonica prévoit ainsi d'économiser près de 300 millions par an à partir de 2008.

Les opérateurs mobiles et leurs principales implantations
Opérateurs Principaux marchés
Vodafone
Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Japon, Espagne, Roumanie, Grèce, Pays Bas, Portugal, Australie, Irlande, Nouvelle-Zélande, République Tchèque, Hongrie, Suède...
Telefonica Moviles
Espagne, Amérique latine, République Tchèque
T-Mobile
Allemagne, Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays Bas, Autriche, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie, Croatie
Orange
France, Royaume-Uni, Espagne, Belgique, Pologne, Pays Bas, Suisse, Roumanie,
Telecom Italia Mobile
Italie, Brésil, Turquie
O2
Royaume-Uni, Allemagne, Irlande
KPN
Pays Bas, Allemagne, Belgique
SFR
France
Wind
Italie
Three (Hutchison)
Hong Kong, Australie, Royaume-Uni, Italie, Irlande, Autriche, Suède, Danemark
Source : Journal du Net, 2005

Mais les prochaines opérations devraient avant tout être guidées par deux critères : le positionnement sur les marchés émergents, qui possèdent à l'heure actuelle les taux de croissance de loin les plus impressionnants (l'Inde, par exemple, affiche une croissance de 90 % en 2004), et le positionnement en Europe sur les services multimédia, qui commencent déjà à prendre le relais de la voix au niveau des bénéfices engendrés. Ces quelques tendances énoncées, on peut dès lors se risquer à segmenter le marché :

1  Les 5 "pieuvres"
Cinq grands opérateurs, pouvant s'appuyer sur de solides structures, ont réalisé des chiffres d'affaires supérieurs à 10 milliards d'euros en 2004. L'écart entre ces derniers et le reste du marché européen pourrait encore se creuser cette année. Tous ont déjà lancé la 3G depuis plusieurs mois et possèdent désormais un portefeuille complet de participations internationales. Ce sont, à coup sûr, les prochains grands animateurs de la consolidation du secteur des télécoms.

Les principaux opérateurs mobiles en Europe
(en milliards d'euros)
Opérateurs Chiffre d'affaires 2004 Croissance 2004 (estimations) Chiffre d'affaires 2005 (estimations)
Vodafone (1)
49,09 + 6 % 52,0
Telefonica Moviles
12,05 + 15 % 15,5
T-Mobile
24,99 + 10 % 27,7
Orange
19,67 + 10 % 22,9
Telecom Italia Mobile
11,87 + 9 % 13,0
O2
8,35 + 22 %  9,9
KPN
5,18 + 6 % 5,6
SFR
8,32 (2) + 10 % 8,70 (3)
Wind
4,71 + 8 % 5,2
Three
1,72 - 4,6
(1) sur l'exercice clos au 31 mars 2005, (2) groupe SFR-Cegetel, (3) SFR seul
Source : opérateurs et Journal du Net, novembre 2005

Ces grands groupes ont déjà pris position sur les marchés émergents. Orange est largement présent en Afrique. Vodafone vient de prendre une participation de 10 % dans le groupe Bharti Tele-Ventures, numéro un sur le marché indien. Telefonica Moviles continue, lui, de profiter des taux de croissance du marché latino-américain. Même TIM, filiale de l'opérateur historique italien, ne mise plus uniquement sur son marché national, pourtant très lucratif, pour assurer son développement. L'essentiel de sa croissance est désormais tirée par sa filiale brésilienne. Enfin, T-Mobile, après avoir déferlé sur l'Europe de l'Est, aurait désormais des vues sur l'Afrique. "Les prochaines grandes opérations auront lieu sur ces marchés", assure Thomas Husson.

2  Les "nouveaux riches"
Un seul opérateur a pris le risque de ne se positionner que sur la 3G. Three avait, il est vrai, les moyens d'assumer ce risque : il s'agit d'une émanation du groupe Hutchison-Whampoa, maison mère de l'un des principaux opérateurs mobiles dans le monde. La toute jeune marque peut ainsi se targuer d'être le premier opérateur 3G en Europe, avec 10 millions de clients. Et, si la 3G parvient à effacer les derniers doutes autour de ses usages, il y a fort à parier que Three pèsera dans les prochains mouvements.

Acteurs récents, également, sur le marché mobile, Tele2 et Virgin Mobile sont en passe de réussir leur pari, basé sur une politique de MVNO. En Europe du Nord, leurs filiales mobiles ont atteint la rentabilité. Ailleurs, elles peuvent investir en s'appuyant sur leur maison-mère et peuvent escompter de fortes synergies, Tele2 en tant qu'opérateur intégré et Virgin via ses activités média.

3  Les outsiders
Plus aléatoire est la situation des autres MVNO, lancés ici et là en Europe. Il faudra sans doute attendre quelques années pour voir les grands groupes se lancer à l'assaut de ces nouveaux acteurs, qui pèsent encore peu en France comme ailleurs. Si certaines marques ont remporté un beau succès, comme Telmore au Danemark, ces nouveaux acteurs risquent de souffrir de leur isolement sur le marché européen. Les futures success-stories pourraient alors être valorisées très cher.

4  Les cibles
Pour Thomas Husson, le nombre d'opportunités s'est fortement réduit en Europe. Tout juste peut-on s'attendre à des offres sur TDC au Danemark, ou Eircom en Irlande (approché par Swisscom)... sans oublier deux opérateurs bien connus du consommateur français, SFR et Bouygues Telecom.

Le marché français possède en effet toutes les caractéristiques pour susciter les convoitises. Tele2 et Virgin Mobile ne s'y sont pas trompés et ont tout fait pour pénétrer le marché. L'Hexagone possède en effet l'un des taux d'équipement les plus bas d'Europe : de fortes marges sont donc encore possibles sur les primo-accédants. Sans oublier que, selon plusieurs études (lire l'article du 03/12/2004), la France serait parmi les pays les mieux placés dans l'usage du multimédia mobile, principal levier de croissance des prochaines années.

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"Lâché" par Cegetel, SFR se retrouve quant à lui, plus que jamais, dans la ligne de mire de Vodafone, qui a réaffirmé sa volonté d'augmenter sa participation dans le deuxième opérateur français. Et, dans les jours qui ont suivi l'annonce de l'OPA sur O2, les marchés ont identifié comme prochaine cible Bouygues Telecom, faisant grimper le cours de l'action Bouygues. Certaines rumeurs faisaient même état d'un intérêt de Deutsche Telekom pour le dossier. L'opérateur allemand chercherait ainsi à se venger de s'être fait doubler sur le dossier O2. Quelques semaines auparavant, c'est aussi le nom de Telefonica qui avait été avancé pour s'emparer de la filiale télécom du groupe de BTP. Difficile de croire, toutefois, que le groupe de Martin Bouygues consentira à lâcher l'une de ses filiales les plus rentables, susceptible à l'avenir de dégager d'importantes synergies avec le pôle média. Et certains, au contraire, de parler d'un appétit aiguisé de la part de Bouygues Telecom. Alors, proie ou prédateur ?

2005, l'année des rachats

Les principales opérations dans le secteur de la téléphonie mobile en 2005 : 
Avril : Telefonica rachète 69,4 % de l'opérateur tchèque Cesky Telecom pour 3,7 milliards d'euros.
Juillet : France Télécom s'offre l'un des principaux concurrents de Telefonica Moviles en Espagne, Amena, pour 6,4 milliards d'euros.
Juillet-octobre : Tele2 s'empare du Néerlandais Versatel, avec une offre aux alentours de 1,34 milliard d'euros.
Août : Deutsche Telekom achète le quatrième opérateur mobile autrichien, TeleRing, pour 1,3 milliard d'euros.
Novembre : Telefonica lance une OPA sur O2. Montant de l'opération : 26 milliars d'euros.

Nicolas RAULINE, JDN Sommaire Mobile
 
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