Si 2004 avait été l'année du lancement
de la 3G en France, 2005 aura sans doute vu les débuts
d'un nouvel univers mobile. Les premières conséquences
de la montée en puissance du haut débit sont apparues,
mais la transformation du secteur ne fait que commencer. Le
haut débit a entraîné une réorganisation
dans la téléphonie fixe, il en entraînera
une autre dans la téléphonie mobile.
En termes de revenus, la data ne constitue pas encore un relais
de croissance pour les opérateurs. L'ARPU
n'a pas connu de hausse significative, même si la consommation
des abonnés haut débit semble, selon les premiers
retours, plus importante que celle des utilisateurs de GSM
ou de GPRS.
Orange devrait terminer l'année au-delà
des 500.000 abonnés haut débit (Edge et 3G), de
même que SFR (uniquement sur la 3G). Bouygues
Telecom, converti au haut débit depuis septembre,
dispose avec l'i-Mode d'une base d'utilisateurs multimédia
importante et pourrait combler, en partie, son retard en nombre
d'abonnés haut débit l'an prochain.
Au total,
le nombre de clients haut débit mobile devrait donc être
largement supérieur à un million. Des chiffres
à relativiser puisque cela ne représente finalement
que 2 % du parc. Pas de quoi impacter fortement les revenus.
D'autant que, comme l'indique Cédric Foray, directeur
associé de Greenwich Consulting, "moins de 80 %
des revenus data des opérateurs sont constitués par les envois
de SMS". La multiplication des offres en illimité
devrait encore élargir le marché, même si
la taille des réseaux ne devrait pas permettre d'étendre
ces offres à l'infini.
Les stratégies haut débit des trois opérateurs
tendent toutefois, désormais, à se rapprocher.
Fin 2004, chacun avait effectué des choix technologiques
différents et restait campé sur sa position. Un
an après, les choses ont évolué : Bouygues
Telecom a lancé son propre réseau haut débit,
avec la technologie Edge ; Orange
l'a complété, également avec Edge ; même
SFR, concentré exclusivement sur la 3G
à l'origine, a assoupli sa doctrine et propose désormais
des offres Edge aux entreprises. L'uniformisation des stratégies
devrait s'amplifier l'an prochain, avec l'augmentation des débits
rendus possibles par la technologie HSDPA.
Les trois opérateurs ont d'ores et déjà
annoncé qu'ils développeraient cette technologie
en 2006 : leurs abonnés passeront donc à
un débit théorique de plusieurs megabits par seconde.
La course à la couverture, commencée cette année,
devrait donc s'intensifier.
Autre conséquence de l'avènement du haut débit : l'implication
de nouveaux acteurs dans l'industrie du mobile. Avec le décollage
de la télévision sur mobile (le temps de visionnage
par mois est passé d'une moyenne de 20 minutes en début
d'année à plus de 35 minutes aujourd'hui) et les
premiers tests concernant le DVB-H et le DMB, les groupes audiovisuels
sont entrés en force dans la chaîne de création
de valeur. Canal Plus a multiplié les accords, pour distribuer
le bouquet Canal Sat sur Vodafone Live, le portail multimédia
de SFR, ou pour lancer une offre de VOD sur mobile avec Orange.
Autre exemple significatif : LCI a créé
une chaîne dédiée au mobile.
Montée
en puissance des groupes audiovisuels |
Les groupes audiovisuels sont par ailleurs hautement impliqués
dans les expérimentations sur le broadcasting mobile,
qui permettra de diffuser de la télévision mobile
hors réseau de téléphonie. Il leur reste
à s'accorder avec les opérateurs sur le rôle
de chacun dans la future télévision mobile.
Les négociations s'annoncent ardues et il s'agit là
de la principale interrogation qui pèse sur la rapidité
du développement de cette technologie. Mais, comme
le souligne Cédric Foray, "dans un contexte de
mélange des genres, chacun a intérêt à se renforcer sur sa
compétence-clé : les chaînes sur le contrôle des contenus,
les opérateurs sur le contrôle des clients."
Le dynamisme du marché et l'ouverture à de nouveaux
services attire également de nouveaux opérateurs,
dits virtuels (MVNO).
Convaincu des synergies qu'il pourrait dégager d'un
tel investissement, NRJ a lancé son offre visant
les jeunes. Lancement réussi puisque le nouvel opérateur
aurait convaincu 20.000 clients en moins de deux mois, en
phase avec ses prévisions. L'offre M6 Mobile by
Orange, où la chaîne de télévision
apporte sa marque, aurait, elle, dépassé les
150.000 clients et viserait les 200.000 pour la fin de l'année.
Cette arrivée a aussi été rendue possible
par la médiation de l'Arcep (Autorité de régulation
des communications électroniques et des postes, qui a
pu convaincre les trois opérateurs d'ouvrir leur réseau
à la concurrence. Plusieurs grosses annonces ont été
faites. Si les MVNO pèsent encore peu (moins de 5 %
des nouveaux abonnés), certains d'entre eux ont pris
position pour l'avenir. Tele2, Neuf Cegetel, ou
encore Virgin Mobile peuvent nourrir de fortes ambitions,
tandis que Debitel, Breizh ou Coriolis
s'affirment comme des challengers crédibles ."2006
devrait voir certains MVNO atteindre une base clients significative,
affirme Cédric Foray. Ceux-ci pourraient alors négocier des
conditions d'entrée sur le haut débit."
Les problématiques de concurrence et de régulation
auront d'ailleurs marqué l'année 2005, avec la
sanction record prononcée contre Orange, SFR et Bouygues
Telecom, mais dont les effets sont encore incertains. Les trois
ont fait appel et pourraient échapper à l'amende
en raison des informations diffusées dans la presse avant
l'examen par le Conseil de la concurrence.
Des
projets de quadruple play dans les cartons |
Autre sujet d'inquiétude chez les opérateurs de
téléphonie mobile : le passage à
la VoIP.
Inévitable à terme, l'arrivée des communications
mobiles via Internet pourrait se faire dès 2006, plusieurs
opérateurs télécoms (France Télécom,
Neuf Cegetel...) ayant dans les cartons des projets de quadruple
play. Il s'agira donc, pour les opérateurs mobiles, de
savoir se positionner sur cette technologie. Il est désormais
à peu près exclu que la VoIP marginalise les opérateurs
mobiles : sur le fixe, Skype n'a pas tué les
opérateurs classiques. Mais il se pourrait que cela entraîne
des mouvements entre les différents acteurs...
Les offres de quadruple play favoriseront en effet les partenariats,
ou mieux les opérateurs intégrés. Ce
qui ne peut que relancer les spéculations sur deux
des trois opérateurs mobiles majeurs en France : SFR
et Bouygues Telecom. Au rayon des rumeurs qui auront bercé
2005 : l'intérêt du groupe Bouygues
pour Free, le rachat (raté) de Tiscali par Bouygues
Telecom, et, dernièrement, l'intérêt de
SFR pour Neuf Cegetel. La constitution de grands pôles
télécoms se profile donc, 2006 pourrait bien
en être la confirmation. Y compris au niveau européen,
où France Télécom a lancé les
hostilités en rachetant cette année l'opérateur
mobile espagnol Amena.
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