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Grégory Salinger, 40 ans dont 10 d'Internet |
Fils de Pierre Salinger et fondateur de ChateauOnline, il a traversé la bulle et développé MSN France. Aujourd'hui promu dans l'antre californienne de Microsoft, Grégory Salinger poursuit son parcours franco-américain. Portrait.
(06/04/2006) |
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alinger, un nom évocateur outre-Atlantique : celui de J.D.,
auteur du célèbre roman L'Attrape-curs, ou celui de
Pierre, journaliste et conseiller en communication du président
John Fitzgerald Kennedy. En France, Salinger se prénomme Grégory,
fils de ce même Pierre. Moins connu que son père car n'évoluant pas dans
les hautes sphères de la politique, l'homme a taillé sa route sur
Internet, des années folles de Chateau Online qu'il a fondé à MSN Monde qu'il a rejoint comme directeur du planning
stratégique et des opérations. Itinéraire d'un enfant de la bulle.
Né en 1966 à Los Angeles, Grégory
Salinger passe les quatre premières années de sa vie aux Etats-Unis,
avant de s'envoler vers le Vieux Continent.
Il a six ans quand il découvre la France, le pays de naissance
de sa mère. Elève du très classique et très coté lycée parisien Henri IV, il préfère après
son bac - série littéraire, mention bien - s'exiler
et renouer avec sa fibre américaine. "Mon père étant américain,
j'avais envie de passer du temps dans ce pays".
Le rêve américain, pour Grégory Salinger, c'est moins
l'histoire d'une ascension sociale - malgré un début
de carrière comme analyste financier chez Lazard Frères à New York - que celle d'une rencontre
avec une culture et une pédagogie
en décalage avec la rigidité du système français. Ce qui lui
plaît le plus dans son cursus de bachelor en économie
au Swarthmore College de Philadelphie, c'est la possibilité
de varier les enseignements - il suit notamment des cours
de philosophie et d'astronomie - et la forte proximité
avec les professeurs. "Imaginez Robin Williams dans Le Cercle
des Poètes disparus...".
Là-bas, Grégory Salinger affirme avoir développé un sens du
management radicalement opposé à la raideur du rapport hiérarchique
entre gouvernant et gouverné. "Diriger une équipe, c'est libérer
les énergies des uns et des autres. On se met d'accord sur des
objectifs et les règles du jeu pour y parvenir, et après, libre
à chacun d'utiliser ses ressources et sa créativité pour obtenir
des résultats. C'est un état d'esprit où l'univers des possibles
doit être le plus large possible".
Après deux années de transit entre New York et Istanbul dans
le cadre de son poste d'analyste et conseiller financier du
gouvernement turc pour le compte de Lazard Frères, Grégory Salinger,
alors âgé de 22 ans, reprend ses études. Il s'inscrit
à l'école de relations internationales John
Hopkins de Bologne, puis s'envole de nouveau vers les Etats-Unis
où il décroche à 25 ans un MBA dans la prestigieuse université
d'Harvard. C'est l'opportunité d'entamer une brillante carrière de
"golden boy". Mais après ces longues années passées à voyager, Grégory
n'a qu'une envie : retourner en France.
En 1991, il est recruté chez Pathé par Jérôme Seydoux pour participer
à l'élaboration et au déploiement d'une nouvelle génération
de complexes de cinéma. Un poste qui va se révéler décisif dans
l'évolution de sa carrière. Il l y découvre le consommateur et l'impérieuse nécessité, pour réussir, d'être à l'écoute de ses envies et de ses besoins.
Une règle de bon sens, mais qui lui permet de poser des repères dans un monde
virtuel dans lequel il plonge avec enthousiasme au sein
de la division interactive de Pathé. En charge des développements
multimédia, il élabore des stratégies pour faire
évoluer les approches métiers du groupe de divertissement. Une
révolution à laquelle n'adhère finalement pas la direction de
Pathé. Irrémédiablement touché par le virus du Web, Grégory
Salinger choisit donc de se mettre à son compte. Et entame sa
vie de Net entrepreneur.
De 1996 à 1999, il enchaîne les missions de consultant spécialisé
dans les NTIC. L'une d'entre elles, pour le FAI américain EarthLink,
lui fait découvrir l'Internet à grande échelle et lui permet
de rencontrer les acteurs clés du capital-risque IT en France.
En 1998, dans le cadre d'une mission pour France Télécom, il
élabore la plate-forme communautaire de jeux en ligne Goa.
ChateauOnline,
son premier succès de Net entrepreneur |
Mais son "premier vrai succès" en tant qu'entrepreneur
se nomme ChateauOnline : fruit d'une passion, celle des bons
vins, et d'une rencontre, celle d'Alexandre Basdereff, dans le
cadre d'une mission pour le Service d'information et de diffusion
(SID) de Matignon. En mars 98, la société est fondée, le business
plan élaboré, les investisseurs trouvés et les premiers salariés
engagés. La première version du site de vente de vins voit le
jour sept mois plus tard.
Le succès est rapide, en raison notamment de l'accent mis
sur le service client, estime Grégory Salinger. L'euphorie des
années 1999-2000
gagne ChateauOnline, qui se fait rapidement un nom parmi les jeunes acteurs du commerce électronique. De nouveaux investisseurs
se bousculent à la porte du capital de la jeune start-up. "Le
plus difficile a été de canaliser tout cet enthousiasme, tant
du point de vue des salariés que des actionnaires", se souvient
Grégory Salinger. L'éclatement de la bulle, suivie en 2001 de
l'arrivée d'un nouveau pool d'actionnaires, mettra un terme
à sa carrière de caviste virtuel.
Des regrets ? Pas le moindre. L'aventure lui aura appris
comment conserver le bon sens des affaires dans un monde en
déraillement. "J'ai connu en accéléré toutes les étapes de la
vie d'une entreprise que l'on vit généralement sur une carrière",
souligne Grégory Salinger. Pas d'amertume non plus, d'autant
que les yeux du jeune dirigeant étaient déjà tournés
vers un nouveau ciel, plus institutionnel mais plus prometteur :
Microsoft France. En novembre 2001, il est nommé directeur général
de MSN, la filiale Internet du groupe.
Sa mission : faire de MSN, à l'époque en retrait par rapport
aux ténors du Web français que sont Caramail ou Voila.fr, un acteur
de premier plan. Quatre ans plus tard, MSN est passé de 3 à 12 millions de
visiteurs uniques par mois, a multiplié par six son chiffre
d'affaires et est profitable depuis 2003. Ce ne sont toutefois
pas ces chiffres qui rendent Grégory Salinger le plus fier,
mais le fait d'avoir contribué à la professionnalisation et
la responsabilisation du média Internet en France, devenu selon
lui "plus mûr et plus adulte". L'hérédité journalistique, ça ne s'oublie pas. |
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