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VoIP : comment les tarifs des appels sont-ils fixés ? |
Présentée comme gratuite et illimitée dans le cadre des abonnements triple play, la téléphonie sur IP peut se révéler coûteuse, notamment du point de vue des opérateurs. Au coeur de cet imbroglio : la terminaison d'appel. Décryptage.
(12/05/2006) |
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Alors que les offres quadruple play voient le jour en France,
tout n'est pas encore rôdé du côté des services plus anciens.
Deuxième pierre de l'édifice des offres multi-play, la téléphonie
sur Internet ne semble plus aujourd'hui un critère déterminant pour
conquérir le consommateur. Le temps semble loin où les fournisseurs
d'accès rivalisaient de surenchère médiatique sur leurs offres
de téléphonie "gratuite et illimitée" vers tous les numéros
de fixe, locaux, nationaux, voire internationaux. Cette caractéristique
des abonnements Internet semblait acquise pour le consommateur.
Et pourtant
En janvier dernier, Free a décidé de faire
payer hors forfait les appels de ses clients Freebox vers les
abonnés des autres FAI. Au cur de cette mécanique de tarification
des communications en VoIP, la terminaison d'appel est aujourd'hui
l'objet d'un examen complet du gendarme français des télécoms, l'Arcep. Décryptage.
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Qu'est-ce que la terminaison d'appels ?
La terminaison d'appels est le coût de transmission facturé
par un opérateur à un autre opérateur pour faire transiter l'appel
sur son propre réseau. En clair, lorsque l'abonné d'un opérateur
A appelle un abonné d'un opérateur B, l'opérateur A devra payer
l'opérateur B une terminaison d'appels pour chaque minute de
communication. Une sorte de taxe douanière donc, qui existe
depuis l'ouverture du marché de la téléphonie fixe à la concurrence.
Dans la grande majorité des cas, la TA est effectuée par France
Télécom, qui possède le réseau téléphonique commuté et la paire
de cuivre locale.
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En quoi la TA est-elle problématique en voix sur IP ?
Les offres de téléphonie sur IP proposées par les fournisseurs
d'accès Internet français via leurs modems multi-play ne sont
généralement disponibles que dans les zones dégroupées. Dans
le cas du dégroupage partiel, la TA reste assurée par France
Télécom. La situation se complique dans le cas du dégroupage
total. En effet, lorsque l'abonné de l'opérateur A appelle un
abonné dégroupé totalement chez un opérateur B, la boucle locale
qui conduit à l'abonné final (B) appartient non plus à l'opérateur
historique, mais à l'opérateur alternatif qui, en conséquence,
assure et donc facture la terminaison d'appels.
A ceci s'ajoute une deuxième difficulté, inhérente au dégroupage
total : la portabilité des numéros géographiques. Disponible
depuis 1998, la portabilité pour les numéros géographiques est
la possibilité, pour le client d'un opérateur fixe, de conserver
son numéro s'il change d'opérateur fixe. Cette opération s'applique
également dans le cadre d'un dégroupage total. Ainsi, un abonné
dégroupé d'un opérateur alternatif peut conserver son numéro
géographique (01, 02, 03, etc.) au détriment des numéros non
géographiques ou IP (087
). Mais dans ce cas, l'identification
de l'opérateur alternatif est impossible.
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La TA est-elle identique chez tous les opérateurs ?
Désigné opérateur dominant sur son marché de la téléphonie
fixe, France Télécom n'est pas libre de fixer ses tarifs d'interconnexion.
Les tarifs de TA de France Télécom sont donc soumis à l'approbation
du gendarme français des télécoms, l'Arcep (Autorité de régulation
des communications électroniques et des postes). Recalculés
chaque année, ces tarifs sont dits "orientés vers les coûts",
c'est-à-dire qu'ils correspondent au coût réel des prestations
de transit et d'interconnexion sur le réseau de l'opérateur
historique. Ils s'élèvent à 0,114 centime d'euro par appel,
puis 0,58 centime d'euro par minute.
Les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs,
en revanche, ne sont pas contrôlés a priori par l'Arcep et sont
librement fixés par les opérateurs eux-mêmes. Leur seule obligation
est de "ne pas pratiquer de tarifs excessifs" (Décision n° 05-0425
portant sur la définition des marchés pertinents de la terminaison
d'appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes, la désignation
des opérateurs exerçant une influence significative sur ces
marchés et les obligations imposées à ce titre, Arcep, 27/09/2005).
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Quelles sont les grilles de tarifs de la TA ?
Ces tarifs sont l'objet de négociations commerciales bilatérales
entre les opérateurs, et peuvent donc varier sensiblement selon
l'origine et la destination de l'appel. Toutefois, la grande
majorité des appels en VoIP transite à un moment donné par le
réseau commuté de France Télécom, rares étant les opérateurs
alternatifs qui possèdent des points d'interconnexion avec les
réseaux de leurs concurrents sur tout le territoire national.
Il est donc possible de calculer les coûts de terminaison d'appel
des opérateurs alternatifs à partir de l'offre de référence
d'interconnexion de France Télécom et de son annexe "transit
interopérateurs" (consulter les tarifs et la méthode de calcul
dans le tableau ci-dessous). Facturés à
la minute, ils peuvent varier du simple au double selon l'opérateur.
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La TA fait-elle les choux gras des opérateurs ?
Oui et non. Pour un opérateur alternatif, la tentation est
grande "de gonfler la TA pour percevoir le maximum de revenus
supplémentaires par abonné", explique Bruno Teyton, responsable
du pôle Services aux Entreprises à l'Idate. De fait, selon les
données récentes publiées par l'Arcep, le volume des communications
au départ des services de VoIP représente aujourd'hui plus de
10 % du trafic au départ des lignes fixes. En 2005, le
trafic "IP" a quasiment doublé, suivant l'évolution du nombre
de clients de ces services. La consommation moyenne par abonné
est d'environ 300 minutes par mois. Dans le cadre de forfaits
à prix réduits, incluant l'accès Internet et la téléphonie en
voix sur IP gratuite et illimitée vers les numéros de fixes,
les marges réalisées par les opérateurs via la facturation à
la minute de la terminaison d'apppel sont loin d'être négligeables.
Bruno Teyton évalue le marché à environ 100 millions d'euros
par an.
Or, ces recettes ne sont généralement pas prélevées sur les abonnés,
mais subventionnées par les opérateurs eux-mêmes dans le cadre
de leurs offres de téléphonie gratuite et illimitée. Pour ceux
dont les clients usent et abusent de cette offre, la facture
peut devenir salée. Free est le premier à avoir jeté un pavé
dans la mare en janvier 2006, en publiant une grille de
tarification spécifique (hors forfait) pour les appels de ses
clients Freebox vers les box des opérateurs alternatifs. En
parallèle, le FAI du groupe Iliad a envoyé le 6 février dernier
une demande d'arbitrage à l'Arcep contre Neuf Cegetel, accusé
de "pratiquer un niveau de terminaison d'appel trop élevé".
Une démarche imitée par France Télécom trois jours plus tard. L'opérateur
historique souhaite que les tarifs de terminaison d'appel soient
symétriques entre tous les opérateurs. L'Autorité devant trancher
ces litiges dans un délai maximal de quatre mois. Sa décision
devrait intervenir au plus tard le 9 juin prochain.
Grille
des tarifs de la terminaison d'appel par opérateur
(HT en centimes d'euro) |
Opérateur
émetteur et de transit
|
Coût
par appel |
Coût
par minute |
France
Télécom
|
0,114
|
0,305
|
Opérateur
destinataire
|
Coût
par appel |
Coût
par minute
|
Cegetel
|
0,39 |
1,793
|
Free
|
0,0
|
1,097
|
Neuf
Telecom
|
0,39 |
1,765
|
Numericable
|
0,0 |
1,252
|
Tele2
|
0,0
|
1,049
|
Telecom
Italia
|
0,0 |
1,356
|
T-Online
|
0,0
|
1,250
|
UPC-Noos
|
0,0 |
1,252
|
Méthode
de calcul :
Retrancher le coût
de TA de France Télécom (0,114 par appel
et 0,305 centime d'euro) aux tarifs de transit Intra
ZT en heures normales publiés dans l'annexe Transit
interopérateurs de l'offre
de référence d'interconnexion de France
Télécom.
NB : Free paie 0,205 centime d'euros par minute
à France Télécom et non 0,305 centime
d'euros.
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Source
: France Télécom, mai 2006 |
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