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Gilles Bressand
Président
Snep

Gilles Bressand

"Personne n'est à l'abri des poursuites, surtout pas ceux qui alimentent le P2P"
Bilan des procédures lancées, dispositions contre le piratage, point de vue sur le P2P... Autant de thèmes abordés par le président du Snep.
(07/10/2004)
 
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Article Lutte anti-piratage: 50 procédures judiciaires engagées en France
Dossier Musique en ligne
Cette opération d'envergure européenne de lutte contre le piratage lancée aujourd'hui consiste en quoi exactement ? Et en France, qu'en est-il ?
Gilles Bressand : La piraterie musicale sur Internet est bien entendu un problème mondial. La cohérence et l'union des pays européens à ce sujet sont donc primordiales. Cette action consiste en trois volets : informer les internautes des risques qu'ils prennent à télécharger illicitement, à lancer des actions judiciaires et à communiquer sur l'offre légale en ligne existante.

Pourquoi attaquer les internautes maintenant, alors que des offres légales démarrent tout juste, ne serait-il pas plus malin de chercher à séduire les consommateurs ?
Cela fait plusieurs années que nous alarmons tant les pouvoirs publics que les fournisseurs d'accès ainsi que les consommateurs sur les dangers de la piraterie pour eux même et pour l'industrie musicale. Aujourd'hui, 80 % des gens savent que le peer to peer de fichiers musicaux est illégal.

Lors de la signature de la charte, vous avez annoncé que des mails avertiraient les internautes en cas de téléchargement illégal. Vous n'avez pas communiqué sur les interventions de policiers et gendarmes. N'est-ce pas hypocrite à l'égard des utilisateurs ?
Nous avons une campagne très claire en mai dernier, sans équivoque à ce sujet.

Justement, ne craignez-vous pas de perdre des consommateurs en multipliant les actes agressifs, comme votre campagne "faisant un doigt" au pirate, ou en soutenant des procédures répressives comme l'arrestation de ce professeur Alexis qui n'avait pas le profil type du méchant pirate ?
Le doigt, c'est le pirate qui nous le fait. Quant à Alexis, il a craqué 600 albums ! Soit une discothèque dont beaucoup d'entre nous rêverait.

Sous couvert de lutte contre le piratage, l'industrie du disque n'essaie-t-elle pas de faire payer les consommateurs plusieurs fois pour le même contenu (une fois pour l'achat d'un album sous forme de CD protégé, une autre pour l'achat du même album sur une plate-forme de téléchargement légale pour pouvoir transférer l'album sur un lecteur de mp3) ?
Non, soyons sérieux, les producteurs s'adaptent à la demande : les consommateurs veulent de la musique en ligne et la copier, dont acte.

Pourquoi êtes-vous hostile à une taxe globale des internautes ?
Cette taxe ou licence légale ressemble à une expropriation des droits d'auteur. Ensuite, elle n'est pas réaliste économiquement. Enfin, elle est contraire aux traités internationaux signés par la France sur la propriété intellectuelle.

La licence légale, une expropriation des droits d'auteur."
Que proposez-vous comme alternative sérieuse au P2P ? Parce que la répression ne réglera sûrement pas le problème...
La répression n'est qu'un des volets de la lutte contre la piraterie musicale sur Internet. L'information, la pédagogie et les centaines de milliers de titres disponibles sur les plate-formes légales sont autant d'alternatives au peer to peer.

Pourquoi ne pas s'attaquer à ces sites qui permettent ces téléchargements ?
Ce ne sont pas des sites qui permettent le téléchargement illégal, mais des protocoles donc des technologies impossibles à ce jour à poursuivre en tant que telles.

Pourquoi poursuivre les "uploaders" et non les "downloaders" ? La notion de copie privée couvrirait-elle alors les "downloads" ?
En matière de peer to peer, tout le monde est downloader en même temps que uploader du fait des protocoles existants. Personne n'est à l'abri même si les uploaders sont évidemment plus provocateurs.

Le filtrage des réseaux P2P est possible techniquement. Avez vous des discussions avec les FAI pour le rendre obligatoire ?
C'est un des grands enjeux de la charte signée en juillet avec les FAI : rendre possible le filtrage dans le respect de la liberté individuelle.

L'Espagne vient de légaliser les échanges P2P à usage privé, pourquoi ne pas suivre cet exemple ?
La loi espagnole ne dit pas que le peer to peer est légal. La loi espagnole considère que le but économique doit être évalué pour savoir si un téléchargement est illicite ou non. Or, quand vous téléchargez un titre vous ne l'achetez pas. Rien ne dit donc que la loi espagnole ne considère pas que cette économie réalisée est légale.

Les conditions d'utilisation des fichiers musicaux achetés en ligne sont très contraignantes. Ça n'incite sans doute pas les internautes à télécharger davantage sur des plate-formes légales. Ne peut-on rien faire pour simplifier ces conditions du type nombre de transferts autorisés sur les baladeurs ?
Vous avez raison, tout ce qui va dans le sens de l'interopérabilité est fondamental. Nous nous battons pour cela auprès industriels.

La Fnac a soutenu lors du lancement de sa plate-forme de téléchargement musical que les maisons de production étaient encore réticentes à rendre interopérables les formats de fichiers compatibles avec le plus grand nombre de baladeurs numériques. Qu'en est-il réellement ?
C'est plutôt les baladeurs qui ne sont pas interopérables avec les fichiers musicaux légaux.

Face à la croissance des téléchargements pirates, ne pensez-vous pas que le modèle économique de l'industrie du disque est à revoir complètement ?
On y est ! A 1 euro le titre, le modèle économique est plus que revu.

La piraterie musicale est enfin un sujet
de société."
L'utilisation de DRM sur les plate-formes légales n'est-il pas contraire à la notion de copie privée ? Pourquoi me limite-t-on l'usage de la musique que j'achète en ligne alors que je peux utiliser un CD comme je le veux ?
Un peu de droit : la copie privée est une exception qui permet d'opérer quelques copies dans le cadre du cercle de famille. La notion de cercle est aujourd'hui nettement élargie puisque des plate-formes permettent jusqu'à 7 gravures.

Avec le recul, ne regrettez-vous pas votre campagne de publicité à l'encontre des internautes ?
Pour être audible après des années d'indifférence vis-à-vis de nos problématiques, une communication "excessive" nous a semblée nécessaire. Avec le recul, il me semble qu'elle a joué pleinement son rôle, la piraterie musicale est enfin un sujet de société et la prise de conscience est là.

Assez d'hypocrisie ! Tout le monde sait que la chute des ventes de CD est due à la spectaculaire baisse du pouvoir d'achat des gens et non aux P2P comme vous le prétendez. Aussi, votre volonté n'est-elle pas de vouloir supprimer les P2P libres pour gagner plus d'argent en autorisant et en contrôlant des payants ?
Je vous laisse la pertinence de votre analyse économique. Néanmoins, comment expliquer l'explosion des abonnements au haut débit au regard de votre sentiment sur la baisse du pouvoir d'achat ?

Le progrès ne peut pas être enrayé. Le partage des données numériques est une base fondamentale du succès d'Internet. Donc à moins de stopper Internet...
Le progrès ne sera pas enrayé, mais le présent détermine l'avenir. Depuis Beaumarchais, la notion de droit d'auteur a toujours cohabité avec les évolutions technologiques. Pourquoi en serait-il autrement sur Internet ?

La charte prévoit des avertissements avant les sanctions, les personnes poursuivies ont-elles bénéficié d'un avertissement ?
Non, car la loi ne le permettait pas. En revanche cela sera possible dans les semaines à venir.

Avez-vous déjà déposé des demandes auprès de la Cnil pour la constitution de fichiers d'infractions privées ?
C'est en cours.

Quelle est la différence entre télécharger un titre en P2P et le copier à partir d'un CD d'un ami ?
Avec les idées larges, l'ami fait parti du cercle de famille, c'est donc de la copie privée. Le P2P c'est la mise à disposition au public, donc de la contrefaçon.

Le P2P, c'est le Top 50 à 80 %."
Quelle est la solution disponible pour se procurer des œuvres musicales qui ne sont plus éditées/commercialisées. Le P2P n'est-il pas une alternative permettant aux amateurs de musique d'entretenir une passion ?
C'est un aspect marginal avec lequel toutes les maisons de disque seraient d'accord. Mais le P2P, c'est le top 50 à 80 %. En tout état de cause, la numérisation de tous les catalogues y compris ceux qui ne sont plus commercialisés aujourd'hui sera faite.

Comment expliquer que ces procédures sont initiées par les éditeurs de musique et non par les artistes eux-mêmes, qui sont en définitive les victimes de ce phénomène ?
Nous agissons juridiquement également pour leur compte.

Dire que c'est le peer-to-peer qui nuit à l'industrie du disque, n'est-ce pas un prétexte pour dissimuler l'augmentation des marges par les majors ?
Avec un marché de moins 30 % en deux ans, je vous garantis qu'elles baissent.

Enfin ! 700 procès en Europe et 50 en France sur au moins 10 millions de téléchargeurs, ce n'est pas avec ça que vous allez faire peur aux gens. Et lancer des procès systématiques, c'est se mettre à dos le public, non ?
Un parallèle avec la sécurité routière : 200 radars ont suffi à responsabiliser les Français.

Comment réunissez-vous les éléments de preuve contre ces internautes ?
Seul le bureau anti-piraterie serait habilité à vous répondre. Il est néanmoins certain que ces recherches sont parfaitement anonymes. Seul le juge aura accès au nom des internautes.

Quelle est la réalité du manque à gagner du P2P par rapport aux pirates organisés (usines de copie en Asie, etc.) ?
Une étude de l'école des Mines parle de 450 millions d'euros en France. Dans le monde, un CD vendu sur trois est pirate.

Pensez-vous que le prix unitaire d'un titre en téléchargement baissera ?
Le marché le dira...

En France, le manque à gagner du P2P serait de 450 millions d'euros."
Ne craignez-vous pas que les internautes utilisent des services d'échange cryptés pour continuer à partager leurs fichiers ?
C'est l'histoire du gendarme et du voleur.

Parmi les millions de pirates, comment ''sélectionnez-vous'' le futur condamné ?
C'est le fruit des recherches effectuées par le bureau de la lutte anti-piraterie, par des agents assermentés.

Si je télécharge des séries TV américaines qui ne sont pas encore parues en Europe, suis-je dans l'illégalité ?
Sans aucun doute.

Que pensez-vous de l'offre légale en France ? Assez mature ?
400.000 titres disponibles, c'est pas mal (l'équivalent d'une Fnac de province). 600.000 titres à la fin de l'année est une prévision raisonnable.

Combien d'artistes se disent vraiment victimes du P2P ?
Tous ceux que vous n'entendrez pas, c'est-à-dire tous les jeunes qui ne trouvent pas de maison de disque du fait de la crise.

C'est quoi votre salaire ?
Comme président du Snep, bénévole.

Que faites-vous dans la vie à part Président du SNEP ?
Je dirige la maison de disque indépendante XIII Bis Records.

Qui a véritablement décidé de la campagne du "doigt levé" ? On parle d'une décision imposée par Pascal Nègre...
Bien sûr que non, les décisions au Snep sont collégiales.

Qui sont les artistes que vous produisez ?
Benjamin Sportes, Discover, Gladiators, Lloyd cole, Marc Almond, Ray Charles...

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Article Lutte anti-piratage: 50 procédures judiciaires engagées en France
Dossier Musique en ligne
Ne craignez-vous pas, en retour, à un boycott pur et dur du commerce du disque ?
Je crois surtout à la force de la musique, du plaisir immense que j'éprouve toujours à découvrir des enregistrements nouveaux. C'est cette passion collective qui assurera avant tout la pérennité de notre métier.

Gilles Bressand : Merci pour vos questions plutôt pertinentes et bonne soirée.
 
 
Propos recueillis par Rédaction JDN

PARCOURS
 
 
Titulaire d'un Doctorat de Droit privé et d'une spécialisation en Droit de l'informatique et des nouvelles technologies, Gilles Bressand rejoint en 1991 le groupe XIII Bis (groupe français multi/hyper médias).

C'est en 1992 qu'il prend ses fonctions de Président Directeur Général au sein de XIII Bis Records (société d'édition phonographique indépendante), fonctions qu'il occupe à ce jour.

Parallèlement à son activité de producteur, il est également Président du SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique) et vice-président de la SCPP (Société civile des Producteurs de Phonogrammes).

   
 
 
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