Enquête JDNet

Panorama de l'accès Internet
2. L'Europe
Mercredi 21 mars 2001

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A l'image de l'accès Internet aux Etats-Unis, le paysage européen des FAI est depuis plusieurs mois en pleine concentration. Cette mutation, encore inachevée, puise dans une myriade d'acteurs européens toujours positionnés sur ce secteur (environ 5.000 fournisseurs d'accès en intégrant les web-agencies selon MMXI Europe).

Voir le classement
des 5 premiers FAI européens

Bénéficiant d'une érosion des valorisations, qui a rendu davantage préhensibles les acteurs intermédiaires, cette concentration est massivement orchestrée par la tête de peloton des FAI européens. Tout au long de l'année 2000, et du plongeon des valorisations, cette phase de concentration s'est même caractérisée par le syndrome de la "poupée russe", le prédateur d'un jour devenant la proie future. Ainsi, en janvier 2000, LibertySurf acquiert-il le FAI britannique gratuit X-Stream puis, en octobre 2000, le français Freesbee. Avant de se faire racheter à son tour, en janvier dernier, par l'italien Tiscali pour une valorisation de 645 millions d'euros... Le néerlandais World Online subira un sort identique : après avoir notamment absorbé l'opérateur suédois Telitel en mars 2000, le FAI nordique sera également repris, en septembre dernier, par Tiscali pour une valorisation de 5,3 milliards d'euros.

Le classement des leaders européens de l'accès Internet se partage aujourd'hui en deux camps. D'une part, les "pure players", représentés par Tiscali et AOL Europe, qui ne sont pas des émanations d'opérateurs historiques. Mais le lien d'apparenté entre Tiscali et AOL Europe s'arrête là, leur stratégie respective étant pour le moins distincte. Tiscali, jeune challenger purement européen qui a réalisé au 31 décembre 2000 un chiffre d'affaires de 173,7 millions d'euros, opère une croissance externe agressive en s'appuyant sur une capitalisation boursière d'environ 5 milliards d'euros. Peu présent dans le contenu au plan européen, le FAI italien est encore ancré dans une approche télécoms en bénéficiant d'une infrastructure technique propre au niveau paneuropéen (30.000 km de fibre optique prévus fin 2001). En France, Tiscali détient ainsi A Telecom et Nets, le premier étant un opérateur télécoms et le second un fournisseur d'infrastructures en large bande.

A l'inverse, AOL Europe s'avère être de plus en plus une tête de pont pour le FAI historique américain. La sortie imminente de Vivendi-Universal du capital d'AOL France renforce d'ailleurs un peu plus ce constat. Associé à Time Warner, le nouvel AOL n'aborde pas le marché de l'accès Internet sous l'angle des télécoms (Cegetel soustraite par exemple l'accès pour AOL France) et opte pour une approche "communication globale". Une stratégie proche des opérateurs satellitaires, le canal FAI étant amené à devenir une plate-forme où shopping, télévision, cinéma, musique se marieront certainement intimement.

Prix moyen des communications Internet à la minute en Europe (en centimes d'euros)
Sources :
Arcome - ART (juillet 2000)
.  Tarif maxi
.  Tarif mini

En face de ces deux "pure players" se trouvent les filiales Internet issues des opérateurs téléphoniques historiques. Curieusement, ces nouvelles entités n'ont pas brouillé le classement traditionnel au sein des opérateurs télécoms. T-Online (CA au 31 décembre 2000 de 797,2 millions d'euros), Wanadoo (1.111 millions d'euros) et Tin.it respectent ainsi scrupuleusement l'ordre établi en terme d'envergure chez les opérateurs téléphoniques européens : Deutsche Telekom (CA 99 : 37,8 milliards de dollars), France Télécom (29 milliards de dollars) et Telecom Italia (27,9 milliards de dollars). La surface financière "naturelle" des opérateurs apparaît donc comme un élément décisif sur le marché de l'accès Internet. Un marché, il est vrai, où les réserves en cash sont primordiales.

Un seul opérateur historique européen, l'espagnol Telefonica (CA 99 : 24,4 milliards de dollars), se retrouve en retrait sur l'accès Internet européen (environ 1,5 million d'abonnés). Sa filiale Internet, Terra Networks, a en effet opté pour un double axe de développement. D'une part l'accès Internet, mais en privilégiant l'Amérique du Sud et la péninsule ibérique sur l'Europe, et d'autre part l'approche "portail", en construisant avec Lycos un conglomérat de services et de contenus.

De façon globale, on observera également l'influence des marchés Internet nationaux respectifs sur ce classement. T-Online s'appuie ainsi en Allemagne sur un marché national d'environ 20 millions d'internautes, Tiscali et Tin.it bénéficiant eux de 13,5 millions d'internautes italiens (source Nielsen/Netratings). Wanadoo, qui sur le marché français ne peut s'appuyer "que" sur 6,8 millions d'internautes, a réussi à étendre son périmètre naturel en absorbant en décembre 2000, pour une valorisation de 2,7 milliards d'euros, FreeServe, le FAI N°1 au Royaume-Uni (environ 20 millions d'internautes).

[Philippe Guerrier - Ludovic Desautez, JDNet]

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