Florent Martenne-Duplan
est le président du fonds d'amorçage Talento,
une structure qui dispose de 50 millions de francs pour
ses opérations d'investissements. Depuis sa création,
ce fonds a financé huit projets comme par exemple
Picbull , Kerinside ou Idylic. Il livre sa vision de
l'amorçage et de ses nouvelles contraintes liées
au climat financier actuel.
JDNet.
Quelle
est votre définition de l'amorçage ?
Florent Martenne-Duplan.
En théorie c'est une phase de financement qui
permet à l'entreprise de se créer, de
développer sa technologie, et qui doit s'arrêter
rapidement par un passage de relais à des capitaux-risqueurs.
En pratique, depuis le début de l'année,
on assiste à un changement de définition.
Pour des raisons conjoncturelles, les entreprises ont
en effet du mal à se refinancer, notamment quand
elles ne sont pas à l'équilibre. Désormais,
l'amorçage est donc une opération dans
la durée. Le cycle d'amorçage est un peu
plus long et plus coûteux car il faut souvent
fournir des financements qui permettront à l'entreprise
d'arriver jusqu'à l'équilibre pour séduire
ensuite des capitaux-risqueurs. L'autre élément,
lui aussi d'ordre conjoncturel, est la difficulté
pour les fonds de capital-risque, qui ont levé
des sommes records l'an dernier, de financer des opérations
de moins de 10 millions de francs. Il y a donc un trou
à ce niveau de financement et c'est souvent aux
fonds d'amorçage de le combler.
Quel
sont les critères retenus lors de la phase d'amorçage
?
C'est une entreprise qui a besoin d'argent pour arriver
à l'équilibre et qui a prouvé que
son marché existait. En règle générale,
nous ne définissons pas l'amorçage par
rapport à un montant. La fourchette peut en effet
être large selon les besoins de l'entreprise.
En revanche, nous trouvons désormais risqué
de ne pas financer une entreprise jusqu'à ce
qu'elle atteigne l'équilibre. Le schéma
qui consiste à dire "on va financer le développement
de la technologie et après on fera un tour de
table auprès de capitaux-risqueurs pour commercialiser",
est une erreur actuellement. Il faut prendre en compte
tous les besoins dès le début.
Que
doit amener un spécialiste de l'amorçage
à une entreprise ?
Nous ne fournissons pas de locaux, ni de matériel.
Nous ne sommes pas là pour faire les choses à
la place de l'entrepreneur. Il doit uniquement y avoir
un échange de réflexions et une mise en
relation avec nos contacts industriels. Un entrepreneur
veut très souvent se réaliser à
travers son projet et il faut donc le laisser faire.
Notre rôle est surtout de le conseiller sur la
manière d'attaquer un marché au niveau
marketing ou commercial, ou sur des améliorations
potentielles de son produit.
Comment
calculez-vous une valorisation sur une société
à peine créée ?
En théorie, la valeur est de zéro à
la création puisque le chiffre d'affaires est
nul. En pratique, il existe quelques outils pour calculer
une valorisation par rapport aux prévisions des
années à venir. Dans ce schéma,
nous utilisons beaucoup des outils comme les BCE pour
ne pas léser l'entrepreneur sur la valorisation.
Cela montre au porteur de projet que, même si
nous ne sommes pas d'accord sur la valeur actuelle,
nous sommes prêts à revaloriser s'il s'avère
que l'entreprise vaut plus cher dans l'avenir. Enfin,
nous estimons également que les rênes de
l'entreprises doivent être conservées par
l'entrepreneur. Les Bons de souscriptions en actions
(BSA) sont utiles à ce titre, car ils permettent
de dire à l'entrepreneur : "Si vous réussissez,
vous ne serez pas dilué et garderez le contrôle
de votre entreprise".
|