Henry Harris-Burland (Starship Technologies) "Nos robots de livraison abaisseront à 1 euro le coût du dernier kilomètre"

Contrairement aux drones, les robots roulants de Starship Technologies sont déjà une réalité. Le directeur marketing de la start-up confie ses ambitions.

JDN. Quel est l'objectif de Starship Technologies ?

Henry Harris-Burland, directeur marketing de Starship Technologies © S. de P. Starship Technologies

Henry Harris-Burland. Nous voulons rendre la livraison du dernier kilomètre plus efficace et abaisser son coût unitaire à 1 euro en restant rentable. Nos fondateurs Ahti Heinla et Janus Friis, qui avaient cofondé Skype, voulaient retravailler ensemble. A l'époque, Ahti construisait pendant son temps libre une réplique du robot martien de la Nasa. Ils ont réalisé que le dernier kilomètre n'avait pas encore été disrupté par la technologie. Ils ont donc commencé à mettre au point une solution qui accroîtrait l'efficacité des systèmes actuels, serait plus pratique pour le client final et réduirait les coûts.

Nous opérons aujourd'hui 70 robots de livraison. Ils roulent sur les trottoirs et les passages piétons, mais pas sur la chaussée. Ils font du 6 kilomètres/heure, portent jusqu'à 10 kilos de marchandise et leur utilisation est optimale sur un rayon de 3 kilomètres, pour livrer en moins de 30 minutes. Lorsqu'ils arrivent, vous tapez un code pour ouvrir le coffre et récupérer votre commande.

Comment parviendrez-vous à rendre ce service aussi peu coûteux ?

En maximisant son efficacité. D'abord, les robots sont relativement peu onéreux à fabriquer. Dans quelque temps, ils ne seront pas plus chers qu'un smartphone. Par ailleurs, contrairement aux voitures autonomes, qu'on ne verra pas sur les routes tant qu'elles ne seront pas autonomes à 100%, nos robots ne le sont qu'à 99% : un humain peut prendre le contrôle à distance lorsque la situation l'exige. A terme, nous aurons des centres de contrôle où des opérateurs géreront 100 robots chacun. Ce fonctionnement permet donc d'économiser sur la main d'œuvre et sur les véhicules.

En outre, il s'agit de livraison entièrement à la demande, à n'importe quel moment du jour ou de la nuit. On élimine donc les cas extrêmement fréquents où la livraison échoue parce que l'acheteur n'est pas chez lui. Aujourd'hui par exemple, je suis obligé de travailler à la maison parce que j'attends plusieurs colis. Tandis qu'avec nos robots, vous pouvez leur dire "passez avant que je ne quitte la maison à 8 heures" et c'est réglé. S'exempter d'une deuxième présentation, ce sont aussi des coûts en moins.

A quel stade de développement en êtes-vous ?

Starship Technologies a un peu plus de deux ans et demi et nous avons lancé nos robots en novembre 2015. Pour notre première année de tests, nous avons monté des partenariats dans les trois secteurs que nous ciblons : la livraison de colis, de courses du quotidien et de restauration à emporter. Au Royaume-Uni nous travaillons avec Just Eat, en Allemagne avec l'enseigne de produits techniques Media Markt et le transporteur Hermes, en Suisse avec Swiss Post, et nous annoncerons bientôt un partenaire aux Etats-Unis. Ces acteurs testent nos robots dans leur environnement, pèsent le pour et le contre, évaluent les bénéfices pour leur business et pour leurs clients. Par exemple, les six robots qu'utilise Just Eat pour livrer les repas de restaurants à Greenwich s'acquittent de leur tâche en 26 minutes en moyenne.

"Les millions de piétons que nos robots ont croisés les ont complètement ignorés"

En un an, nos robots ont parcouru 23 500 kilomètres dans 59 villes de 16 pays et ont croisé 2,8 millions de gens. Donc on ne parle pas d'une techno qu'on n'emploiera pas avant plusieurs années : ils sont déjà là.

Qu'avez-vous appris pendant cette première année de tests ?

Le plus surprenant, c'est que sur les millions de piétons que nos robots ont croisés, 75 à 80% les ont complètement ignorés. On s'attendait à ce que les gens essaient de les arrêter, les prennent en photo, jouent avec eux, voire les vandalisent. En réalité, au mieux ils les regardaient, puis reprenaient leur chemin sans s'en soucier. C'est une très bonne chose, car les robots doivent se fondre complètement dans la ville et dans la vie des gens.

Plus largement, sur la totalité des trajets parcourus, ils n'ont rencontré absolument aucun accident. Il faut dire qu'avec leurs neuf caméras et les capteurs à ultrason qui leur donnent une vision à 360°, ils prennent énormément de mesures pour alimenter leur système de navigation et éviter les obstacles. Et ils s'arrêtent en 30 centimètres seulement.

Quelle est votre feuille de route désormais ? Vu la demande, envisagez-vous de ne plus opérer le service et de vous contenter de vendre vos robots ?

La demande est effectivement gigantesque. Plus de cent entreprises nous ont appelés pour monter un pilote. Cela montre d'ailleurs l'ampleur du problème à régler. Pour l'instant, nous nous focalisons sur quelques entreprises seulement, une par industrie et par pays. Cela étant, nous ne voulons pas nous borner à vendre nos robots. Bien sûr, si on propose de nous en acheter 1 000, nous réfléchirons. Mais nous sommes un service de livraison, un service de "taxi pour colis". Nous pilotons les robots et assurons la maintenance, l'assistance et les mises à jour. C'est aussi ce qui va permettre de mutualiser la flotte entre plusieurs partenaires. On ne se fait pas livrer de pizza à 8 heures du matin : autant utiliser les robots à autre chose à ce moment-là. Nous allons donc lancer un test de flotte partagée par plusieurs partenaires.

"Le lancement commercial interviendra peut-être dans un an"

La phase d'après sera le lancement commercial du service. Il interviendra seulement quand nous aurons réalisé suffisamment de tests avec nos partenaires. Ce sera peut-être dans un an et, pour commencer, dans certains endroits bien délimités. A long terme, notre objectif est d'opérer des dizaines de milliers de robots. En permettant aux consommateurs de ne pas se déplacer pour faire leurs courses et de ne pas attendre le livreur, nous pensons être capables de faire gagner une heure par famille et par jour.

© Starship Technologies

A 90 salariés, vous ne pourrez sans doute pas tout faire. Ne craignez-vous pas que de nombreux concurrents émergent et ne s'emparent du marché ?

La concurrence est une bonne chose. Dans le monde, six ou sept entreprises travaillent sur des robots de livraison. Mais nous sommes les seuls à avoir autant fait rouler les nôtres. Or c'est seulement une fois dans la rue qu'on apprend réellement. Car en réalité, nous ne sommes qu'à 20% une société de hardware, c'est le software qui fait 80% de notre activité et de notre valeur. Nous avons donc au moins 18 mois d'avance sur tous les autres, et c'est beaucoup.

Avez-vous des projets en France ?

Nous adorerions travailler avec des entreprises françaises aussi, mais nous sommes déjà bien occupés. Néanmoins, nous comptons venir à quelques événements en France cette année pour évaluer le marché.

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