Interview
 
15/05/2007

“Internet permet une approche promotionnelle individualisée et à 360 degrés”

Où en sont les marques de grande consommation en matière de communication en ligne ? Pour la première partie de notre série consacrée au secteur, le directeur général de la division Internet et CRM de Danone explique la nature de l'engagement du groupe sur le Web, en France.
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Jean-Paul Baradel
 
 
  • Directeur général
    Danone Internet et CRM
 

Quelle est la politique stratégique de Danone dans les médias digitaux ?

Au niveau global, la stratégie Internet du groupe est en pleine évolution. L'ensemble des business units dans chaque pays commence à adopter des stratégies de marque ou des approches groupées. Internet a fait bouger les équipes marketing, même si toutes au sein du groupe n'ont pas le même niveau de maturité dans ce domaine. Le Web est un nouvel outil de relation avec le consommateur, qui nous amène à deux réflexions : quelle interaction voulons nous pour demain avec le consommateur final ? Quel est le meilleur outil pour y parvenir ? Les réponses que nous apporterons vont faire évoluer le mix média, dans lequel Internet va progressivement occuper une place grandissante. Mais pas seulement Internet, le téléphone portable aussi. Il s'agit d'un terrain d'expression plus riche et plus évolué. Cette place grandissante ne signifie pas que nous abandonnons la télévision, qui est un média que nous maîtrisons et dans lequel nous allons continuer à investir.

 

La France est-elle à l'avant-garde dans la stratégie Internet du groupe Danone ?

Sur le marché français, les choses sont beaucoup plus avancées car nous sommes présents sur Internet depuis sept ans, et notre expérience en ligne est totalement reliée au programme relationnel développé en France depuis 14 ans. Certaines marques sont présentes sur le Web depuis plusieurs années déjà. Nous avons donc acquis un certain niveau de maturité, et il existe déjà beaucoup d'échanges avec les consommateurs.

 

Comment envisagez-vous la complémentarité des médias online et offline ?

Internet permet, en complément de messages traditionnels, de pouvoir rebondir et d'aller plus loin dans les discours que l'on veut faire porter par nos marques. Ce média permet, par exemple, d'expliquer des produits à bénéfice santé. Il est en effet plus facile d'expliquer le bénéfice santé de Danacol, en utilisant des justifications scientifiques, sur un site Web que dans un spot de 30 secondes en TV. Sur un site, on va pouvoir par exemple monter un dossier sur le cholestérol. D'autant que les problèmes de cholestérol ne concernent pas tout le monde : le push n'est pas pertinent dans ce cas. Une des forces d'Internet, c'est que ce média permet de segmenter notre capacité d'explication et de réponse. Au final, ceci aboutit à un marketing beaucoup plus proche de nos clients.

 

Pourquoi votre communication en ligne passe-t-elle plus par des mini sites produits ou des sites de marques que par de la publicité "display" ?

Il y a deux logiques possibles : la logique publicitaire, et la logique relationnelle. Les deux peuvent être mixées, mais sans obligation. Je pense que dans tous les cas il faut renvoyer vers du fonds, vers quelque chose de plus puissant, que ce soit de l'information ou du contenu purement transactionnel. Alors que certaines marques en sont à se demander comment exister sur Internet, d'autres réfléchissent à la meilleure façon d'interagir et de fidéliser le consommateur. C'est cela qui me paraît être le cœur du sujet. Derrière la publicité, pour nous se pose toujours la problématique de l'entrée en relation avec le consommateur. D'où la logique adoptée par Danoneetvous.com : donner une existence propre à chacune des marques sous une bannière commune, porteuse des valeurs de cette marque et de l'ensemble des valeurs du groupe, fortement axées autour de la santé. La fréquentation des unes est additionnée à celle des autres, ce qui est bénéfique pour toutes les marques.

 

Cette possibilité de convoyer du contenu, de l'information, est-ce pour vous le principal bénéfice du média Internet ?

"Sur ce média, nous cherchons à toucher l'ensemble des dimensions du consommateur"

Nous apportons déjà de l'information avec notre consumer magazine Danoe, devenu Danone et Vous. L'échelle est déjà très importante, le magazine étant envoyé à un peu moins de 4 millions de foyers, à raison de trois mailings par an. C'est une logique de gros volumes et de fréquence faible. Sur Internet, c'est une logique complémentaire. La différence est là : la fréquence de mise à jour des contenus est élevée, et les volumes pour l'instant plus faibles, même si Danoneetvous.com rassemble environ 3,5 millions de visiteurs uniques par an. Cette logique est complémentaire au travail des marques, dont le but est de s'inscrire dans le quotidien des consommateurs. On ne peut pas apporter cette quotidienneté avec un programme print. Autre valeur ajoutée de l'Internet : l'approche promotionnelle individualisée et à 360 degrés. Sur ce média, nous cherchons à toucher l'ensemble des dimensions du consommateur : économique, sociale, sociétale, etc.

 

Quels budgets investissez-vous dans la poursuite de ces logiques relationnelles ?

Les investissements se décident en effectuant des arbitrages par rapport à ce que nous réalisions auparavant. La part du Web dans le budget de communication progresse, mais elle reste encore insuffisante. Les investissements e-pub représentent 40 à 60 % du budget alloué à l'Internet en France. Ce budget média varie fortement d'une marque à l'autre et d'un pays à l'autre. Par exemple, pour Onvotetouspourdanette.com, il y a eu une médiatisation significative. Sur Danoneetvous.com, la croissance du budget s'élève à 30 - 40 % sur 2007 par rapport à 2006.

 

De quelle façon mesurez-vous l'impact de votre communication en ligne, et donc de ces investissements ?

"Sur Danoneetvous, la croissance du budget s'élève à 30 % en 2007"

On mesure beaucoup de choses sur Internet, mais ce qui nous intéresse c'est d'essayer d'évaluer le business additionnel généré par medium. Nous essayons de le mesurer le mieux possible, mais sommes encore un peu démunis. Hormis les sites transactionnels, il est difficile de mesurer cet impact. Nous arrivons à bien analyser les retombées en termes de chiffre d'affaires sur le print, mais sur le Web cela reste relativement flou pour plusieurs raisons. Techniquement, nous n'avons pas assez de consommateurs communs avec notre panel de référence pour déterminer avec précision la valeur ajoutée liée à la fréquentation du site. Il s'agit de TNS World Panel, avec lequel nous travaillons déjà sur le print. Alors nous comparons les évolutions des dépenses des consommateurs inscrits à la newsletter avec celles des consommateurs qui n'y sont pas inscrits mais qui leur ressemblent. C'est un premier élément de mesure et il semble prometteur.

 

Les taux de retour des bons de réduction en ligne représentent-ils une mesure pertinente ?

Nous mesurons cela également. Ils se comptent par centaines de milliers. C'est plus simple car il s'agit d'un aspect transactionnel. Les taux de retour sont en train de monter, bien que la nécessité de les imprimer soit une contrainte pour les internautes. C'est en effet un bon levier. Cela signifie que notre ciblage est pertinent. Nous avons de très bons espoirs quant à la capacité de notre cible d'utiliser les possibilités du Web.

 

Quels sont les résultats de Danoneetvous.com en termes d'audience ? Quelles ont été les principales nouveautés en 2006 ?

"Danoneetvous rassemble 3,5 millions de visiteurs uniques par an"

Danoneetvous.com rassemble 3,5 millions de visiteurs uniques par an. Les très bons mois, il peut approcher le million de visiteurs uniques. Mais nous essayons de lisser le trafic au fil de l'année. Chaque année, le site réalise une croissance à deux chiffres. L'objectif de ce programme est de faire grandir notre base de données, nous ne visons pas uniquement la progression de l'audience. La fidélisation est aussi extrêmement importante pour nous. Le site a fait peau neuve en 2006, et s'est orienté sur de grandes thématiques. Nous avons introduit la vidéo, renforcé la présentation des marques, et développé des partenariats sur les problématiques santé - par exemple avec Doctissimo sur la nutrition -, qui viennent renforcer notre légitimité, nos valeurs et la pertinence de notre prise de parole.

 

Quelles ont été vos principales campagnes publicitaires en ligne, en 2006 ?

Il s'agissait de campagnes de marques : Danette et Mikado, notamment (lire l'article Mikado prend la parole en ligne et en vidéo du 22/05/06). Badoit, pour le lancement de ses nouveaux formats, a également mené une campagne très efficace en matière de recrutement sur les newsletters. C'est une nouveauté, de voir les marques du groupe investiguer ce canal. En général, cela passe par de la bannière, des jeux-concours et des mini-sites. Il s'agit aussi de campagnes de recrutement pour Danoneetvous.

 

Les marques sont-elles autonomes dans la définition de leurs actions sur Internet ? Choisissent-elles librement leurs prestataires ?

Oui, complètement autonomes, sur tous les médias. Elles travaillent avec leurs propres agences, que ce soit sur les aspects conseil, création de site ou publicité, ce qui apporte une grande richesse à la création. En ce qui concerne Danoneetvous, nous travaillons avec Euro RSCG 4D. L'agence média du groupe Danone est Havas Media.

 

Quels sont vos grands projets cette année ?

 
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Notre objectif est de mettre l'accent sur Internet. Le groupe se pose la question de savoir comment mieux exploiter ce canal. La campagne Les2vaches est un bon indicateur de ce vers quoi nous nous dirigeons. En tout état de cause, 2007 sera sans doute une année de mûrissement. Vous verrez plus de choses en 2008.

 

A quelle échelle testez-vous le média mobile ?

Nos tentatives sont très modestes, et je pense, peu concluantes, pour des raisons de temps et d'investissement. Nous avons notamment réalisé un test sur Taillefineetmoi il y a deux ans. Mais nous ne nous sommes pas vraiment donné les moyens. Le mobile reste cependant un terrain d'investigation riche en termes de potentiel. Pour nous, c'est une vraie source de développement pour demain. Nous allons procéder par étapes, et à ce titre Internet constitue l'étape préalable. Notre objectif est de rester pertinent et pragmatique. En dehors de la France, Danone prend pas mal d'initiatives en Espagne, en la matière.

 

De quel œil voyez-vous l'arrivée des acteurs de la grande consommation sur Internet ?

L'accès aux mass médias est de plus en plus délicat. Le coût du GRP a augmenté, car de nouveaux intervenants comme la distribution l'ont fait progresser. On atteint la limite du modèle, en termes de ROI et de référence absolue. Cela dit, c'est plus vrai pour d'autres industries que pour la nôtre : pour la grande consommation, la télévision reste le centre. Pour autant, l'audience n'est plus là où on pensait qu'elle était. A certaines heures, les jeunes ne sont plus devant la télévision, certains même plus jamais. Par ailleurs, des outils apparaissent qui vont permettre de zapper la publicité à la télévision. Certaines industries se sont d'abord accaparées les nouveaux médias, mais aujourd'hui de plus en plus d'entreprises se posent la question du Web.

 
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  • Danoneetvous.com
 

En effet, le marketing de demain veut s'adresser plus directement au consommateur, et veut interagir. Or, le meilleur outil pour créer cette relation, entre les marques et le consommateur comme entre les consommateurs eux-mêmes, n'est pas un média top-down.

 

Mais pourquoi le déclic semble-t-il s'effectuer cette année ?

Les audiences sont devenues significatives, les transferts d'audience nous forcent à être présents. C'est peut-être un côté un peu grégaire, mais pas dans le sens d'une nouvelle bulle. Au contraire, cela rentre dans les habitudes, des consommateurs comme des annonceurs.


Parcours

Jean-Paul Baradel, 44 ans, est depuis décembre 2003 le directeur général de Danone CRM Unit. Il a commencé sa carrière en 1985 dans un établissement de crédit (SOVAC) où il avait en charge des missions d'audit, puis a assuré la responsabilité de projet Carte, la carte privative du Printemps. Il a ensuite rejoint le poste de directeur marketing adjoint de Crédipar, le financement automobile du Groupe PSA.

Il est ensuite passé dans le secteur bancaire, d'abord au service marketing de la Banque Hervet, puis dans le réseau de la BRED Banque Populaire à partir de 1991, où il a été directeur de succursale puis directeur régional. Il a ensuite été nommé responsable de la structure Internet et banque à distance de la BRED, jusqu'en 2000.

Il a alors rejoint le CCF (groupe HSBC) en tant que directeur de la distribution en charge de la banque à distance (Internet et call center), du CRM, de l'organisation au sein de la direction du réseau et de la direction de la qualité.

Jean-Paul Baradel a une formation en droit et il est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.


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