INTERVIEW
 
01/06/2007

"Les ayants droit de l'industrie musicale ne pourront pas poursuivre tous les pirates de France"

Nouveau ministre de tutelle, réouverture du débat sur la "riposte graduée" contre les pirates, préparation d'un nouveau round de discussion sur la VoD, l'actualité est riche pour l'AFA. Son président s'explique sur tous ces chantiers.
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Giuseppe de Martino
 
 
  • Président de l'Association des fournisseurs d'accès
 

JDN. Que pensez-vous de la décision du Conseil d'Etat qui a annulé l'avis de la Cnil ouvrant ainsi la porte à une collecte massive des adresses IP des internautes pirates ?

Giuseppe de Martino. Cette décision confirme ce que l'on savait. A savoir qu'il n'est pas possible de collecter des adresses IP si ce n'est pas pour lancer des procédures judiciaires. Et cela empêche de mettre en place une procédure graduée contre les pirates en commençant par leur envoyer de s mails d'avertissement avant de passer par la voie judiciaire en cas de récidive. Je tiens par ailleurs à préciser que les FAI n'ont aucun rôle dans cette collecte des données, ce sont les éditeurs par le biais de leurs prestataires qui en ont la charge.

 

Le Conseil Constitutionnel restreint la communication de l'identité des abonnés Internet par les FAI en l'autorisant exclusivement sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Certains FAI pourraient-ils être tenté de contrevenir à cette règle ?

Jamais. C'est à la base de notre obligation de neutralité. Aucune donnée personnelle ne sera transmise directement à des acteurs privés. Ce qui ne nous empêche pas d'être prêts à collaborer avec l'industrie musicale. Par exemple, la charte musique prévoyait que les numéros IP des pirates nous soient communiqués par l'industrie pour que nous envoyions nous-mêmes des avertissements. Mais à aucun moment il n'était prévu que nous ne communiquions l'identité de nos abonnés.

 

Pensez-vous qu'il faille s'attendre à une nouvelle loi concernant la lutte anti-piratage ?

Nous espérons pouvoir adopter une position conjointe avec l'industrie de la musique et du cinéma pour proposer un dispositif de riposte graduée. Ce système pourrait prendre la forme d'un mail d'avertissement précédant l'envoi d'une contravention par recommandé en cas de récidive. Mais pour cela, comme je l'expliquais, il faudra effectivement un aménagement législatif.

 

Pensez-vous que l'industrie musicale mettra rapidement en place son système de collecte des adresses IP des pirates ?

Si les ayants droit obtiennent un feu vert de la Cnil pour la mise en place d'un nouveau dispositif de collecte, cela leur préparera le terrain pour le jour où la riposte graduée sera applicable. Certes, entre temps, ils pourront toujours lancer des poursuites, mais les moyens de la police judiciaire sont limités, et ils ne pourront pas poursuivre tout les pirates de France. De toutes manières, je ne crois pas que l'on puisse régler le problème du piratage de cette façon. En revanche, je crois que le dispositif sera plus efficace si les titulaires d'abonnements sont prévenus par un mail les avertissant que quelqu'un à l'intérieur de leurs foyers a téléchargé illégalement de la musique ou des films, et qu'il risque une contravention en cas de récidive. Je pense que ce genre de message sera dissuasif.

 

"VoD : les 
tenants du
statu quo
ont eu le
dernier mot"

Pensez-vous qu'avancer dans la lutte anti-piratage avec l'industrie de la musique vous permettra d'avancer sur le dossier de la VoD, en partie bloqué car l'industrie du cinéma vous demandait de faire plus contre le piratage ?

Peut-être que cela nous permettra d'avoir des discussions plus poussées, mais ce n'est pas le fond du problème. Pour avancer sur ce dossier, il faudra surtout une forte volonté politique. Renaud Donnedieu de Vabres s'était investi pour que l'accord de 2005 puisse voir le jour. En 2006, quand il s'est agi de rediscuter cet accord, jamais le ministre ne s'est mêlé aux discussions. Et finalement, ce sont les tenants du statu quo qui ont eu le dernier mot. Aujourd'hui, 70 % des films sortent en DVD six mois après leur sortie en salle contre 20 % seulement en VoD au bout huit mois et demi. Jamais on ne développera la VoD en France comme ça. Il faut donc rouvrir les discussions et avancer la fenêtre de la VoD.

 

Avez-vous déjà été en contact avec Christine Albanel, nouvelle ministre de la Culture et chargé des NTIC ? Connaissez-vous son avis sur la question ?

Non, pas encore. Pour tout dire, je ne suis pas encore sûr qu'elle soit notre ministre de tutelle. Qui plus est, personne ayant le profil pour s'occuper de ces sujets n'a encore été nommé à son cabinet. Il va falloir attendre la fin des élections législatives, voir si un secrétariat à l'Industrie est mis en place, pour répondre à cette question. Et si c'est le cas, quelles seront ses responsabilités. Pour le moment, Christine Albanel s'est exprimée sur le piratage et la VoD mais seulement devant les industries culturelles.

 

Vous venez d'être nommé au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). A quoi sert ce Conseil ?

Le CSPLA sert aux réflexions du ministère de la Culture sur tout ce qui touche aux questions de propriété intellectuelle. Dans le passé, il s'est notamment prononcé sur les projets de lois de la LCEN et la Dadvsi. C'est le précédent ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres qui a pris la décision d'inclure l'AFA à ce conseil, aux côtés des ayants droit et des consommateurs. Pour nous, il s'agit d'une reconnaissance de la représentativité des fournisseurs d'accès dans l'industrie de la culture.

 

 
En savoir plus
 
 
 

Quelle est votre opinion sur le projet de loi sur la surveillance du Web 2.0 ?

Le ministère de l'industrie nous avait montré le texte il y a quelques mois (lire : Un projet de décret pour surveiller le Web participatif et contributif, du 16/04/07, ndlr). Il n'était ni fait ni à faire, à tel point que nous ne l'avons pas pris au sérieux, car nous ne comprenions pas son utilité. Finalement, nous ne sommes pas montés au créneau, au contraire du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) qui était plus concerné. Mais si le texte passe, il faudra l'attaquer devant le Conseil d'Etat.


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