Journal du Net > Economie  Untitled Document > Les mesures les plus chères des candidats à la présidentielle
Jean-Damien Pô, responsable de Débat2007. Photo © IDEP
"Un service civique obligatoire à 1 milliard d'euros, c'est impossible. Idem pour la suppression des droits de succession à 3 milliards d'euros."

Jean-Damien Pô est le directeur des études de l'Institut de l'entreprise et le responsable de la cellule de chiffrage Débat2007.

Qui compose la cellule de chiffrage ?
Jean-Damien Pô : Nos chiffreurs sont trois hauts fonctionnaires qui ont l'expérience de la mécanique budgétaire. Par souci d'équilibre politique, l'un est proche du Parti socialiste, l'autre de l'UMP et le troisième n'a pas d'étiquette. Mais tous trois désirent rester anonymes. Ils sont encore en poste et travaillent pour nous bénévolement.

Votre travail a-t-il eu l'effet escompté sur la campagne ?
J-D P. : J'ai deux regrets. Premièrement, que la polarisation du débat se soit faite sur des montants agrégés, de 50 ou 60 milliards d'euros, qui n'ont pas de sens. L'exercice doit se faire mesure par mesure, en analysant les conséquences économiques. Ensuite, qu'il n'y ait pas eu de discussion ouverte avec les états-majors de campagne pour soulever les problèmes de chiffrage. Quand le PS propose un service civique obligatoire de six mois à un milliard d'euros, c'est impossible. Cela veut dire soit que le service civique ne durera pas six mois, soit qu’il ne sera pas vraiment obligatoire pour toute une classe d’âge. Pour les 700.000 jeunes potentiellement concernés, je pense que la question mérite d'être posée. Idem dans le camp d'en face avec une suppression des droits de succession estimée à 3 milliards d'euros. Avec cette somme, la suppression ne peut pas concerner 95 % des Français comme promis. La somme de 3 milliards d'euros impose un autre seuil, il aurait été intéressant, à mon sens, de connaître lequel. Il ne s'agit pas d'un débat comptable, mais d'un débat utile à la démocratie.

"Notre travail a fait réagir les partis, qui en donnant leurs propres chiffrages, permettaient de connaître les véritables périmètres des mesures "

Quelles ont été les difficultés de l'exercice ?
J-D P. : Les difficultés sont surtout intervenues au début de la campagne, quand nous avions des propositions potentiellement très coûteuses et que nous devions définir des hypothèses réalistes tout en restant conformes à des ambitions parfois très élevées. Mais cela a permis de faire réagir les partis, qui en donnant leurs propres chiffrages permettaient de connaître les véritables périmètres et parfois les niveaux d'allocations de leurs mesures.

Pourquoi les mesures de Jean-Marie Le Pen, considéré comme le quatrième "grand" candidat, n'ont-elles pas été chiffrées ?
J-D P. : Parce qu'une approche budgétaire n'a de sens que pour un candidat et un programme de gouvernement. On peut penser ce que l'on veut des programmes de François Bayrou, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, mais tous sont basés sur un certain réalisme budgétaire. Jean-Marie Le Pen propose lui des ruptures économiques et politiques telles qu’une approche budgétaire n’a quasiment aucun sens. Quand il propose la suppression progressive de l'impôt sur le revenu, on peut le chiffrer. Mais une telle mesure transforme la société, le rapport à l'impôt des citoyens. Idem avec ses relations à l'Union européenne. L'approche budgétaire suppose de la crédibilité, ce qui n'est pas le cas ici.

Vous avez recensé et chiffré des mesures d'économies de François Bayrou et Nicolas Sarkozy, mais pas de Ségolène Royal. Pourquoi ?
J-D P. : Il vaut mieux le demander à la candidate. Le Parti socialiste avait annoncé vouloir revenir sur les exonérations de charges et taxes du gouvernement Raffarin, mais Ségolène Royal n'a jamais tranché, mis à part sur la suppression du bouclier fiscal, qui ne rapporterait qu'un milliard d'euros. Et je doute très fort qu'elle revienne sur la totalité des allégements de taxes du gouvernement Raffarin.

Dernière question, l'exercice a-t-il fait changer de sensibilité l'un de vos chiffreurs ?
J-D P. : (Rires) Pas du tout ! En revanche cela a prouvé que l'on pouvait faire travailler ensemble des sensibilités opposées.

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