JDNet.
Comment s'est déroulée la fusion entre
Adlink et Doubleclick Media Europe ? Y a-t-il eu
un choc des cultures ?
Stéphane Cordier.
Cela s'est très bien passé dans la mesure
où les deux sociétés était
vraiment très différentes et donc complémentaires.
En réalité, il n'y a pas eu, à
proprement parler, de doublons lors de la fusion. Nos
portefeuilles était différents et nous
n'avions pas la même couverture du marché.
Cependant, nous avons été amenés
à réduire notre équipe en fonction
des projections de revenus. Nous voulons être
profitables en 2002 et nous avons donc dû réévaluer
nos équipes en conséquence. Nous sommes
maintenant 150 en Europe, dans 13 pays. Et sur le premier
trimestre 2002, nous tenons la route sur nos plans.
Eric Bournazac. En France, nous sommes aujourd'hui
une équipe de sept personnes, dont une grosse
partie est constituée de commerciaux.
Désormais,
comment Adlink se positionne-t-il par rapport à
ses concurrents ?
Stéphane Cordier.
Notre fusion nous donne une présence en Europe
encore plus grande. Comme Adlink a migré vers
Dart depuis notre rapprochement avec Doubleclick Media
Europe, nous y avons également gagné en
compétence. Nous sommes désormais un véritable
réseau avec de nombreuses marques stratégiques
en portefeuille. Par exemple, en France, nous avons
rassemblé une offre regroupant des sites financiers,
qui était très forte du côté
"old Adlink", et une autre offre axée
automobile et tourisme, qui était très
forte du côté "old Doubleclick".
Le résultat, ce sont des réseaux dans
chacun des pays qui sont très forts et qui nous
permettent de mieux négocier avec les agences.
Ce qui me rend aussi très confiant dans cette
fusion, c'est la hausse des contrats annuels européens
que nous signons avec les annonceurs comme Microsoft
ou Ford. Depuis la fusion, nous avons signé une
cinquantaine de deals annuels, ce qui prouve que les
grands annonceurs nous font confiance sur le long terme.
Mais
comment vous positionnez-vous par rapport à vos
concurrents, au niveau européen et en France ?
Stéphane Cordier. Au
niveau européen, nous sommes la première
régie externe, et de loin. Mais en réalité,
la fusion nous a fait évoluer notre champ de
concurrence. Nos véritables concurrents aujourd'hui
sont les gros portails comme Yahoo, Lycos ou MSN.
Quelle
est la stratégie de développement d'Adlink
en Europe ?
Stéphane Cordier.
Suite à la fusion, nous avons des entités
beaucoup plus importantes dans chaque pays. Par exemple,
d'après Nielsen//NetRatings, Doubleclick avait
12 % de pénétration auprès
des internautes britanniques et Adlink avait 11 %
de pénétration. Suite à la fusion,
nous avons maintenant 36 % de pénétration
sur les utilisateurs britanniques, ce qui nous classe
parmi les cinq premières entités en Grande-Bretagne.
Nous occupons ainsi le haut du terrain : c'est
une zone du marché où les CPM sont plus
élevés et les marges plus importantes.
Nous intéressons aussi plus facilement les annonceurs
traditionnels. Enfin, pour l'annonceur qui cherche à
faire des campagnes de reach (qui touchent un maximum
d'internautes, ndlr), il est plus simple de s'adresser
à Adlink qui a un fort taux de couverture plutôt
que de cumuler les partenaires. En général,
un annonceur opte pour trois partenaires pour ce type
de communication : une agence qui dispose d'une
forte pénétration et deux autres pour
optimiser la couverture. Aujourd'hui, Adlink intègre
ces trois dimensions, ce qui n'était pas le cas
avant la fusion.
Concernant
la France, quelle est la stratégie mise en place ?
Eric Bournazac.
Nous avons fusionné depuis le 28 janvier, c'est-à-dire
depuis deux mois. Pendant cette période, nous
avons fait le tour du marché auprès des
agences et des centrales d'achat d'espace. Toutes ces
entités disent que cette année, elles
vont travailler avec un maximum de 10 à 15 régies,
pas plus, sur un total de 140 référencés
en interne et en externe par Carat. Il se trouve que
Adlink France est référencée à
chaque fois auprès de ces interlocuteurs. Concrètement,
depuis la fusion, notre niveau de commandes a sensiblement
augmenté. Nous avons multiplié par 3,5
nos résultats sur le premier trimestre par rapport
au passé. Cette année, il y a plus d'argent
que l'année dernière, mais il est dépensé
sur un plus petit nombre de régies et de sites.
De plus, notre fusion nous a permis en France de renforcer
sensiblement notre offre, notamment sur le secteur financier.
Nous avons en portefeuille de grandes références
comme La Tribune, Investir, Le Revenu, Fimatex, TopFinance,
tous issus d'Adlink. Et Doubleclick a apporté
son portefeuille riche en sites du secteur loisirs comme
Disney, ViaMichelin, La Centrale et Gaumont. Notre taux
de couverture en France selon Nielsen//NetRatings représente
30 %, soit à peu près la pénétration
de Yahoo France.
Est-ce
que Adlink fait une pause en terme de croissance externe ?
Stéphane Cordier.
Durant le premier trimestre, nos efforts ont été
consacrés à faire avancer cette fusion.
Nous avons migré 1 000 sites d'Adlink sur
notre nouvelle plate-forme. De même, il a fallu
rentrer 14 000 contacts clients dans les systèmes
et re-trafiquer un peu moins de 5 000 campagnes...
Tout cela en quelques semaines. Au second semestre,
nous nous concentrerons sur la consolidation de notre
offre portefeuille et sur notre poussée commerciale.
Cela ne nous empêche pas de regarder toute opportunité.
Nous avons encore 20 millions d'euros de trésorerie
mais cette année, l'objectif numéro un
reste la profitabilité. Certains pays le sont
déjà sur certains mois. Ce fût par
exemple le cas d'Adlink France au mois de mars.
Combien
de sites
Adlink France a-t-il en portefeuille désormais ?
Eric Bournazac.
Nous avons une offre à deux étages :
une quinzaine de sites de marques sont vendus en exclusivité
et une offre non exclusive composée de 120 sites
répartis en une dizaine de chaînes thématiques.
Le principe est d'optimiser le volume des pages invendues
puisque ces sites peuvent très bien avoir une
autre régie interne ou externe. L'ensemble représente
145 millions de pages vues, 3,6 millions de visiteurs
uniques et 30 % de pénétration de
la population internaute. Nous sommes en permanence
en phase de recrutement pour nos sites non exclusifs
où nous recherchons la quantité. Sur notre
offre exclusive, la stratégie est qualitative.
Nous nous limitons à une petite vingtaine de
sites à forte valeur ajoutée. Dans ce
cas, nous nous intéressons plus au nombre de
visiteurs uniques qu'au volume de pages vues.
Quels
modes de commercialisation des espaces publicitaires
utilisez-vous ?
Eric Bournazac.
Nous
sommes ouverts à toute solution mais pas à
n'importe quel prix. Nous avons souvent été
les premiers à tester les modèles comme
le CPC ou le CPL, mais nous en sommes un peu revenus.
Ce qui est important pour nous est de ne pas perdre
de vue notre objectif principal qui est la rentabilité.
Régulièrement, nous refusons des deals
en France parce ce sont des CPC indécents et
qui mettraient en péril la rentabilité
de l'entreprise. Nous nous sommes fixés des seuils
minimaux et, de toute manière, il n'est pas bon
pour le média d'aller trop bas. Il faut que les
annonceurs comprennent qu'ils auront une qualité
de service qu'à la hauteur de ce qu'ils auront
payé. Nous faisons donc de la vente à
la performance mais c'est toujours accompagné
d'un volet CPM pour que ces annonceurs réalisent
aussi l'importance de l'exposition, qui est la seule
norme sur les autres supports publicitaires.
Stéphane
Cordier. La vente à la performance représente
moins de 7,5 % du chiffre d'affaires d'Adlink en
Europe. De toute manière, les gros annonceurs
comme France Télécom, British Airways
ou Deutsch Bank préfèrent avoir le contrôle
de leur média et pouvoir influer sur le positionnement
de leurs bannières. C'est pourquoi ils optent
plutôt pour des forfaits quotidiens ou hebdomadaires.
Qu'entendez-vous
par forfait ?
Eric Bournazac.
Sur
notre offre exclusive, nous parlons avec les annonceurs
de moins en moins du coût des bandeaux que de
sponsoring au sens large, c'est-à-dire toutes
les bonnes manières d'intégrer un annonceur
avec une rémunération au forfait qui prend
en compte la durée du contrat, le positionnement
et la visibilité de l'annonceur sur le site ainsi
que le nombre de visiteurs uniques générés.
Le paramètre "visiteurs uniques" est
le paramètre le plus proche de la définition
classique de l'audience et c'est ce qui nous intéresse
dans notre dialogue avec les annonceurs traditionnels.
Il faut pouvoir parler le même langage que les
médias traditionnels.
Où
sont situés les tarifs aujourd'hui ?
Eric Bournazac.
Les
CPM sont de plus en plus stables et c'est même
plutôt en train de remonter. Nous avons de moins
en moins de mal à défendre nos CPM auprès
des agences et des annonceurs parce que nous leur proposons
des produits de qualité avec une approche sur-mesure.
Cela
signifie que la reprise n'est pas loin ?
Stéphane Cordier.
Je pense que c'est peut-être un peu trop tôt
pour parler de reprise. D'après ce que nous avons
pu voir, il y aura peut-être une petite augmentation
européenne, de l'ordre de 5 à 7,5 %.
C'est une bonne augmentation par rapport aux médias
classiques, mais qui reste faible par rapport aux croissances
que l'on a connues sur Internet. Je pense que le gros
challenge pour 2002, c'est la stabilisation du média
lui-même. Et c'est une bataille de prise de parts
de marché. Il faut aussi continuellement éduquer
les annonceurs traditionnels, parler comme eux et leur
démontrer la force d'Internet comme support publicitaire.
C'est pourquoi nous avons réalisé au sein
de l'EIAA, une association européenne qui rassemble
quatorze acteurs comme Yahoo, MSN ou Lycos, des études
dans le but de prouver l'impact de la publicité
en ligne. Les premiers résultats arriveront au
troisième trimestre.
Si
vous aviez trois conseils à donner à un
annonceur...
Eric Bournazac.
Il
faut tout d'abord avoir une chose importante à
dire et bien prendre en considération son audience.
Le deuxième conseil est de faire du mix marketing.
Il ne faut pas oublier qu'Internet c'est plus qu'un
média. C'est un seul et même support qui
peut permettre à une marque d'aller de la communication
jusqu'à la vente. Enfin, mon dernier conseil
est de tenir en haleine son audience pour la fidéliser.
Quel
est le site que vous rêveriez d'avoir en portefeuille ?
Eric Bournazac.
Il
y a un site que j'aime beaucoup, c'est AlloCiné.
C'est vraiment pour moi l'emblème de ce que devrait
être une site Internet. Il procure un service
à l'internaute avec la réservation de
places de cinéma. C'est du concret, c'est simple
et c'est un trait d'union entre la vie virtuelle et
la vie réelle. J'en parle d'autant plus facilement
que j'ai commercialisé son espace publicitaire
lorsque je travaillais chez Mediavision On Line. Et
de tout temps, j'ai trouvé que ce site avait
compris l'Internet.
Stéphane Cordier.
Pour la France, c'est Boursorama (Fimatex a racheté
récemment la société éditrice
du site d'information financière mais pour l'instant
aucune décision particulière n'a été
prise quant à la régie qui allait désormais
commercialiser l'espace publicitaire de Boursorama,
ndlr).
Quelle
campagne a particulièrement retenu votre attention
dernièrement ?
Eric Bournazac.
Pour
moi, c'est la campagne de lancement de Windows XP avec
ses différents formats et les multiples technologies
utilisées.
Stéphane Cordier.
Ce que j'adore dans la publicité online, c'est
la créativité des annonceurs. Il y a eu
une campagne espagnole pour Coca-Cola au moment de Noël.
Elle était réalisée en DHTML et
en Flash. C'était une boule de Noël accrochée
à votre navigateur et dans le reflet de cette
boule, on pouvait voir le Père Noël de Coca-Cola
à côté d'un arbre de Noël.
Et quand on passait la souris dessus, il y a un petit
menu qui s'ouvrait et qui disait "Drag en Drop".
Vous tiriez la boule vers le bas avec votre souris,
vous la lâchiez et elle remontait comme sur un
ressort. Cette création était sublime
mais nous n'avons jamais réussi à persuader
Coca-Cola de la faire tourner sur nos sites !
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