JDNet.
A quoi sert pour une marque de communiquer en ligne
?
Philippe Besnard.
Le premier objectif est tout simplement d'arriver à
coller à l'évolution de la consommation
média des gens. Aujourd'hui, une dizaine de millions
de personnes en France passent en moyenne six heures
par mois sur Internet. Ce temps est pris sur les loisirs
ou sur d'autres médias, notamment la télévision.
Les choses évoluent dans la manière dont
les gens s'informent, dont ils consomment de l'information
et des contenus. Donc les marques qui, par définition,
s'adressent au grand public doivent impérativement
intégrer cette nouvelle donne média dans
leur stratégie de communication. Le premier point
est donc de s'adapter à un paysage média
qui est transformé en profondeur par l'émergence
d'Internet.
Quels
autres intérêts une marque peut-elle trouver
à communiquer en ligne ?
On
peut déjà parler d'avantages budgétaires,
car c'est un média relativement bon marché
comparé aux autres supports. Un autre intérêt
majeur réside dans la manière dont le
message est communiqué et dans les possibilités
d'expression. Sur ces deux aspects, Internet présente
des caractéristiques extrêmement intéressantes
qui permettent soit de s'adresser au plus grands nombre
pour gagner de la notoriété, soit de s'adresser
à un nombre de gens plus restreint mais de travailler
en profondeur cette audience. C'est le caractère
foncièrement interactif du web qui permet cela.
En effet, lorsqu'il s'agit de publicité ou de
communication, les gens peuvent s'apercevoir rapidement
que cette interactivité présente des avantages
forts.
Quels
sont a vos yeux les avantages de cette interactivité ?
Une marque a la possibilité en ligne d'exprimer
beaucoup mieux ses savoir-faire et ses valeurs. Elle
n'est pas réduite à une communication
extrêmement éphémère et émotionnelle
comme elle est obligée de le faire à la
télévision ou sur une création
publicitaire de presse. Elle a de la durée, elle
peut apporter des contenus surtout que la plupart des
marques ont un très fort degré d'expertise
dans leur domaine, qu'il s'agisse de produits de beauté,
de produits alimentaires, d'entretiens, etc. Avec Internet,
pour une fois le public peut s'intéresser à
une marque non pas parce qu'elle l'interpelle pour lui
vendre quelque chose mais parce qu'elle lui donne des
conseils et lui montre son expertise. Selon moi, c'est
un nouveau paradigme de communication des entreprises
: tout à coup, elles s'aperçoivent qu'elles
peuvent totalement renverser la manière dont
elles communiquent. Au lieu de le faire dans un laps
de temps très court, un spot TV de 10 à
30 secondes par exemple, elles ont là la possibilité
de travailler dans la durée.
Et
qu'en est-il de l'e-CRM et du marketing direct, dont
l'on vante généralement les mérites
en parlant d'Internet ?
Cela
fait partie des nombreux avantages dérivés.
Les marques ont la possibilité de rassembler
les gens dans une perspective communautaire, de créer
des clubs, de regrouper les personnes qui ont les mêmes
centres d'intérêt. A partir de là,
il est possible d'entretenir une relation étroite
avec eux par le biais de création de bases de
données qualifiées. C'est un élément
mais il serait trop réducteur de tout associer
à ces questions de data mining. Ce qui compte
est de faire en sorte que les gens s'intéressent
à ce que la marque a à dire. Il ne faut
pas rester dans l'illusion d'une marque qui va s'appuyer
sur d'immenses bases de données pour envoyer
nombre de mails et d'échantillons à tous
ses contacts. Ce n'est pas la finalité de l'outil.
Je crois beaucoup plus à la dimension média
et média interactif du Web.
Quelles
sont les bonnes pratiques de la communication de marque
en ligne ?
Avant
de se lancer dans la communication en ligne, une marque
doit tout d'abord commencer par se connaître elle-même
et connaître la manière dont elle veut
s'adresser au public internaute. Cela veut dire avoir
une connaissance précise de ses contenus interactifs,
de ses fonctionnalités interactives, de ses savoir-faire
et de la manière dont elle les exprime. Le premier
pas est de se poser la question : qu'ai-je à
dire à un internaute ? Il faut regarder ce que
la marque a à exprimer, pour mettre en avant
les contenus les plus enrichissants, et lister ses valeurs
plutôt que trouver la petite astuce qui fera en
sorte que les gens se souviennent de la marque. Le deuxième
conseil à donner à une marque qui veut
se lancer sur Internet, c'est d'éviter la dilution.
C'est-à-dire ?
Les
marques ont beaucoup de choses à dire mais il
faut sélectionner des thèmes pour que
le message soit clair et trouver les bons carrefours
sur lesquels la marque va s'exprimer. Au début
du Web, les marques ont cherché à travailler
avec trop de supports. Elles ont fait du saupoudrage
et ont oublié de faire de la profondeur, ce qui
demande du temps et une vraie allocation de ressources.
Il faut donc se concentrer sur un petit nombre de sites,
des carrefours d'audience qui formeront un entonnoir
permettant de faire venir des visiteurs sur le site
de la marque.
Internet
est-il plus adapté pour un type de communication
spécifique ?
Ce
qui compte pour une marque c'est "quels sont mes
moyens d'influence?". Dans ce cas, la communication
en ligne a forcément une dimension d'image, une
dimension média, une dimension globale, au même
titre que l'on peut développer un aspect data
mining et la constitution de bases de données.
Mais cela ne doit en aucun cas être un point central.
Les gens doivent comprendre le caractère transversal
et intégré de la communication en ligne.
Sa richesse est justement qu'une marque peut tout faire
avec le Web. Le
moment est maintenant venu pour les grandes entreprises
d'intégrer Internet dans un vrai programme d'influence
du consommateur et de communication. Internet doit être
intégré dans des plans plurimédia.
Il faut sortir le web du ghetto qui consiste à
dire qu'Internet sert à une marque pour faire
de la publicité pour son site.
Mais
le Web n'est-il pas plus adapté au lancement
d'un produit qu'à un travail sur la notoriété
d'une marque ?
Selon
moi, la beauté d'Internet, c'est justement le
fait qu'il peut servir différentes finalités
et que l'arbitrage se fait plus sur la question du niveau
de pression publicitaire que la marque souhaite imposer.
Il existe des exemples de lancement de produits extrêmement
réussis en avant-première sur Internet
(dans le secteur automobile ou du divertissement, par
exemple). Il y a aussi de nombreux exemples de travail
de fond sur la marque et ses valeurs grâce au
marketing interactif. C'est ce que AOL fait en France
et en Grande-Bretagne avec Procter & Gamble par
exemple. Toutes les études réalisées
ont prouvé qu'Internet permettait de renforcer
la notion de proximité entre un utilisateur et
une marque. Le Web se positionne donc en complément,
voire en fer de lance, de plans d'action publicitaire
et média quelle que soit la problématique
retenue. Ce qui est intéressant, c'est justement
qu'Internet est très flexible dans ce domaine.
Quels
sont alors les blocages qui font que les marques restent
timides en matière de communiation en ligne ?
Il
faut tout d'abord remarquer que ces freins sont en train
de disparaître. Nous observons chez AOL une liste
sans cesse plus longue d'annonceurs traditionnels qui
sautent le pas. Aujourd'hui, 60% environ de nos annonceurs
sont des marques qui n'ont rien à vendre en ligne.
Mais il est vrai que certains blocages subsistent. Hormis
la lenteur à laquelle les entreprises intègrent
Internet dans leur plan de communication d'ensemble,
l'autre frein principal tient davantage à la
nature humaine. Les grandes marques ont trente ou quarante
ans d'expérience de communication et Internet
est un phénomène nouveau. C'est une offre
multiforme, donc complexe à appréhender
dans un contexte où les budgets de communication
ont tendance à se réduire. Il y a donc
une tendance naturelle de faire perdurer les vieux modèles
plutôt que de prendre des initiatives qui pourraient
sembler audacieuses.
Pouvez-vous
citer quelques beaux parcours de marques en ligne ?
En
ne prenant que l'exemple de l'industrie de la grande
consommation, il y a de très beaux parcours :
des stratégies novatrices avec des sociétés
comme Procter & Gamble, une multitude d'inititatives
extrêmement intelligentes de gens comme L'Oréal
et les différentes marques du groupe. Il y a
aussi des marques comme Masterfoods (Mars), Kellog's,
Pepsi qui sont en train de se développer en ligne.
Il y aussi les initiatives de certains organismes comme
EDF et la Française des Jeux. Cela me paraît
très intéressant de noter que ces sociétés
là ont eu un certain nombre d'expériences
de communication réussies sur Internet. Personne
ne les attendait là et pourtant elles ont su
avant beaucoup d'autres grandes marques investir ce
créneau.
Quelles
marques aimeriez-vous voir annoncer plus fortement en
ligne, et notamment sur AOL évidemment...
Je
pense qu'une marque comme Nestlé aurait énormément
de choses à dire sur Internet. Certaines marques
de boissons comme Schweppes ou Orangina sont aussi des
sociétés qui me paraissent très
riches de potentialités.
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