INTERVIEW
 
Président
Amazon
Jeff Bezos
"Titre"
A l'occasion du lancement du site français d'Amazon, Jeff Bezos explique au JDNet sa stratégie sur le marché hexagonal. Mais aussi sa vision plus globale sur le commerce électronique.30 août 2000
 
          

JDNet : Respectez-vous votre calendrier en ouvrant le site Amazon.fr en cette rentrée 2000 ?
Jeff Bezos.
Nous avons lancé Amazon.fr exactement au moment où nous voulions. Vous les Français, vous aviez le Minitel et vous aviez une autre habitude du travail en ligne. L'Internet s'est développé plus lentement ici. Le nombre de gens connectés est encore faible mais croît très vite. D'après nous, c'était le meilleur moment pour arriver en France. En fait, tout est allé très vite. Plus vite que je ne pensais. L'équipe a fait un travail formidable. C'est la première fois que nous lançons quatre magasins simultanément : livres, CD, vidéos et DVD. A chaque fois que nous ouvrons un site à l'étranger, cela devient plus facile pour nous. Avec l'expérience en Grande-Bretagne, en Allemagne, et maintenant en France, l'ouverture d'un site dans un autre pays sera même encore plus facile. Mais il faut dire aussi que de lancer un site n'est pas compliqué. C'est après que les choses se corsent…

Mais, entre temps, la Fnac et d'autres concurrents se sont installés sur le marché. Vous avez pourtant l'habitude d'être les premiers…
Non, nous n'étions pas les premiers ! Je le répète tout le temps mais personne n'y prête attention. Aux
Etats-Unis, il y avait Books.com, Futurfantacy.com et tout un tas de firmes qui vendaient déjà en ligne avant nous. CD Now vendait aussi des disques avant nous. La question n'est pas d'arriver le premier, mais d'arriver avec le meilleur contenu et le meilleur site pour le client. C'est le plus important. Et je pense que les autres libraires en ligne français vont aussi se développer. Et tant mieux. Les autres n'ont pas besoin de perdre pour nous laisser gagner. Nous travaillons sur un marché où il y a de la place pour tous. Et même s'il est encore petit, c'est un marché à très fort potentiel. C'est encore un marché tout jeune. Idem pour le marché de la musique et celui des films.

N'y a-t-il pas des particularismes en France que vous devez prendre en compte ?
La chose la plus délicate était de recruter les meilleurs éléments en France. Il nous fallait à la fois ceux qui comprennent les us et coutumes, ainsi que les particularismes du pays, mais aussi des gens qui sont des passionnés des produits que l'on vend, comme la littérature et la musique française. En mettant la main sur ces gens-là, la ligne éditoriale et le contenu du site sont forcément bons. Voilà la clé du succès ! Denis Terrien a fait un travail excellent avec Diego Piacintini, le vice-président d'Amazon.com responsable de l'international. Tous les deux ont réussi à constituer un équipe française sensationnelle.

Vous avez réussi aux Etats-Unis, un grand pays où il n'y a pas des librairies partout , contrairement à la France...
Peut-être. Mais la plupart de nos clients sont dans des zones très urbanisées où l'on trouve beaucoup de librairies. Encore une fois, notre approche française est très locale. Nous prenons notre technologie comme une plate-forme et nous employons des Français pour que le contenu soit à l'image de nos clients. Les gens de l'équipe aiment les produits français et ils ont maintenant la possibilité de les offrir aux 160 millions de francophones du monde entier. C'est une des raisons qui explique le très bon accueil que nous ont fait les éditeurs.

Allez-vous diversifier vos produits en ligne ?
Avec le temps certainement. Nous espérons que tous les sites en Europe offrent autant de produits que nous avons aux Etats-Unis. Mais ça va prendre des années, parce que c'est une démarche très compliquée. Nous donnons peut-être l'impression aujourd'hui qu'ouvrir un site est facile. Mais c'est tout de même compliqué de faire du bon travail !

Seriez-vous alors intéressé par le rachat d'un site français qui vendrait en ligne des objets comme du maquillage ou des outils ?
C'est possible, mais très peu probable. C'est moins cher pour nous de tout construire en interne plutôt que d'acheter un site. Le gros avantage que nous avons est que nous pouvons importer directement le même système informatique que nous avons aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et en France. Ce système est fiable, et son utilisation est facile.

Seriez-vous intéressé par le rachat d'une grosse entreprise d'entertainement, comme AOL a fait avec Time-Warner ?
Je ne commenterai jamais sur ce que l'on pourrait faire, ou ne pas faire, en matière d'acquisition. Mais je ne vois pas Amazon entrer dans le business de l'entertainement. Ce n'est pas notre domaine. Nous faisons du commerce en ligne et nous nous concentrons dessus.

Pourquoi êtes-vous aussi secret sur vos projet et sur vos chiffres ?
Je crois qu'il serait néfaste pour nos actionnaires de raconter tout ce qu'on fait, et divulguer notre savoir-faire en matière de commerce électronique. Nous arrivons à satisfaire nos clients parce que nous sommes très forts dans notre secteur. Nous avons beaucoup appris et nos actionnaires pâtiraient si nous divulguions nos secrets.

N'est-ce pas un peu paranoïaque ?
Non c'est juste du bon sens !

Avec l'accord que vous venez de passer avec Microsoft sur le livre électronique, allez-vous glisser lentement vers un travail d'édition ?
Non, pas du tout. Nous ne sommes pas des éditeurs, nous sommes des revendeurs. Il n'y a pour l'instant aucun besoin de croître verticalement. Nous ne connaissons pas ce métier, ce n'est pas le nôtre. C'est comme tenir un magasin en dur, nous ne savons pas le faire. C'est difficile. En revanche, nous sommes les meilleurs en commerce électronique.

Mais vous continuez à investir à perte...
Notre branche livres et CD est maintenant rentable. Nous sommes confiants dans l'avenir du commerce électronique donc nous continuons à investir, tout en nous rapprochant petit à petit du jour où nous serons bénéficiaires sur toute la ligne. Peu à peu, tous les secteurs vont devenir profitables.

L'atmosphère générale de la firme, au bout de cinq ans, est-elle plus mature ?
C'est surtout beaucoup plus excitant. Au fil du temps, nous sommes devenus un véritable acteur dans la vie des gens qui font chaque jour de nouvelles expériences d'achat. C'est le grand secret d'Amazon : servir le client avant tout. Nous le bichonnons depuis le premier clic jusqu'à l'emballage du colis.

Quels sont vos sites Internet préférés ?
J'aime beaucoup le site du Wall Street Journal. J'utilise aussi Yahoo pour les cours de la Bourse. Sinon, je consulte régulièrement C-Net pour les informations techniques. Et enfin, pour me détendre, j'adore le site de la Nasa. Il y a de quoi y passer des jours entiers, à regarder les images du télescope Hubble. Je le conseille absolument.

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
Un livre de science-fiction par un auteur appelé Gardner.

 
Propos recueillis par Alexandre Lazerges

PARCOURS
 
Jeffrey P. Bezos, 35 ans, fondateur et PDG d'Amazon.com, est un ingénieur informatique sorti de l'université de Princeton en 1986. Il a travaillé comme responsable informatique chez les financiers D.E. Shaw & Co à Wall Street puis à la Bankers Trust. Passionné d'Internet, il plaque tout en 1994 pour monter Amazon, qui ouvre son site en juillet 1995.

   
 
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