JDNet
: Respectez-vous votre calendrier en ouvrant le site Amazon.fr
en cette rentrée 2000 ?
Jeff Bezos. Nous avons lancé Amazon.fr exactement
au moment où nous voulions. Vous les Français, vous aviez
le Minitel et vous aviez une autre habitude du travail en
ligne. L'Internet s'est développé plus lentement ici. Le nombre
de gens connectés est encore faible mais croît très vite.
D'après nous, c'était le meilleur moment pour arriver en France.
En fait, tout est allé très vite. Plus vite que je ne pensais.
L'équipe a fait un travail formidable. C'est la première fois
que nous lançons quatre magasins simultanément : livres, CD,
vidéos et DVD. A chaque fois que nous ouvrons un site à l'étranger,
cela devient plus facile pour nous. Avec l'expérience en Grande-Bretagne,
en Allemagne, et maintenant en France, l'ouverture d'un site
dans un autre pays sera même encore plus facile. Mais il faut
dire aussi que de lancer un site n'est pas compliqué.
C'est après que les choses se corsent
Mais,
entre temps, la Fnac et d'autres concurrents se sont installés
sur le marché. Vous avez pourtant l'habitude d'être les premiers
Non, nous n'étions pas les premiers !
Je le répète tout le temps mais personne n'y prête attention.
Aux
Etats-Unis, il y avait Books.com, Futurfantacy.com et tout
un tas de firmes qui vendaient déjà en ligne avant nous. CD
Now vendait aussi des disques avant nous. La question n'est
pas d'arriver le premier, mais d'arriver avec le meilleur
contenu et le meilleur site pour le client. C'est le plus
important. Et je pense que les autres libraires en ligne français
vont aussi se développer. Et tant mieux. Les autres n'ont
pas besoin de perdre pour nous laisser gagner. Nous travaillons
sur un marché où il y a de la place pour tous. Et même s'il
est encore petit, c'est un marché à très fort potentiel. C'est
encore un marché tout jeune. Idem pour le marché de la musique
et celui des films.
N'y
a-t-il pas des particularismes en France que vous devez prendre
en compte ?
La chose la plus délicate était de recruter les meilleurs
éléments en France. Il nous fallait à la fois ceux qui comprennent
les us et coutumes, ainsi que les particularismes du pays,
mais aussi des gens qui sont des passionnés des produits que
l'on vend, comme la littérature et la musique française. En
mettant la main sur ces gens-là, la ligne éditoriale et le
contenu du site sont forcément bons. Voilà la clé du
succès ! Denis Terrien a fait un travail excellent avec Diego
Piacintini, le vice-président d'Amazon.com responsable de
l'international. Tous les deux ont réussi à constituer un
équipe française sensationnelle.
Vous
avez réussi aux Etats-Unis, un grand pays où il n'y a pas
des librairies partout , contrairement à la France...
Peut-être. Mais la plupart de nos clients sont dans des zones
très urbanisées où l'on trouve beaucoup de librairies. Encore
une fois, notre approche française est très locale. Nous prenons
notre technologie comme une plate-forme et nous employons
des Français pour que le contenu soit à l'image de nos clients.
Les gens de l'équipe aiment les produits français et ils ont
maintenant la possibilité de les offrir aux 160 millions de
francophones du monde entier. C'est une des raisons qui explique
le très bon accueil que nous ont fait les éditeurs.
Allez-vous
diversifier vos produits en ligne ?
Avec le temps certainement. Nous espérons que
tous les sites en Europe offrent autant de produits que nous
avons aux Etats-Unis. Mais ça va prendre des années, parce
que c'est une démarche très compliquée. Nous donnons peut-être
l'impression aujourd'hui qu'ouvrir un site est facile. Mais
c'est tout de même compliqué de faire du bon travail !
Seriez-vous
alors intéressé par le rachat d'un site français qui vendrait
en ligne des objets comme du maquillage ou des outils ?
C'est possible, mais très peu probable. C'est moins cher pour
nous de tout construire en interne plutôt que d'acheter un
site. Le gros avantage que nous avons est que nous pouvons
importer directement le même système informatique que nous
avons aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et en France.
Ce système est fiable, et son utilisation est facile.
Seriez-vous
intéressé par le rachat d'une grosse entreprise d'entertainement,
comme AOL a fait avec Time-Warner ?
Je ne commenterai jamais sur ce que l'on pourrait
faire, ou ne pas faire, en matière d'acquisition. Mais je
ne vois pas Amazon entrer dans le business de l'entertainement.
Ce n'est pas notre domaine. Nous faisons du commerce en ligne
et nous nous concentrons dessus.
Pourquoi
êtes-vous aussi secret sur vos projet et sur vos chiffres
?
Je crois qu'il serait néfaste pour nos actionnaires
de raconter tout ce qu'on fait, et divulguer notre savoir-faire
en matière de commerce électronique. Nous arrivons à satisfaire
nos clients parce que nous sommes très forts dans notre secteur.
Nous avons beaucoup appris et nos actionnaires pâtiraient
si nous divulguions nos secrets.
N'est-ce
pas un peu paranoïaque ?
Non c'est juste du bon sens !
Avec
l'accord que vous venez de passer avec Microsoft sur le livre
électronique, allez-vous glisser lentement vers un travail
d'édition ?
Non, pas du tout. Nous ne sommes pas des éditeurs,
nous sommes des revendeurs. Il n'y a pour l'instant aucun
besoin de croître verticalement. Nous ne connaissons pas ce
métier, ce n'est pas le nôtre. C'est comme tenir un magasin
en dur, nous ne savons pas le faire. C'est difficile. En revanche,
nous sommes les meilleurs en commerce électronique.
Mais
vous continuez à investir à perte...
Notre branche livres et CD est maintenant rentable. Nous sommes
confiants dans l'avenir du commerce électronique donc nous
continuons à investir, tout en nous rapprochant petit à petit
du jour où nous serons bénéficiaires sur toute la ligne. Peu
à peu, tous les secteurs vont devenir profitables.
L'atmosphère
générale de la firme, au bout de cinq ans, est-elle plus mature
?
C'est surtout beaucoup plus excitant. Au fil
du temps, nous sommes devenus un véritable acteur dans la
vie des gens qui font chaque jour de nouvelles expériences
d'achat. C'est le grand secret d'Amazon : servir le client
avant tout. Nous le bichonnons depuis le premier clic jusqu'à
l'emballage du colis.
Quels
sont vos sites Internet préférés ?
J'aime beaucoup le site du Wall Street Journal. J'utilise
aussi Yahoo pour les cours de la Bourse. Sinon, je consulte
régulièrement C-Net pour les informations techniques. Et enfin,
pour me détendre, j'adore le site de la Nasa. Il y a de quoi
y passer des jours entiers, à regarder les images du télescope
Hubble. Je le conseille absolument.
Quel
est le dernier livre que vous avez lu ?
Un livre de science-fiction par un auteur appelé Gardner.
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