INTERVIEW
 
PDG
Oreka
David Bitton
"Titre"
Après avoir bouleversé le marché français des FAI en proposant 18 heures d'accès Internet gratuit communications comprises en mai dernier, Oreka suscite aujourd'hui de nombreux remous chez ses abonnés après avoir annoncé qu'il réduisait son offre à 6 heures d'accès (lire l'article JDNet du 27/12/00). David Bitton, professionnel du secteur des Télécom et PDG fondateur de la société explique à la fois l'origine de cette évolution et expose le fond de son projet d'entreprise.23 décembre 2000
 
          

JDNet. Vous avez fait passer votre offre de 18 heures à 6 heures, y compris pour vos anciens abonnés, contrairement à ce que vous aviez annoncé dans un premier temps. Pourquoi ces revirements ?
David Bitton. Nous avons créé Oreka avec un modèle économique différent qui consiste à faire financer par la publicité l'accès Internet de nos abonnés, y compris les communications téléphoniques. Mais le développement de ce nouveau modèle nécessite bien évidemment des financements extérieurs pour atteindre l'équilibre économique de notre activité. Or notre visibilité actuelle sur ces financements a évolué car les conditions de marché se sont détériorées.

Vous avez pourtant effectué une levée de fonds de 150 millions de francs auprès d'initiative IP...
Effectivement, nous avons bouclé une opération de financement en octobre dernier. A ce jour nous avons reçu la moitié de cette somme, mais le timing pour la seconde moitié n'a pas encore été défini. Pour la suite du financement de notre activité nous devions compter sur une autre opération de financement ou une éventuelle IPO. C'est le contexte actuel plus tendu sur les marchés qui nous conduit à adapter notre offre pour assurer le développement d'Oreka sur le long terme.

La mise en place de la liste d'attente quelques semaines après le lancement de votre offre ne pouvait-elle pas suffir à maîtriser vos coûts ?
Nous avons créé un liste d'attente parce que nous voulions assurer la qualité de notre infrastructure technique. Nous avions prévu à l'origine de recruter 2.000 abonnés par jour. Or le seul jour du lancement nous avons enregistré plus de 7.000 inscriptions et ce nombre a continué de croître dans les jours suivants. Je suis ingénieur télécoms de formation et j'ai travaillé chez plusieurs grands acteurs du secteur. Je sais que l'on ne peut pas assurer une véritable qualité de service si l'on ne maîtrise pas la croissance du nombre de ses abonnés. Par ailleurs, effectivement, nous voulions maîtriser la croissance de nos dépenses. C'est pourquoi nous avions mis en place cette période d'attente.

Aujourd'hui vous avez choisi de supprimer le liste d'attente et de proposer votre offre de 6 heures à tous les demandeurs. Les problèmes que vous évoquez ont été résolus ?
Nous étions dans une situation paradoxale avec autant d'abonnés en liste d'attente que d'abonnés activés. Parallèlement, nous constations que les abonnés 18 heures consommaient seulement en moyenne entre 5 et 6 heures sur leur forfait. Nous avons donc fait le choix d'ouvrir notre offre à tous nos inscrits en supprimant la liste d'attente. Nous avions donc fin décembre plus de 700.000 abonnés à notre nouvelle offre pour 6 heures d'Internet gratuit au lieu de 400.000 pour l'offre 18 heures. L'utilisation du service est donc aujourd'hui plus ouverte sans engendrer une explosion du nombre d'heures de connexion.

Pourquoi ne pas avoir laissé vos abonnés historiques à 18 heures, s'ils consommaient moins de 6 heures en moyenne ?
Sur un plan financier nous étions obliger de prévoir le risque d'une augmentation de cette consommation qui aurait considérablement pesée sur nos coûts de télécomunications. En clair, cette moyenne de consommation ne nous permettait pas d'anticiper leurs consommations futurs. Seule la mise en place de notre nouvelle offre nous permettait d'assurer notre financement sur le long terme. Or Oreka n'est pas un coup marketing mais bien un véritable projet d'entreprise.

Quelle est l'origine du projet Oreka ?
Après un parcours d'ingénieur télécoms au sein de la communauté européenne puis du cabinet conseil CMA, et enfin de Cegetel ou j'ai travaillé au développement des projets e-commerce, je me suis établi comme consultant indépendant. C'est en travaillant sur projet de FAI pour un grand distributeur français que j'ai appris à maîtriser toute la chaîne des coûts de ce métier. Or nous avons vécu une véritable petite révolution dans le secteur avec la création de numéros 0860 qui ont permis aux opérateurs de collecter du trafic télécom et de le remonter vers Paris pour un coût inférieur à la minute de communication locale. Cela permettait de créer du jour au lendemain un FAI national sans diposer d'aucune infrastructure télécom tout en gagnant de l'argent sur la commercialisation de forfait.

.Et l'idée du financement par la bannière publicitaire ?
Je connaissais le FAI américain Netzero qui propose un accès Internet totalement gratuit et financé par la bannière publicitaire. L'idée initiale a été de transposer ce modèle aux réalités de notre marché télécoms pour enfin proposer un véritable accès totalement gratuit sur le marché Français. C'est à ce moment que j'ai rencontré Pierre-François Grimaldi, PDG fondateur de Télestore et surtout d'iBazar, qui s'intéressait, lui aussi, à l'activité de FAI.

Il a tout de suite été séduit par le projet ?
Pour tout vous dire, au premier abord je l'ai trouvé un peu distant. Il ne me regardait pas du tout. Je lui est expliqué que selon moi il était trop tard pour entreprendre la création d'un nouveau FAI gratuit classique après le lancement de LibertySurf. Je lui ai donc présenté l'idée d'un FAI totalement gratuit avec prise en charge des coûts de communication téléphonique et avec, en contrepartie, une barre de navigation pour l'internaute dont nous faisions un espace publicitaire. Là, il a mordu et m'a dit "je veux voir !". Finalement convaincu, il a non seulement financé la création d'Oreka mais également hébergé la société naissante dans les murs d'iBazar. Pour ma part, je me suis engagé à lancer l'offre Oreka pour le mois de mai.

Et comment est née l'idée de commercialiser la page d'accueil ?
Pour la mise en place du projet j'ai fait venir Alain Delhaye, un ancien de chez Completel et Jérôme Wagner, un ancien de l'ART. C'est alors que s'est posée la question du portail. Pour concevoir un portail de qualité il nous fallait un centaine de personnes ce qui était inenvisageable sur le plan financier. J'ai alors eu l'idée de permettre à notre abonné de commencer sa navigation, non pas sur un portail maison, mais sur un site tiers que nous lui proposions en fonction de son profil et de ses habitudes de navigation. Nous avons ensuite envisager de changer régulièrement cette page d'accueil et de vendre aux sites cet affichage générateur de trafic directement sur leur site.

Cette nouvelle offre de support publicitaire a-t-elle convaincue les éditeurs ?
Plus encore que dans nos projections les plus optimistes ! Pour l'année 2000, la commercialisation effective de nos supports ayant débutée au mois d'août, nous avons généré 15 millions de chiffre d'affaires publicitaire dont 70% générés par la seule commercialisation de la page d'accueil. Le taux de transformation sur cette page varie de 20% à 40%, ce qui signifie que dans 20% à 40% des cas l'abonné Oreka commence une navigation sur le site présenté. C'est le résultat du ciblage de cet affichage qui permet de présenter un site en adéquation avec les attentes de l'internaute.

Combien de salariés compte Oreka actuellement ?
Nous employons directement 24 personnes car nous avons choisi d'externaliser au maximum afin de limiter nos coûts structurels. Plus de soixante salariés travaillent en réalité autour d'Oreka.

Vous avez annoncé vouloir vous positionner sur le marché de l'ADSL. Quels sera votre positionnement ?
Nous ne voulons pas nous lancer dans une guerre des prix, tout d'abord parce que le marché n'est pas encore près sur le plan technique à absorber une explosion du nombre d'abonnements. Nous allons nous situer avec une offre compétitive sur le marché, simplement pour être présents sur ce secteur. Notre montée en puisssance se fera lorsque l'infrastructure sera disponible et, à ce moment-là, nous innoverons avec des offres originales.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué au cours de la jeune histoire d'Oreka ?
D'abord l'histoire humaine. Je suis entrepreneur dans l'âme et j'ai toujours su qu'un jour ou l'autre je franchirai le pas. Mais un tel challenge dépend largement des rencontres de partenaires, de salariés ou d'associés qui adhèrent au projet.

Que faites-vous lorsque vous ne dirigez pas Oreka ?
Je suis passionné de musique électronique et j'aime le week-end passer du temps à composer sur mon clavier pour mon plaisir. C'est un peu mon oxygène, mais je le réserve à mon proche entourage. Ou parfois le lundi, au bureau, pour les meilleurs créations...

 
Propos recueillis par Fabien Claire

PARCOURS
 
Elève ingénieur à Sup Aéro, David Bitton bifurque en troisième année vers le secteur, plus porteur à l'époque, des télécoms. Il rejoint pour son premier poste la Communauté européenne où il travaille sur la coopération avec les pays en voie de développement dans le secteur télécoms. Là, il rencontre les principaux industriels du secteur et découvre les lois de ce marché. Il quitte ensuite la fonction publique europénne pour le cabinet de Conseil CMA créé par le fondateur d'UPC en France. Spécialisé dans les études pour les câblo-opérateurs, le cabinet permet à David Bitton de travailler sur les infrastructures des réseaux cablés de Paris et Pékin. Il quitte ensuite CMA pour Cegetel où il prend la charge des projets e-commerce de l'opérateur puis devient consultant indépendant dans le secteur télécoms. En janvier 2000 David Bitton abandonne le consulting pour créer Oreka.

   
 
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