INTERVIEW
 
Président
CDC-Kineon
Yann Boaretto
"Titre"
CDC-Kineon est la structure d'investissements créée par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) en octobre 2000 pour assurer la veille du groupe financier sur Internet (Lire l'article du JDNet). Après un an d'existence, son président, Yann Boaretto, explique pourquoi il a retenu les six projets financés (Advention, Eternis éditeur d'Agevillage.com, Novethic, CDC-Zantaz, Mic2 et Triops Numéric) et s'inquiète de l'assèchement des moyens données à l'innovation : "Toute la chaîne du financement des jeunes entreprises est en train de se bloquer."11 octobre 2001
 
          

JDNet. Quelles sont les raisons qui avaient présidé au lancement de CDC Kineon ?
Yann Boaretto. L'idée de départ de CDC Kineon était de mettre au jour et de financer des projets qui améliorent les aspects techniques ou les services Internet, tout en s'insérant dans la stratégie d'un des dix-huit métiers de notre groupe. L'objectif n'était donc pas de créer un fonds de capital-risque traditionnel supplémentaire, mais bien un fonds "industriel".

Mais pourquoi avoir créé une structure externe alors que les filiales de la CDC auraient pu elles-mêmes gérer ces projets en interne ?
Car je pense que la création ne doit jamais être réalisée uniquement pour soi. L'innovation est toujours plus créative à l'extérieur qu'à l'intérieur du groupe et elle n'a d'intérêt que si elle est utilisée par le reste du marché. Ensuite, les projets développés uniquement en interne se heurtent à trop de contraintes, aussi bien au niveau technique que financier. La facturation des services, par exemple, ne satisfera jamais les deux parties. L'idée, dans le cas de CDC Kineon, est donc de mixer plusieurs logiques. Nous disons : si vous voulez savoir combien coûte et combien rapporte un projet Internet, nous allons créer une structure juridique indépendante et la financer. Par ailleurs, CDC Kineon doit être un écrin qui protège le projet des travers du groupe.

Quels sont les projets qui ont vu le jour depuis la création de CDC-Kineon et pourquoi ceux-là ?
Le premier, Novethic.fr, un portail d'information financière sur les sociétés éthiques, est un bon exemple de ce que nous voulions faire. Au départ, le dossier présenté était juste une idée. Elle émanait d'un membre de la direction stratégique de la CDC. Ce qui était un élément important car nous voulions également que CDC Kineon ait vocation à aider l'essaimage au sein du groupe. Le deuxième projet financé illustre également notre volonté à aider le groupe à mieux utiliser Internet. La CDC, a, dans ses missions, un rôle de consignations, notamment sur des documents papiers. Le groupe sait faire le stockage mais pas l'archivage électronique, qui est pourtant vital pour l'avenir de ce métier. Nous avons donc effectué des recherches et repéré une société américaine, Zantaz, qui s'était spécialisée dans l'archivage électronique. Après des négociations, nous avons créé CDC-Zantaz et nous avons investi 5,5 millions d'euros dans le projet. Les autres participations que nous avons prises ensuite découlent de la même logique. Agevillage pourra être ainsi le portail du 4ème âge, associé à Médica France, une structure de la CDC qui est le premier gestionnaire de maisons de retraites médicalisées en France. De son côté, Triops Numeric, qui travaille sur la numérisation de documents authentiques, vise le marché des notaires, eux-mêmes partenaires de la CDC. Toutes ces participations ont en commun de pouvoir apporter de l'innovation dans nos métiers traditionnels.

Vous disposiez de 100 millions d'euros au départ. Combien en avez-vous investis ?
Nous avons sept participations dans lesquelles nous avons investi 15 millions d'euros. Quand nous avons créé CDC Kineon, nous avions prévu de nous financer en deux tranches de 50 millions d'euros, le deuxième versement intervenant début 2002. Mais le calcul avait été fait sur la base des valorisations du début de l'année 2000. Avec la baisse des valorisations actuelles, nous n'aurons donc pas besoin de solliciter la deuxième tranche à cette date. Mais cela ne veut pas dire que nous investirons moins dans les projets. Car les besoins en financement restent les mêmes. Seulement, nous prendrons une part plus importante du capital.

A quel stade d'investissement intervenez-vous et acceptez-vous la présence de sociétés purement financières lors de vos tours de table ?
Nous pouvons couvrir toute la palette d'interventions en capital-investissement. De l'amorçage jusqu'à du capital-développement. Et nous sommes très favorables à des co-investissements, notamment avec des capitaux-risqueurs traditionnels. Même si nous avons une optique industrielle lors de nos investissements, je trouve sain qu'il y ait des logiques différentes chez les actionnaires. Les vrais financiers permettent d'insister notamment sur la rentabilité financière de la start-up et donnent ainsi des garanties de gestion à la CDC, qui attend légitimement un contrôle strict des dépenses de CDC Kineon. Je rappellerai d'ailleurs à ce sujet que nous sommes une filiale de premier rang de la CDC. Ce qui veut dire que nous sommes une société à capitaux publics et que la Cour des comptes est susceptible de nous contrôler.

Les financiers concentrent leurs investissements sur les éditeurs de logiciels et la technologie pure. Suivez vous la même logique ?
Non. Nous n'avons pas besoin d'une technologie hors-normes pour investir dans un projet. Notre objectif est plutôt de financer l'innovation du groupe, ce qui est très différent. Eternis (Agevillage) ou Novethic.fr n'ont pas forcément une très forte barrière technologique à l'entrée mais sont à mon sens des services innovants. Ils permettent de faire avancer, voire de moderniser le secteur. En revanche, il faudrait que les entrepreneurs soient plus lucides sur Internet. Il y a d'excellents services utiles sur le Web mais, malheureusement, tous ne pourront pas être rentabilisés. Les porteurs de projets doivent prendre conscience des limites du business sur Internet.

Les prévisions en matière de capital-risque pour la prochaine année ne sont guère optimistes. Partagez-vous cet avis ?
L'atterrissage violent après la folle période de l'an dernier ne m'a guère surpris. En revanche, je pensais qu'on aurait un relais assuré dans le secteur grâce à l'arrivée de fonds américains ou au renforcement de la présence des fonds industriels. Or, sous la pression de la Bourse, ce mécanisme s'est très vite arrêté. Toute la chaîne du financement des jeunes entreprises est en train de se bloquer. Les fonds d'amorçage sont même obligés de sortir de leur rôle en re-finançant leurs premiers tours. Les capitaux-risqueurs ont tendance à privilégier des sociétés beaucoup plus matures pour limiter le risque.

Les entreprises semblent également se détourner provisoirement du financement de l'innovation, alors que cela devrait rester un impératif...
Si le volet financier est important, je pense que cela s'explique également par un aspect psychologique. Les patrons en ont à mon avis assez de l'informatique. Avec l'euro, le passage à l'an 2000, la pression sur leurs épaules pour moderniser les systèmes informatiques a été forte. Si vous rajoutez à cela la course à Internet qu'on leur a imposé à la fin 1999, on peut comprendre leur réaction. Actuellement, les grands patrons éprouvent le besoin de souffler en ne se précipitant pas sur toutes les dernières nouveautés technologiques. C'est dommage, car les petites entreprises ont du coup du mal à se faire entendre alors que c'est maintenant qu'elles ont besoin d'aide.

Qu'est ce que vous aimez sur Internet ?
J'aime bien les sites qui font preuve de pertinence et où l'on passe plus de temps que prévu.

Quel est votre site d'information favori ?
Nytimes.com, le site New York Times. C'est typiquement un exemple de ce que je vous expliquais. A chaque fois que je le visite, j'y passe plus de temps que prévu.

Qu'est ce que vous n'aimez pas sur Internet ?
Les sites qui me font perdre mon temps.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Yann Boaretto, 49 ans, est diplômé de l'Ecole Polytechnique, de l'Ecole nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA) et de l'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN). Inspecteur général des finances et ingénieur général de l'armement, il a été, avant de prendre la tête de CDC-Kineon en 2000, directeur général informatique de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

   
 
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