JDNet.
Quelles sont les raisons qui avaient présidé
au lancement de CDC Kineon ?
Yann Boaretto.
L'idée
de départ de CDC Kineon était de mettre au jour et de
financer des projets qui améliorent les aspects techniques
ou les services Internet, tout en s'insérant dans la
stratégie d'un des dix-huit métiers de notre groupe.
L'objectif n'était donc pas de créer un fonds de capital-risque
traditionnel supplémentaire, mais bien un fonds "industriel".
Mais
pourquoi avoir créé une structure externe
alors que les filiales de la CDC auraient pu elles-mêmes
gérer ces projets en interne ?
Car
je pense que la création ne doit jamais être réalisée
uniquement pour soi. L'innovation est toujours plus
créative à l'extérieur qu'à l'intérieur du groupe et
elle n'a d'intérêt que si elle est utilisée par le reste
du marché. Ensuite, les projets développés uniquement
en interne se heurtent à trop de contraintes, aussi
bien au niveau technique que financier. La facturation
des services, par exemple, ne satisfera jamais les deux
parties. L'idée, dans le cas de CDC Kineon, est donc
de mixer plusieurs logiques. Nous disons : si vous voulez
savoir combien coûte et combien rapporte un projet Internet,
nous allons créer une structure juridique indépendante
et la financer. Par ailleurs, CDC Kineon doit être un
écrin qui protège le projet des travers du groupe.
Quels
sont les projets qui ont vu le jour depuis la création
de CDC-Kineon et pourquoi ceux-là ?
Le
premier, Novethic.fr, un portail d'information financière
sur les sociétés éthiques, est un bon exemple de ce
que nous voulions faire. Au départ, le dossier présenté
était juste une idée. Elle émanait d'un membre de la
direction stratégique de la CDC. Ce qui était un élément
important car nous voulions également que CDC Kineon
ait vocation à aider l'essaimage au sein du groupe.
Le deuxième projet financé illustre également
notre volonté à aider le groupe à mieux utiliser Internet.
La CDC, a, dans ses missions, un rôle de consignations,
notamment sur des documents papiers. Le groupe sait
faire le stockage mais pas l'archivage électronique,
qui est pourtant vital pour l'avenir de ce métier. Nous
avons donc effectué des recherches et repéré une société
américaine, Zantaz, qui s'était spécialisée dans l'archivage
électronique. Après des négociations, nous avons créé
CDC-Zantaz et nous avons investi 5,5 millions d'euros
dans le projet. Les autres participations que nous avons
prises ensuite découlent de la même logique. Agevillage
pourra être ainsi le portail du 4ème âge, associé à
Médica France, une structure de la CDC qui est le premier
gestionnaire de maisons de retraites médicalisées en
France. De son côté, Triops Numeric, qui travaille sur
la numérisation de documents authentiques, vise le marché
des notaires, eux-mêmes partenaires de la CDC. Toutes
ces participations ont en commun de pouvoir apporter
de l'innovation dans nos métiers traditionnels.
Vous
disposiez de 100 millions d'euros au départ.
Combien en avez-vous investis ?
Nous avons sept participations dans lesquelles nous
avons investi 15 millions d'euros. Quand nous avons
créé CDC Kineon, nous avions prévu de nous financer
en deux tranches de 50 millions d'euros, le deuxième
versement intervenant début 2002. Mais le calcul avait
été fait sur la base des valorisations du début de l'année
2000. Avec la baisse des valorisations actuelles, nous
n'aurons donc pas besoin de solliciter la deuxième tranche
à cette date. Mais cela ne veut pas dire que nous investirons
moins dans les projets. Car les besoins en financement
restent les mêmes. Seulement, nous prendrons une part
plus importante du capital.
A
quel stade d'investissement intervenez-vous et acceptez-vous
la présence de sociétés purement
financières lors de vos tours de table ?
Nous
pouvons couvrir toute la palette d'interventions en
capital-investissement. De l'amorçage jusqu'à du capital-développement.
Et nous sommes très favorables à des co-investissements,
notamment avec des capitaux-risqueurs traditionnels.
Même si nous avons une optique industrielle lors de
nos investissements, je trouve sain qu'il y ait des
logiques différentes chez les actionnaires. Les vrais
financiers permettent d'insister notamment sur la rentabilité
financière de la start-up et donnent ainsi des garanties
de gestion à la CDC, qui attend légitimement un contrôle
strict des dépenses de CDC Kineon. Je rappellerai d'ailleurs
à ce sujet que nous sommes une filiale de premier rang
de la CDC. Ce qui veut dire que nous sommes une société
à capitaux publics et que la Cour des comptes est susceptible
de nous contrôler.
Les
financiers concentrent leurs investissements sur les
éditeurs de logiciels et la technologie pure.
Suivez vous la même logique ?
Non.
Nous n'avons pas besoin d'une technologie hors-normes
pour investir dans un projet. Notre objectif est plutôt
de financer l'innovation du groupe, ce qui est très
différent. Eternis (Agevillage) ou Novethic.fr n'ont
pas forcément une très forte barrière technologique
à l'entrée mais
sont à mon sens des services innovants. Ils permettent
de faire avancer, voire de moderniser le secteur. En
revanche, il faudrait que les entrepreneurs soient plus
lucides sur Internet. Il y a d'excellents services utiles
sur le Web mais, malheureusement, tous ne pourront pas
être rentabilisés. Les porteurs de projets doivent prendre
conscience des limites du business sur Internet.
Les
prévisions en matière de capital-risque
pour la prochaine année ne sont guère
optimistes. Partagez-vous cet avis ?
L'atterrissage
violent après la folle période de l'an dernier ne m'a
guère surpris. En revanche, je pensais qu'on aurait
un relais assuré dans le secteur grâce à l'arrivée de
fonds américains ou au renforcement de la présence des
fonds industriels. Or, sous la pression de la Bourse,
ce mécanisme s'est très vite arrêté. Toute la chaîne
du financement des jeunes entreprises est en train de
se bloquer. Les fonds d'amorçage sont même obligés
de sortir de leur rôle en re-finançant leurs premiers
tours. Les capitaux-risqueurs ont tendance à privilégier
des sociétés beaucoup plus matures pour limiter le risque.
Les
entreprises semblent également se détourner
provisoirement du financement de l'innovation, alors
que cela devrait rester un impératif...
Si
le volet financier est important, je pense que cela
s'explique également par un aspect psychologique. Les
patrons en ont à mon avis assez de l'informatique. Avec
l'euro, le passage à l'an 2000, la pression sur leurs
épaules pour moderniser les systèmes informatiques a
été forte. Si vous rajoutez à cela la course à Internet
qu'on leur a imposé à la fin 1999, on peut comprendre
leur réaction. Actuellement, les grands patrons éprouvent
le besoin de souffler en ne se précipitant pas sur toutes
les dernières nouveautés technologiques. C'est dommage,
car les petites entreprises ont du coup du mal à se
faire entendre alors que c'est maintenant qu'elles ont
besoin d'aide.
Qu'est
ce que vous aimez sur Internet
?
J'aime bien les sites qui font preuve de pertinence
et où l'on passe plus de temps que prévu.
Quel
est votre site d'information favori
?
Nytimes.com,
le site New York Times. C'est typiquement un exemple
de ce que je vous expliquais. A chaque fois que je le
visite, j'y passe plus de temps que prévu.
Qu'est
ce que vous n'aimez pas sur Internet
?
Les sites qui me font perdre mon temps.
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