INTERVIEW
 
Co-fondateurs
Lenegociateur
Céline Bonan et Roman Carel

Céline Bonan et Roman Carel ont retrouvé le sourire. Encore à L'Institut du Multimédia en octobre 1999, ils lancent avec deux associés Lenegociateur, un site comparateur de prix. Le 31 mai 2000, le capital risqueur qui s'apprêtait à investir dans le site leur claque dans les doigts. Panique. Mais aujourd'hui, ils se sont fait racheter. Entretien à deux voix sur les aléas d'une start-up.24 août 2000
 
          

JDNet. Avec quels fonds avez-vous lancé votre start-up ?
Céline Bonan. 800.000 francs nous ont été versés par trois business angels.

Quel problème avez-vous rencontré au lancement du site?
Roman Carel. Nous avons pêché au niveau du recrutement. L'un de nos collaborateur-actionnaire participait à d'autres activités en parallèle et ne s'est pas concentré sur son travail au sein du Négociateur. Les erreurs ont été partagées. Les développeurs de la SSII ont réalisé des scriptes imparfaits et notre collaborateur n'a pas validé le travail du prestataire. Il est parti en Angleterre en septembre 1999, au tout début de l'aventure.

Cette erreur dans le choix d'un collaborateur a-t-elle beaucoup porté préjudice?

CB. Disons que nous avons perdu beaucoup de temps en pourparlers sur son départ, et sur le rachat de ses parts. Ce temps perdu, nous aurions pu le consacrer au site à proprement parler.

Il y a eu d'autres défections dans l'équipe?
CB. Les deux autres fondateurs. Edouard est parti faire son service et est devenu webmaster de l'Elysée, en février. Nicolas a quitté la société en mai. Il était vraiment surmené et n'a pas tenu le coup. Il prenait le travail beaucoup trop à coeur. Je ne pense pas qu'il gardera une bonne expérience du monde du travail.
RC. A ce moment-là, on s'est dit qu'il fallait un peu lever le pied, travailler avec des horaires décents et prendre quelques jours de repos de temps à autre.

Comment avez-vous géré le développement du site?
RC. Dès septembre, nous avons choisi un prestataire en Inde pour le développement de notre plate-forme : la société Ruksun. Il y a très peu de décalage horaire - un peu plus de 4 heures - et notre collaboration se passe très bien. On se contacte par mail et ICQ, et ils viennent nous voir ici tous les deux mois.

Comment avez-vous recherché des investisseurs?
CB. Nous avons validé notre formation début février. Fin février, nous avons pris contact avec plusieurs fonds d'investissements pour lever 20 millions de francs.
RC. Mais trop tard...

Vous pensez que vous auriez pu lever des fonds plus tôt?
CB. On aurait pu rechercher de l'argent dès juin, mais on a voulu être minutieux.

Que vous ont répondu les fonds d'investissements?

CB. La plupart d'entre eux nous ont dit : "on reviendra vers vous pour le deuxième tour, mais on ne peut pas financer le premier."

Et là arrive un important fonds d'investissement...
CB. Exact. Fin mai, début avril, nous sommes allés les démarcher.

C'était l'époque où Kelkoo recherchait ses 200 millions ?
CB. Oui. Mais ils ont refusé Kelkoo, et ils ont accepté notre demande, nous étions rudement fiers. (sourires)
RC. Ils nous ont envoyé une lettre d'intention avec une "obligation d'exclusivité" d'un mois de notre côté. Autrement dit, nous n'avions pas le droit de démarcher d'autres fonds d'investissement. Il y était inscrit que le fonds allait investir les 20 millions de francs sous quelques conditions.

Quelles étaient les conditions de l'investissement?
CB. Notamment un audit financier qui a d'ailleurs été réalisé par Arthur Andersen.

Avez-vous vraiment commencé à travailler avec ce fonds?
RC. Nous avons commencé à travailler avec eux sans signer le contrat. Le fonds d'investissement était en plein chamboulement, nous avons eu à faire à plusieurs personnes différentes pour chapeauter notre projet.
CB. Nous étions incubé par eux. Nous avons donc ensemble établi des plannings de publicité, sélectionné des agences, commencé le recrutement...

Le e-krach est arrivé en plein milieu de vos négociations...
CB. En plein milieu. Et le fonds d'investissement avait dans son portefeuille une start-up qui posait problème (NDLR : Boo).

Racontez-nous comment s'est déroulée la journée où vous avez appris que le fonds refusait de vous financer
CB. C'était le mercredi 31 mai, le dernier jour de l'exclusivité...le "mercredi noir". Le fonds d'investissement nous appelle vers 11h00 pour nous prévenir de notre déménagement, puisque nous allions intégrer leurs locaux.
RC. Deuxième coup de téléphone vers 14h00 pour prendre un rendez-vous pour la semaine d'après afin de signer notre contrat...
CB. Troisième coup de téléphone, à 17 heures : "LibertySurf vient de racheter Toboo. Etant donné qu'on a investi dans LibertySurf, on ne peut pas avoir dans notre portefeuille un shopbot concurrent de Toboo."
RC. On était tous au bureau. C'est Céline qui a répondu au téléphone. Je l'ai vu devenir toute blanche.
CB. Et le meilleur, c'est qu'ils m'ont dit ensuite "Vraiment, vous êtes une équipe formidable, vous travaillez très bien..."

Un gros coup au moral...
RC. C'était la veille d'un long week-end où on devait partir pour se reposer un peu avant de signer et de s'investir comme des brutes. Je ne vous raconte pas le week-end... Le mental en a vraiment pris un sacré coup.
CB. Toutes nos idées, ce qui faisait notre différence par rapport à nos concurrents dans notre stratégie... tout ça à été dévoilé à notre investisseur potentiel. Et les idées, elles peuvent s'envoler du tiroir où elles ont été rangées.

Pensez-vous que c'était une erreur de signer une promesse d'exclusivité d'un mois avec cet investisseur?
Peut-être qu'on aurait pu ajouter la même close vis à vis de l'investisseur : interdiction de proposer des fonds à des sociétés concurrentes.

Pourquoi avez vous pris la décision d'accepter de vous faire racheter ?
CB. La semaine suivante, on s'est réuni avec les actionnaires et toute l'équipe. On a évalué les options qui se présentaient à nous. On ne pouvait pas remanier notre dossier pour préparer une nouvelle de lever de fonds. Nous n'avions pas le temps.

Avez-vous reçu beaucoup de propositions de rachat?
RC. On a reçu des demandes par mails et par téléphone. On avait entendu parler de sociétés étrangères qui voulaient s'implanter en France.

Et vous avez choisi l'une d'entre elles...
CB. Vous saurez qui bientôt. Nous serons leur équipe française.

L'argent, c'est uniquement ce qui vous a manqué pour rester indépendant?
RC. On avait tout pour bien marcher : les neurones et la notoriété. Même si nous n'avions pas levé de fonds, on parlait de nous dans les journaux. Mais sans argent, on 'a pu développer notre technique qu'à moitié. C'est vraiment dommage.

Les média ont beaucoup parlé de vous, même si vous n'avez pas levé d'argent. Avez-vous eu des retombées de cette médiatisation ?

RC. Nous sommes dans le créneau des sujets en vogue des médias. D'abord, nous sommes des étudiants qui avons fondé une start-up. Ensuite, Céline est une femme à la tête d'une société.
CB. Qui plus est, nous sommes installés dans le silicon sentier.
RC. Ensuite, nous préparions une levée de fonds, puis elle a avorté, et enfin nous nous faisons reprendre.
CB. L'émission Envoyé Spécial passé à la télé fin mars a eu un grand impact. Même si on pense qu'on nous a un peu fait passer pour des gens avec des dollars à la place des yeux. Nous avons reçu 2.000 à 3.000 mails. La plupart encourageants, certains, agressifs. Quelqu'un nous a appelé pour nous dire qu'il voulait investir 10 millions. Il nous a donné deux rendez-vous et n'est jamais venu. J'ai un mail qu'on a recu. Nom de l'expéditeur : un certain Briochou. "Salut, très bien l'émission hier soir, vous êtes sur la voie, continuez et encore une fois bravo!!! Alors voilà je suis artisan briocher je cherche a faire connaître mes produits pouvez s.v.p. me renseigner sur les méthodes, pour exposer sur le net avec le minimum d'investissement." (photo des brioches en pièce jointe).

 
Propos recueillis par Catherine Pinet

PARCOURS
 
Céline Bonan et Roman Carel sont nés en 1976. Ils ont obtenus le diplôme de chef de projet multimédia à l'Institut International du Multimédia en juin 2000, après avoir lancé Lenegociateur.com, dans le cadre de leur formation.

   
 
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