JDNet.
Avec quels fonds avez-vous lancé votre start-up ?
Céline
Bonan. 800.000
francs nous ont été versés par trois
business angels.
Quel problème
avez-vous rencontré au lancement du site?
Roman Carel.
Nous avons pêché
au niveau du recrutement. L'un de nos collaborateur-actionnaire
participait à d'autres activités en parallèle
et ne s'est pas concentré sur son travail au sein du
Négociateur. Les erreurs ont été partagées.
Les développeurs de la SSII ont réalisé
des scriptes imparfaits et notre collaborateur n'a pas validé
le travail du prestataire. Il est parti en Angleterre en septembre
1999, au tout début de l'aventure.
Cette erreur
dans le choix d'un collaborateur a-t-elle beaucoup porté
préjudice?
CB. Disons que nous avons
perdu beaucoup de temps en pourparlers sur son départ,
et sur le rachat de ses parts. Ce temps perdu, nous aurions
pu le consacrer au site à proprement parler.
Il y a
eu d'autres défections dans l'équipe?
CB. Les
deux autres fondateurs. Edouard est parti faire son service
et est devenu webmaster de l'Elysée, en février.
Nicolas a quitté la société en mai. Il
était vraiment surmené et n'a pas tenu le coup.
Il prenait le travail beaucoup trop à coeur. Je ne
pense pas qu'il gardera une bonne expérience du monde
du travail.
RC. A ce moment-là, on s'est dit qu'il fallait
un peu lever le pied, travailler avec des horaires décents
et prendre quelques jours de repos de temps à autre.
Comment
avez-vous géré le développement du site?
RC. Dès septembre,
nous avons choisi un prestataire en Inde pour le développement
de notre plate-forme : la société Ruksun.
Il y a très peu de décalage horaire - un
peu plus de 4 heures - et notre collaboration se passe
très bien. On se contacte par mail et ICQ, et ils viennent
nous voir ici tous les deux mois.
Comment
avez-vous recherché des investisseurs?
CB. Nous
avons validé notre formation début février.
Fin février, nous avons pris contact avec plusieurs
fonds d'investissements pour lever 20 millions de francs.
RC. Mais trop tard...
Vous pensez
que vous auriez pu lever des fonds plus tôt?
CB. On aurait
pu rechercher de l'argent dès juin, mais on a voulu
être minutieux.
Que vous
ont répondu les fonds d'investissements?
CB. La plupart d'entre
eux nous ont dit : "on reviendra vers vous pour
le deuxième tour, mais on ne peut pas financer le premier."
Et là
arrive un important fonds d'investissement...
CB. Exact.
Fin mai, début avril, nous sommes allés les
démarcher.
C'était
l'époque où Kelkoo recherchait ses 200 millions ?
CB.
Oui. Mais ils ont refusé Kelkoo,
et ils ont accepté notre demande, nous étions
rudement fiers. (sourires)
RC. Ils nous ont envoyé
une lettre d'intention avec une "obligation d'exclusivité"
d'un mois de notre côté. Autrement dit, nous
n'avions pas le droit de démarcher d'autres fonds d'investissement.
Il y était inscrit que le fonds allait investir les
20 millions de francs sous quelques conditions.
Quelles
étaient les conditions de l'investissement?
CB. Notamment un audit
financier qui a d'ailleurs été réalisé
par Arthur Andersen.
Avez-vous
vraiment commencé à travailler avec ce fonds?
RC. Nous
avons commencé à travailler avec eux sans signer
le contrat. Le fonds d'investissement était en plein
chamboulement, nous avons eu à faire à plusieurs
personnes différentes pour chapeauter notre projet.
CB. Nous étions incubé par eux. Nous
avons donc ensemble établi des plannings de publicité,
sélectionné des agences, commencé le
recrutement...
Le e-krach
est arrivé en plein milieu de vos négociations...
CB. En plein
milieu. Et le fonds d'investissement avait dans son portefeuille
une start-up qui posait problème (NDLR : Boo).
Racontez-nous
comment s'est déroulée la journée où
vous avez appris que le fonds refusait de vous financer
CB. C'était
le mercredi 31 mai, le dernier jour de l'exclusivité...le
"mercredi noir". Le fonds d'investissement nous
appelle vers 11h00 pour nous prévenir de notre déménagement,
puisque nous allions intégrer leurs locaux.
RC. Deuxième coup de téléphone
vers 14h00 pour prendre un rendez-vous pour la semaine d'après
afin de signer notre contrat...
CB. Troisième coup de téléphone,
à 17 heures : "LibertySurf vient de racheter
Toboo.
Etant donné qu'on a investi dans LibertySurf, on ne
peut pas avoir dans notre portefeuille un shopbot concurrent
de Toboo."
RC. On était
tous au bureau. C'est Céline qui a répondu au
téléphone. Je l'ai vu devenir toute blanche.
CB. Et le meilleur, c'est qu'ils m'ont dit ensuite
"Vraiment, vous êtes une équipe formidable,
vous travaillez très bien..."
Un gros
coup au moral...
RC. C'était
la veille d'un long week-end où on devait partir pour
se reposer un peu avant de signer et de s'investir comme des
brutes. Je ne vous raconte pas le week-end... Le mental en
a vraiment pris un sacré coup.
CB. Toutes nos idées, ce qui faisait notre différence
par rapport à nos concurrents dans notre stratégie...
tout ça à été dévoilé
à notre investisseur potentiel. Et les idées,
elles peuvent s'envoler du tiroir où elles ont été
rangées.
Pensez-vous
que c'était une erreur de signer une promesse d'exclusivité
d'un mois avec cet investisseur?
Peut-être
qu'on aurait pu ajouter la même close vis à vis
de l'investisseur : interdiction de proposer des fonds
à des sociétés concurrentes.
Pourquoi
avez vous pris la décision d'accepter de vous faire
racheter ?
CB. La semaine
suivante, on s'est réuni avec les actionnaires et toute
l'équipe. On a évalué les options qui
se présentaient à nous. On ne pouvait pas remanier
notre dossier pour préparer une nouvelle de lever de
fonds. Nous n'avions pas le temps.
Avez-vous
reçu beaucoup de propositions de rachat?
RC. On a
reçu des demandes par mails et par téléphone.
On avait entendu parler de sociétés étrangères
qui voulaient s'implanter en France.
Et vous
avez choisi l'une d'entre elles...
CB. Vous saurez qui bientôt.
Nous serons leur équipe française.
L'argent,
c'est uniquement ce qui vous a manqué pour rester indépendant?
RC. On avait
tout pour bien marcher : les neurones et la notoriété.
Même si nous n'avions pas levé de fonds, on parlait
de nous dans les journaux. Mais sans argent, on 'a pu développer
notre technique qu'à moitié. C'est vraiment
dommage.
Les média
ont beaucoup parlé de vous, même si vous n'avez
pas levé d'argent. Avez-vous eu des retombées
de cette médiatisation ?
RC.
Nous sommes dans le créneau des sujets en vogue des
médias. D'abord, nous sommes des étudiants qui
avons fondé une start-up. Ensuite, Céline est
une femme à la tête d'une société.
CB. Qui plus est, nous sommes installés dans
le silicon sentier.
RC. Ensuite, nous préparions une levée
de fonds, puis elle a avorté, et enfin nous nous faisons
reprendre.
CB. L'émission Envoyé Spécial
passé à la télé fin mars a eu
un grand impact. Même si on pense qu'on nous a un peu
fait passer pour des gens avec des dollars à la place
des yeux. Nous avons reçu 2.000 à 3.000 mails.
La plupart encourageants, certains, agressifs. Quelqu'un nous
a appelé pour nous dire qu'il voulait investir 10 millions.
Il nous a donné deux rendez-vous et n'est jamais venu.
J'ai un mail qu'on a recu.
Nom de l'expéditeur : un certain Briochou. "Salut,
très bien l'émission hier soir, vous êtes sur la voie, continuez
et encore une fois bravo!!! Alors voilà je suis artisan briocher
je cherche a faire connaître mes produits pouvez s.v.p. me
renseigner sur les méthodes, pour exposer sur le net avec
le minimum d'investissement." (photo des brioches
en pièce jointe).
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