JDNet.
Vous avez créé Meubles.com il y a un an. Pouvez-vous
revenir sur le contexte de cette création?
Michel Carite.
Alain Touret et moi-même
avons tous les deux une longue carrière dans le meuble.
Alain Touret était patron de Pier-Import et moi-même,
j'ai été celui de Levitan, de Kuom et du plus
gros fabricant de meuble français, le groupe Dumeste.
Tout cela, jusqu'en 1991, date à laquelle j'ai tout
vendu, avec la ferme intention de ne plus revenir dans le
meuble. Ayant par la suite des intérêts dans
des start-up, j'ai compris très vite, que ces sociétés
d'e-commerce agissaient, ni plus ni moins, comme des vépécistes.
Et parce qu'elles étaient confrontées aux mêmes
problèmes que la VPC, elles ne pouvaient offrir ni
plus de choix, ni de meilleurs prix, ni de meilleurs services.
Avec la seule petite nuance qu'elles étaient ouvertes
24 heures sur 24. Aussi, j'ai toujours pensé que si
elles n'étaient pas associées à une véritable
société brick and mortar, elles seraient marginalisées.
Cette règle est vrai dans tous les domaines, sauf un
: le meuble.
Pour quelle
raison ?
Pour une raison
très simple : les magasins de meubles qui vendent des
produits de qualité n'ont généralement
pas de stock. Lorsqu'un client passe commande, le produit
est fabriqué pour lui. De fait, les délais de
livraison sont assez longs : entre huit et dix semaines. Par
ailleurs, le choix est souvent limité et dépend
directement de la taille
du magasin. Alors j'ai eu l'idée de créer un
site, qui comme les magasins, n'a pas de stock, mais contrairement
à eux, peut proposer 10.000 produits au lieu d'une
centaine. De même, n'ayant ni magasin, ni vendeurs,
je pouvais vendre réellement moins cher.
Combien
de produits proposez-vous aujourd'hui ? Nous
avons aujourd'hui plus de 25.000 produits en ligne, présentés
dans un contexte purement commercial. Lorsque l'internaute
rentre sur le site, il entre dans une offre commerciale. Sur
la colonne de gauche se trouvent les catégories d'articles,
tandis qu'à droite se trouvent les services. En trois
clics, vous pouvez trouver le produit que vous cherchez. Nous
offrons les deux critères qui, pour moi, sont les bases
de la distribution. Premièrement, nous avons le choix
le plus immense offert en Europe. Cela nous distingue des
enseignes réelles qui ne peuvent pas proposer sur leur
site plus de produits que dans leurs points de vente sans
affecter leur image. Deuxièmement, nous vendons entre
20 et 30% moins cher que les magasins traditionnels. Ces prix
sont possibles car nous avons effectué une rupture
de la chaîne de la valeur en supprimant un intermédiaire
: le magasin.
Pensez-vous
réellement que le prix soit un élément
déterminant de la venue des consommateurs sur Internet
?
Je pense que les
internautes sont persuadés que les produits sur Internet
sont vendus moins cher que dans la distribution traditionnelle.
Il faut donc jouer cette carte. Toutefois, la grosse majorité
des marchands ne peuvent pas vendre à bas prix. Nous
faisons partie des exceptions, tout comme certains sites de
voyage.
Que pensez-vous
des démarches de certains sites liés à
des enseignes physiques, qui proposent un assortiment de produits
inférieur aux magasins ?
Je ne peux pas
imaginer que cette stratégie procède d'une démarche
commerciale. Si vous avez 100 produits quelque part, je ne
vois pas pourquoi vous n'en mettriez que 27 sur le Net. En
fait, ce qui va se produire à terme sur Internet, c'est
plutôt l'inverse. Il y aura, un jour, des distributeurs
physiques qui mettront sur le Net plus de produits que ce
qu'ils ont dans leurs magasins. C'est ce que fera sans doute
Carrefour dans certains rayons. Si ce n'est pas le cas pour
l'instant, c'est pour des raisons financières et des
problèmes de taille du marché Internet, où
vous ne pouvez pas nourrir les volumes nécessaires
pour rentabiliser votre exploitation.
Un
an après, quel bilan faites-vous de vos activités
sur le Net et quelles sont vos perspectives ?
Nous pensons être
à l'équilibre d'ici la fin du premier semestre.
Aujourd'hui, nous enregistrons en moyenne cinq à dix
achats par jour, pour un panier moyen entre 7 et 8.000 francs.
Nous faisons plus de 1 million de chiffre d'affaires par mois
et notre tendance, sur ces dernières semaines est d'environ
1,5 à 2 millions de francs par mois, sans publicité
et avec sept personnes. Le nombre de visiteurs uniques oscille
entre 2.500 et 3.000 par jour. Par rapport à ce trafic,
le taux de concrétisation est de l'ordre de 0,3%. Quant-aux
perspectives... Le marché du meuble, c'était,
en 2000, environ 65 milliards de francs en France. Mais si
vous prenez l'Allemagne, c'est quatre fois plus, soit 250
milliards de francs. Sur ce marché global, la VPC représente
7% du marché en France, soit 4,5 milliards. Il suffirait
que Meubles.com fasse 10% de ce total et nous réaliserions
450 millions de CA. Et il n'y a aucune raison pour qu'à
terme, nous ne le faisions pas. Nous avons un choix cinq fois
plus large que celui de la Camif ou de la Redoute, avec des
prix moins élevés et des services similaires.
Nous livrons le meuble au moment choisi par l'acheteur et
nous le montons.
Mais les
délais de livraison sont-ils aussi importants en VPC
que chez-vous ? Et ne pensez-vous pas que de tels délais
sont un handicap ?
Nous avons les
mêmes délais de livraison que ceux de la VPC.
Et ce n'est pas le problème de Meubles.com, c'est celui
de l'industrie française du meuble. Les trois quart
des meubles qui se vendent en France se vendent avec des délais.
Parce que le choix est trop grand. Et en fait, les usines
fabriquent quasiment les meubles à l'unité,
donc sont habituées à fonctionner avec ce système.
Sur ce segment de marché, quel que soit le revendeur,
les conditions de livraison seront les mêmes.
Vous disiez
tout-à l'heure que le meuble était un des seuls
secteurs sur Internet qui pouvait se passer du support de
sociétés avec un réseau physique. Comment
expliquez-vous votre association avec Carrefour, qui est entré
à 20% dans votre capital ?
Lorsque l'année
dernière j'ai cédé à la mode et
voulu lever de l'argent à l'extérieur, j'ai
rencontré deux types d'intervenants extérieurs.
Il y avait ceux qui ne m'apportaient rien, parce que je n'avais
pas besoin d'eux en termes financiers. Et puis, il y avait
deux groupes industriels, dont Carrefour. Or Carrefour peut
nous apporter un relais physique en cas de besoin. Deuxièmement,
il peut nous procurer l'ouverture mondiale. Je peux aller
demain dans tous les pays où se trouve Carrefour et
recevoir son support. Troisième et dernière
raison : lorsque vous avez un nom générique
comme Meubles.com, le fait de dire que l'on est partenaire
de Carrefour, c'est un plus. Ca rassure le consommateur.
Quels sont
vos projets avec le réseau Carrefour ?
Ils sont de deux
sortes. Comme vous le savez, Carrefour a ouvert un portail
multi-sites, avec bientôt un site sur le multimédia.
Dans ce cadre, nous sommes leur partenaire pour les meubles.
Deuxièmement, Carrefour ne vend pratiquement pas de
meuble dans ses magasins. Il y a juste une petite dizaine
de points de vente où ils ont un mini rayon. Nous sommes
donc parfaitement complémentaire avec leur assortiment.
L'idée consiste à faire des "corners"
dans les magasins Carrefour avec des ordinateurs où
les gens pourront venir directement, avec ou non l'assistance
d'un vendeur. Nous testons à l'heure actuelle un de
ces "corners" dans un magasin de la région
parisienne.
La vente
sur Internet est-elle la solution idéale?
Vous dire qu'il
n'y a aucun problème, ce serait mentir ! Il y a bien
des gens qui n'achèteront jamais sur le Net. Comme
il existe des gens qui n'ont jamais acheté en VPC.
Mais nous pensons que le fait d'avoir le label Carrefour est
à même de rassurer les acheteurs sur la qualité
du service et du suivi. Donc, nous pensons que l'association
des deux donnera de bons résultats.
Quels sont
vos projets en 2001 ?
Nous allons ouvrir
à l'étranger. Nous commençons par l'Allemagne
d'ici un mois. Et nous ouvrirons ensuite ailleurs. Nous sommes
propriétaires du mot meuble dans presque toutes les
langues...
Qu'est-ce
que vous préférez sur Internet ?
Ayant 50 ans, je
trouve Internet rafraîchissant. Je croyais avoir vu
beaucoup de choses dans ma vie professionnelle et pour moi,
c'est un nouveau challenge. C'est une nouvelle forme de pensée
à laquelle j'ai dû m'adapter.
Qu'est-ce
que vous détestez sur Internet ?
Je déteste
quand c'est long, parce que je suis quelqu'un d'impatient.
Lorsque c'est long à charger, je zappe. J'ai une maison
à la campagne où je n'ai pas le haut débit,
je ne m'y sers quasiment jamais d'Internet.
Quels sont
vos sites préférés ?
Je suis un fou
de jardin. Alors je me ballade sur tous les sites de jardin
du monde pour aller chercher la variété que
je ne trouve pas à côté de chez moi.
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