INTERVIEW
 
PDG
Meubles.com
Michel Carite
"Titre"

Spécialisé dans la vente en ligne au grand-public, Meubles.com est présent sur Internet depuis un an. A l'occasion de cet anniversaire, Michel Carite, son PDG et cofondateur avec Alain Touret, tire un premier bilan de l'activité du site marchand (qui compte Carrefour parmi ses actionnaires) et de son modèle purement on-line. Ancien responsable du distributeur de meubles Lévitan, il porte un regard réaliste sur le e-commerce.

27 mars 2001
 
          

JDNet. Vous avez créé Meubles.com il y a un an. Pouvez-vous revenir sur le contexte de cette création?
Michel Carite. Alain Touret et moi-même avons tous les deux une longue carrière dans le meuble. Alain Touret était patron de Pier-Import et moi-même, j'ai été celui de Levitan, de Kuom et du plus gros fabricant de meuble français, le groupe Dumeste. Tout cela, jusqu'en 1991, date à laquelle j'ai tout vendu, avec la ferme intention de ne plus revenir dans le meuble. Ayant par la suite des intérêts dans des start-up, j'ai compris très vite, que ces sociétés d'e-commerce agissaient, ni plus ni moins, comme des vépécistes. Et parce qu'elles étaient confrontées aux mêmes problèmes que la VPC, elles ne pouvaient offrir ni plus de choix, ni de meilleurs prix, ni de meilleurs services. Avec la seule petite nuance qu'elles étaient ouvertes 24 heures sur 24. Aussi, j'ai toujours pensé que si elles n'étaient pas associées à une véritable société brick and mortar, elles seraient marginalisées. Cette règle est vrai dans tous les domaines, sauf un : le meuble.

Pour quelle raison ?
Pour une raison très simple : les magasins de meubles qui vendent des produits de qualité n'ont généralement pas de stock. Lorsqu'un client passe commande, le produit est fabriqué pour lui. De fait, les délais de livraison sont assez longs : entre huit et dix semaines. Par ailleurs, le choix est souvent limité et dépend directement de la taille du magasin. Alors j'ai eu l'idée de créer un site, qui comme les magasins, n'a pas de stock, mais contrairement à eux, peut proposer 10.000 produits au lieu d'une centaine. De même, n'ayant ni magasin, ni vendeurs, je pouvais vendre réellement moins cher.

Combien de produits proposez-vous aujourd'hui ? Nous avons aujourd'hui plus de 25.000 produits en ligne, présentés dans un contexte purement commercial. Lorsque l'internaute rentre sur le site, il entre dans une offre commerciale. Sur la colonne de gauche se trouvent les catégories d'articles, tandis qu'à droite se trouvent les services. En trois clics, vous pouvez trouver le produit que vous cherchez. Nous offrons les deux critères qui, pour moi, sont les bases de la distribution. Premièrement, nous avons le choix le plus immense offert en Europe. Cela nous distingue des enseignes réelles qui ne peuvent pas proposer sur leur site plus de produits que dans leurs points de vente sans affecter leur image. Deuxièmement, nous vendons entre 20 et 30% moins cher que les magasins traditionnels. Ces prix sont possibles car nous avons effectué une rupture de la chaîne de la valeur en supprimant un intermédiaire : le magasin.

Pensez-vous réellement que le prix soit un élément déterminant de la venue des consommateurs sur Internet ?
Je pense que les internautes sont persuadés que les produits sur Internet sont vendus moins cher que dans la distribution traditionnelle. Il faut donc jouer cette carte. Toutefois, la grosse majorité des marchands ne peuvent pas vendre à bas prix. Nous faisons partie des exceptions, tout comme certains sites de voyage.

Que pensez-vous des démarches de certains sites liés à des enseignes physiques, qui proposent un assortiment de produits inférieur aux magasins ?
Je ne peux pas imaginer que cette stratégie procède d'une démarche commerciale. Si vous avez 100 produits quelque part, je ne vois pas pourquoi vous n'en mettriez que 27 sur le Net. En fait, ce qui va se produire à terme sur Internet, c'est plutôt l'inverse. Il y aura, un jour, des distributeurs physiques qui mettront sur le Net plus de produits que ce qu'ils ont dans leurs magasins. C'est ce que fera sans doute Carrefour dans certains rayons. Si ce n'est pas le cas pour l'instant, c'est pour des raisons financières et des problèmes de taille du marché Internet, où vous ne pouvez pas nourrir les volumes nécessaires pour rentabiliser votre exploitation.

Un an après, quel bilan faites-vous de vos activités sur le Net et quelles sont vos perspectives ?
Nous pensons être à l'équilibre d'ici la fin du premier semestre. Aujourd'hui, nous enregistrons en moyenne cinq à dix achats par jour, pour un panier moyen entre 7 et 8.000 francs. Nous faisons plus de 1 million de chiffre d'affaires par mois et notre tendance, sur ces dernières semaines est d'environ 1,5 à 2 millions de francs par mois, sans publicité et avec sept personnes. Le nombre de visiteurs uniques oscille entre 2.500 et 3.000 par jour. Par rapport à ce trafic, le taux de concrétisation est de l'ordre de 0,3%. Quant-aux perspectives... Le marché du meuble, c'était, en 2000, environ 65 milliards de francs en France. Mais si vous prenez l'Allemagne, c'est quatre fois plus, soit 250 milliards de francs. Sur ce marché global, la VPC représente 7% du marché en France, soit 4,5 milliards. Il suffirait que Meubles.com fasse 10% de ce total et nous réaliserions 450 millions de CA. Et il n'y a aucune raison pour qu'à terme, nous ne le faisions pas. Nous avons un choix cinq fois plus large que celui de la Camif ou de la Redoute, avec des prix moins élevés et des services similaires. Nous livrons le meuble au moment choisi par l'acheteur et nous le montons.

Mais les délais de livraison sont-ils aussi importants en VPC que chez-vous ? Et ne pensez-vous pas que de tels délais sont un handicap ?
Nous avons les mêmes délais de livraison que ceux de la VPC. Et ce n'est pas le problème de Meubles.com, c'est celui de l'industrie française du meuble. Les trois quart des meubles qui se vendent en France se vendent avec des délais. Parce que le choix est trop grand. Et en fait, les usines fabriquent quasiment les meubles à l'unité, donc sont habituées à fonctionner avec ce système. Sur ce segment de marché, quel que soit le revendeur, les conditions de livraison seront les mêmes.

Vous disiez tout-à l'heure que le meuble était un des seuls secteurs sur Internet qui pouvait se passer du support de sociétés avec un réseau physique. Comment expliquez-vous votre association avec Carrefour, qui est entré à 20% dans votre capital ?
Lorsque l'année dernière j'ai cédé à la mode et voulu lever de l'argent à l'extérieur, j'ai rencontré deux types d'intervenants extérieurs. Il y avait ceux qui ne m'apportaient rien, parce que je n'avais pas besoin d'eux en termes financiers. Et puis, il y avait deux groupes industriels, dont Carrefour. Or Carrefour peut nous apporter un relais physique en cas de besoin. Deuxièmement, il peut nous procurer l'ouverture mondiale. Je peux aller demain dans tous les pays où se trouve Carrefour et recevoir son support. Troisième et dernière raison : lorsque vous avez un nom générique comme Meubles.com, le fait de dire que l'on est partenaire de Carrefour, c'est un plus. Ca rassure le consommateur.

Quels sont vos projets avec le réseau Carrefour ?
Ils sont de deux sortes. Comme vous le savez, Carrefour a ouvert un portail multi-sites, avec bientôt un site sur le multimédia. Dans ce cadre, nous sommes leur partenaire pour les meubles. Deuxièmement, Carrefour ne vend pratiquement pas de meuble dans ses magasins. Il y a juste une petite dizaine de points de vente où ils ont un mini rayon. Nous sommes donc parfaitement complémentaire avec leur assortiment. L'idée consiste à faire des "corners" dans les magasins Carrefour avec des ordinateurs où les gens pourront venir directement, avec ou non l'assistance d'un vendeur. Nous testons à l'heure actuelle un de ces "corners" dans un magasin de la région parisienne.

La vente sur Internet est-elle la solution idéale?
Vous dire qu'il n'y a aucun problème, ce serait mentir ! Il y a bien des gens qui n'achèteront jamais sur le Net. Comme il existe des gens qui n'ont jamais acheté en VPC. Mais nous pensons que le fait d'avoir le label Carrefour est à même de rassurer les acheteurs sur la qualité du service et du suivi. Donc, nous pensons que l'association des deux donnera de bons résultats.

Quels sont vos projets en 2001 ?
Nous allons ouvrir à l'étranger. Nous commençons par l'Allemagne d'ici un mois. Et nous ouvrirons ensuite ailleurs. Nous sommes propriétaires du mot meuble dans presque toutes les langues...

Qu'est-ce que vous préférez sur Internet ?
Ayant 50 ans, je trouve Internet rafraîchissant. Je croyais avoir vu beaucoup de choses dans ma vie professionnelle et pour moi, c'est un nouveau challenge. C'est une nouvelle forme de pensée à laquelle j'ai dû m'adapter.

Qu'est-ce que vous détestez sur Internet ?
Je déteste quand c'est long, parce que je suis quelqu'un d'impatient. Lorsque c'est long à charger, je zappe. J'ai une maison à la campagne où je n'ai pas le haut débit, je ne m'y sers quasiment jamais d'Internet.

Quels sont vos sites préférés ?
Je suis un fou de jardin. Alors je me ballade sur tous les sites de jardin du monde pour aller chercher la variété que je ne trouve pas à côté de chez moi.

 
Propos recueillis par Anne-Laure Béranger

PARCOURS
 
Titulaire d'un MBA de Wharton, Michel Carite a travaillé dans un premier temps dans la grande distribution avant de racheter à partir de 1984, une série d'entreprises. La première est Lévitan, puis Nasa Electronique et le groupe Dumeste, des garages multi-services. Un capital qu'il vend en 1991 pour investir dans une chaine de magasins pour animaux du nom de Mille amis, qu'il introduira en Bourse.

   
 
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