JDN. Dans quelle mesure la logistique mise en place par les e-commerçants est différente des structures logistiques traditionnelles ?
Thierry Courtiol. Le commerce électronique BtoC réprésente une activité logistique à part qu'il est difficile de faire reposer sur une solution logistique existante. En effet, dans l'e-commerce, les flux sont tirés par la demande alors qu'en magasin, neuf fois sur dix, les produits sont poussés vers le client. Par ailleurs, alors que les magasins travaillent sur une gamme de produits restreinte, les sites Internet se distinguent très souvent par un assortiment très large et par de faibles volumes de vente sur chaque produit. Par ailleurs, les sites Web doivent assurer des livraisons très dispersées par l'intermédiaire de différents transporteurs, alors que les entrepôts livrent de grandes quantités d'articles vers un nombre limitée de points de vente. C'est donc deux types de process très différents. Enfin, la logistique des sites Internet doit être hyper-optimisée. Rien ne doit être laissé au hasard car cette activité est très critique en terme de coût et de qualité de service.
Existe-t-il de telles différences avec la vente à distance ?
Non, car les processus sont les mêmes. Internet fait pour nous partie de la vente à distance. Ce n'est qu'un médium supplémentaire.
Quels sont les critères à prendre en compte par les e-commerçants pour choisir un entrepôt ?
Celui-ci doit permettre d'assurer une distribution urbaine et péri-urbaine dans des délais relativement courts. Pour cela, en fonction de l'entreprise et de son activité, il faut chercher un centre de gravité bien placés par rapport aux axes routiers. Il est également possible, comme l'a fait Ooshop, d'ouvrir un deuxième entrepôt en plein centre ville pour accueillir les produits lourds comme les boissons. Celui-ci est situé dans le 17ème arrondissement et est opéré par Stars Services, le prestataire logistique d'Ooshop.
Maintenant, si vous êtes un marchand spécialisé sur des produits à forte rotation et très à la mode, le critère déterminant dans votre logistique sera le temps. Dans ce contexte, on peut très bien imaginer de mettre en place plusieurs petits stocks à proximité des grandes villes afin de permettre un approvisionnement très rapide, ce dispositif étant complété par un entrepôt central qui réapprovisionne les petites plate-formes. Par ailleurs, comme l'expédition est le facteur critique, l'entrepôt doit permettre l'utilisation de plusieurs quais en parallèle.
Si au contraire, vous avez un assortiment très large, la vitesse de rotation de vos stocks sera assez faible de même que le nombre d'unités commandées pour chaque référence. C'est le modèle adopté par exemple par Amazon. Dans ce cas, le critère déterminant de votre logistique n'est pas le délais mais de minimiser vos coûts de stockage, votre entrepôt devant obligatoirement être important. D'où l'intérêt de domicilier son entrepôt dans un lieu où le prix au m² est très faible. C'est ce qu'à fait Amazon aux Etats-Unis.
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 Ooshop a réduit son temps de préparation en créant des univers." |
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L'optimisation du chemin de préparation de commande est-il un critère déterminant pour l'e-commerce et quel gain peut-on en attendre ?
Oui, c'est une étape très importante. Il s'agit de déterminer le nombre moyen de mètres que le préparateur doit parcourir pour minimiser le temps de préparation d'une commande. Il est totalement faux de penser qu'aujourd'hui les produits stockés par les e-commerçants sont placés au hasard dans l'entrepôt. Leur emplacement découle bien souvent d'une analyse statistique de la composition des commandes réelles, de la vitesse de rotation des produits et parfois, des relations qui existent entre certains produits. Dans cette logique, Ooshop a créé des univers de consommation qui réunissent, par exemple, tous les produits pour bébé. Cette organisation est aujourd'hui très efficace puisque Ooshop dispose du chemin de préparation le plus court au sein du groupe Carrefour.
La mécanisation d'un entrepôt est-elle souhaitable et quand faut-il le faire ?
C'est un très gros projet, très coûteux qui représente en plus un véritable seuil technologique. Ce type d'équipement est réservé aux gros marchands qui traitent au moins 2.000 commandes par jour ou à ceux qui ont très peu de références mais qui tournent très vite.
Quand faut-il externaliser sa logistique ?
L'externalisation doit permettre de réduire les coûts en les mutualisant. En logistique, tout ce qui contribue à massifier les flux rend cette fonction plus performante que ce soit au niveau de la gestion des entrepôts ou de la livraison. Par ailleurs, externaliser permet d'absorber les fluctuations d'activité.
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Les frais de port gratuits sont un non sens économique." |
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Selon vous, est-il souhaitable que les frais de port soient gratuits dans l'e-commerce ?
Clairement non.
La livraison gratuite est un non sens économique. Les traitements logistiques ont un coût qu'il est important de facturer. Il est vrai que les coûts logistiques sont d'autant mieux acceptés par les internautes que la valeur du produit commandé est importante. Proportionnellement, des frais d'expédition de 30 euros sur un produit qui en vaut 1.000 sont mieux acceptés que des frais de port sur des produits de faible valeur. Il existe également différents types de client dont les priorités ne sont pas les mêmes. Ce qui justifie une diversification des services et des frais de livraison. Il y a des internautes pour lesquels la rapidité de livraison est ce qu'il y a de plus important et il sera prêt à payer des frais de port élevés. Par contre, le facteur prix sera déterminant pour un étudiant, y compris sur les frais de port. Celui-ci sera sans doute tout à fait disposé à attendre quelques jours pour économiser sur les frais de livraison. Et ce laps de temps supplémentaire permettra au marchand de s'organiser en optimisant son plan de transport, de manière à minimiser ses coûts. Dans ce domaine, je crois beaucoup à l'éducation du consommateur par les commerçants eux-mêmes.
Justement, beaucoup de e-commerçants proposent aujourd'hui plusieurs formules de livraison. Quels sont les avantages et inconvénients de cette diversification et jusqu'où peut on aller ?
Pour éviter aux internautes d'aller chercher leurs colis à la poste, plusieurs e-commerçants proposent aujourd'hui des services de livraison sur rendez-vous et des services express. Mais ces services sont relativement chers. D'autres, tentent d'exploiter les réseaux de distribution de proximité que sont les points relais proposés, par exemple, par Hachette Distribution Services. Mais ce système est complexe à mettre en oeuvre car souvent, ces locaux sont trop petits. Par ailleurs, les procédures de paiement et les retours sont parfois difficiles à gérer. Enfin, un nouveau système, encore en expérimentation en France, vient de voir le jour. Il s'agit de consignes louées par un particulier dans lesquelles les transporteurs peuvent déposer des colis.
Quelles sont les bonnes pratiques en matière de respect des délais de livraison ?
Ce qui compte, c'est de respecter ses engagements. D'où l'intérêt de ne pas mettre la barre trop haute.
Est-ce qu'Internet a apporté quelque chose à la logistique traditionnelle ?
Pas pour l'instant. Il faut dire que cette activité représente des volumes encore limités.
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Propos recueillis par 